Klein werk: de Opuscula Hebraea Graeca Latina et Gallica, prosaica et metrica van Anna Maria van Schurman (1607-1678)
(1997)–Pieta van Beek– Auteursrechtelijk beschermd
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12. Franse brief aan mevrouw Anne de MerveilGa naar voetnoot366A MADAME
MADAME, Je ne scay si je dois avoir plus de compassion de vostre adversité, ou plus de joye de vostre victoire. Car la lettre, qu' il vous a plû me faire l'honneur de m'escrire, m'asseure aussi bien de l'une, que de l'autre. Il est vray que vous avez eu à surmonter des difficultez tres grandes et que je vous souhaiterois une felicité plus pure et plus parfaite, si nostre condition en pourroit estre susceptible dans ce monde: mais d'autant que les maux de ceste vie sont la matiere des triomphes, qui nous attendent dans le ciel; et que Dieu veut faire esclatter l'excellence des dons, qu' il a mis dans l'esprit des fideles, par des preuves et exercices proportionnez à leurs forces; ce seroit mal prendre ses mesures, que de mettre vostre combat Chrestien au rang des miseres, ou des infortunes. Or vous me direz que j'ay des pensées trop abstractes de vos sensibles ennuis, et que le plus sage des Roys en a mieux connu les efforts, quand il dit, comme par exclamation, en ses Proverbes: L'esprit abbatu qui le relevera? Je vous concede, Madame, que je juge plus librement de vos afflictions, quand je les regarde comme des choses passées, qui ont bien esté contraires, mais point superieures à vos vertus; et qui les ont pû combattre, sans toutes-fois les pouvoir vaincre. Autrement je sçay fort bien que la contemplation, et la joüissance des privileges celestes, que nous obtenons par la foy Chrestienne, ne sont pas tousjours si vives et si constantes, qu'elle puissent de tourner tous les coups de nos adversitez, ou en oster le sentiment. L'experience mesme nous apprend bien le contraire. Lors que l'Espoux de nos ames se tiens derriere la muraille et qu'il luy plaist de retenir pour quelque temps l'influence de ses graces et consolations divines. Car à la verité, comme dit le Psalmiste Royal, sa gratuité est meilleure que la vie. De la vient que la foy et la vertu des plus chers amis de Dieu, comme de David, Job, Jeremie et d' autres, | |
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ont eu quelque-fois des grandes eclypses; et que la violence de leurs tentations leur a fait jetter des plaintes approchantes de peu pres de celles des gens desesperez; lesquelles ont esté marquées par l'Ecriture saincte à nostre commune consolation. De forte que souvent nos victoires sont aussi sanglantes qu' elles sont trescertaines, et les couronnes du Paradis celeste ne sont données qu' à ceux qui auront combatu vaillament. Quant à ce que vous avez opinion que j'eusse pû contribuer quelque chose à la tranquilité de vostre esprit par ma presence, cela me donne sujet de me rejouir extremement, comme d'une preuve infallible de vostre affection. Or de ma part, je ne vous puis pas celer que l'ardeur, et la force du desir, que j'ay de vous pouvoir presenter un jour mon tres-humble service, me fait esperer, voire m'asseure par fois, que vous choisirez icy dans nostre Ville le lieu de vostre residence, à sçavoir apres vous estre desveloppée des inquietudes de vostre trop grand mesnage: Et ayant eu le bon heur de joüir quelque temps de la douce compagnie de Madame de N.N. vostre Fille, nous nous sommes entretenu bien souvant de ces tres-agreables discours, desquels nous attendrons la confirmation de vos bonnes resolutions, et de la providence Divine. A la protection de laquelle je vous recommande, demeurant a tout jamais
MADAME, vostre tres-humble et tres-affectionnée servante A.M. de Schurman. Ce 13. d'Aoust 1642. |
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