A mon sens, il l'a pleinement gagnée.
Et pourtant, ce matin, plusieurs de mes confrères de la presse musicale semblent avoir défeuilli les arbres de toutes les forêts avoisinant Paris, pour en casser les branches vertes sur les épaules du grand compositeur.
Je n'ai point à apprécier ces colères d'une inconcevable violence: elles ne regardent que leurs auteurs. Avant tout, la liberté de la critique; et d'ailleurs, en ayant toujours et largement usé moi-même, je ne la marchande point aux autres.
Mais j'ai le droit de donner mon opinion, aussi je la donnerai franchement, loyalement, selon mon habitude, sans souci des fureurs que je soulève ou des envies que je déconcerte.
A mon sens, Peter Benoit est un maître, et un maître justement estimé chez vous. C'est un artiste, un convaincu, un apôtre. Est-ce à dire qu'il soit impeccable? Non certes. Mais quelles que soient ses erreurs ou ses défaillances, qui n'en compte dans son oeuvre? - c'est un homme qui a droit au respect dû à tous ceux qui sacrifient leur vie à leur art.
A n'écouter que les applaudissements réservés d'abord, enthousiastes ensuite, qui ont accueilli son oratorio, à ne voir que l'attitude d'un public qui n'a pas, jusqu'â la dernière note, bougé de sa place, à ne prendre conseil que de l'émotion profonde qui nous a saisis quand ont éclaté les puissants accords de la dernière scène de Lucifer, on n'aurait pas doute du triomphe du maître belge.
Et c'était, en quittant la salle, l'opinion de nombre de musiciens, en tête desquels je citerai Gounod, lequel m'a dit personnellement:
- C'est superbe!... quelle belle fresque!... comme ce Peter Benoit plafonne bien!... Décidément c'est un homme!.. un mâle!...
Et Delibes, me serrant la main et me priant de faire part à l'auteur de Lucifer de tout le plaisir qu'il lui avait fait, de toute l'admiration qu'il éprouvait pour sa manière si large et si puissante!
Pardieu, je sais bien ce que les détracteurs de Benoit vont me répondre:
- Et la diplomatie!... pour quoi la comptez-vous? Ces messieurs-là sont des habiles qui n'auraient garde de se compromettre.
Eh bien, non; l'accent était sincère, l'oeil franc, et je me trouvais devant des gens véritablement empoignês, qui n'avaient point l'allure d'amis de la famille suivant un convoi et murmurant quelques consolation aux oreilles des parents consternés.
Quant à moi, je le répète, je trouve l'oeuvre de Benoit une oeuvre de premier ordre. J'en applaudis les harmonies saisissantes, la facture hardie, les proportions grandioses, le souffle inspiré.’
Wij zouden bij het bovenstaande nog vele uittreksels uit