pour s'exprimer doivent nécessairement être axés sur l'abstraction - que pour eux peintres contemporains - qu'ils puisent leur source dans la nature ou dans leur imagination, leur oeuvre est une abstraction visible.
En fait c'est le rejet du sujet en tant que sujet, c'est le rejet de l'objet en tant qu'objet - rien de bien nouveau - car de tous temps la qualité d'une peinture n'a jamais été ni le sujet, ni l'objet, mais ce qui dépassait le sujet, ce qui dépassait l'objet. Ce qui est nouveau tout au moins dans notre peinture européenne, ce sont ces négations exprimées par des formes soit puisées dans la nature soit en dehors d'elle mais n'ayant aucune apparence visible avec elles.
Y a-t-il progrès? - Je suis porté à croire qu'il n'y a pas progrès en art, ce terme employé littéralement - y a-t-il nécessité urgente? La question n'est pas facile à circonscrire.
Je cite un exemple, Rouault est un maître, mais si l'on supprimait dans la peinture contemporaine les chercheurs et que seul Rouault resterait, le problème pictural n'aurait pas avancé d'un pas et tout serait à faire et à penser.
Il est évident que la position des peintres abstraits est combative, créatrice dans l'ordre de la recherche, amour de l'inconnu. C'est en fait une libération non de la tradition vivante mais d'une habitude historique, habitude historique ou abstraction invisible.
Mais dans tout inconnu il y a péril et particulièrement pour l'abstraction, et précisément à cause de ce péril, la tentative doit être faite. Pour certains l'abstraction sera la dernière chance de chute; pour d'autres une montée, une tentative d'atteindre des sommets inconnus d'une spiritualité faite de mesure et de calcul, d'irréalité réelle et humaine, faite de vie toute intérieure et de nécessité toute intérieure. Et si ce travail s'avérait trop lourd et qu'un temps d'arrêt ou de ténèbres devait s'en suivre - d'autres générations reprendraient ces démarches car le propre de l'Homme et sa finalité est la perfection.
gaston bertrand
Uccele, le 12 avril 1953