Taalverbastering?
Mais l'homme spontané, peuple ou poète, a d'autres goûts que les grammairiens, et, en fait de langage, il use de tous les moyens pour atteindre à l'indispensable, à l'inconnu, à l'expression non encore proférée, au mot vierge. L'homme éprouve une très grande jouissance à déformer son langage, c'est-à-dire à prendre de son langage une possession toujours plus intime et toujours plus personnelle. L'imitation fait le reste, celui qui ne peut créer partage à demi, en imitant le créateur, les joies de la création (blz. 131).........
‘Un peuple qui ne connaît que sa propre langue et qui l'apprend de sa mère, et non des tristes pédagogues, ne peut pas la déformer, si l'on donne à ce mot un sens péjoratif. Il est porté constamment à la rendre différente; il ne peut la rendre mauvaise. Mais en même temps que les enfants aprennent dans les prisons scolaires ce que la vie seule leur enseignait autrefois et mieux, ils perdent sous la peur de la grammaire cette liberté d'esprit qui faisait une part si agréable à la fantasie dans l'évolution verbale. Ils parlent comme les livres, comme les mauvais livres, et dès qu'ils ont à dire quelque chose de grave, c'est au moyen de la phraseologie de cette basse litérature morale et utilitaire dont on souille leurs cerveaux tendres et impressionables’ (blz. 132).
Rémy de Gourmont: Esthétique de la langue française. La déformation.