Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Arts plastiquesLa ‘Herbert Foundation’: du sérieux très cibléLa collection d'Anton et Annick Herbert constitue non seulement l'une des plus anciennes mais aussi l'une des plus importantes collections d'art contemporain en Belgique. Son caractère fermé lui valut assez rapidement une réputation mythique. Les oeuvres d'art entre-temps devenues historiques furent rarement exposées, et lorsque c'était le cas, cela se passait le plus souvent à l'étranger: à Eindhoven en 1984, à Luxembourg en 2000, à Barcelone et à Graz en 2006. La collection a récemment été prise en charge par une fondation et est aussi devenue accessible au public. Elle a trouvé refuge dans une ancienne usine de machines à vapeur reconvertie située Coupure Links à Gand. Anton Herbert a grandi dans un environnement artistique. Son père, Tony Herbert, un entrepreneur courtraisien, fut l'un des principaux collectionneurs des expressionnistes flamands et un ami personnel notamment de Jean Brusselmans (1884-1953)Ga naar eind1, d'Edgard Tytgat (1879-1957) ainsi que de Gustaaf De Smet (1877-1943). Une partie de cetteNouvel espace d'exposition dans un entrepôt entièrement rénové, photo Ph. De Gobert © Herbert Foundation.
collection se trouve au Groeningemuseum à Bruges, mais nombre d'oeuvres sont toujours entre les mains de la famille. Il a été question, un jour, d'ériger une sorte de musée Tony Herbert, mais apparemment les temps n'étaient pas encore mûrs. À l'instar de son père, Anton, secondé en cela par son épouse Annick, portait un grand intérêt à l'art de son époque, intérêt stimulé par ailleurs par des contacts personnels avec des artistes. Mais à l'opposé de la génération précédente, dont l'engagement en faveur d'artistes contemporains était également considéré comme un élément susceptible de favoriser la lutte pour l'émancipation flamande, Anton et Annick ont d'emblée vu plus grand et se sont principalement passionnés pour le caractère international de l'art. Enthousiasmés par l'esprit de la fin des années 1960 et par les idées radicales d'artistes conceptuels tels que Daniel Buren, Sol LeWitt et Gilbert & George - dont ils firent la connaissance via les galeries de Konrad Fisher à Cologne et de Fernand Spillemaeckers à Bruxelles -, Anton et Annick à leur tour commencèrent à collectionner des oeuvres d'art. Au seul aspect d' ‘acquisition’ se superposait toutefois un engagement personnel, une obligation morale à l'égard des artistes auxquels ils croyaient et dont ils partageaient les idées. C'est la raison pour laquelle leur choix était limité, mais très ciblé. | |
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As if it Could, vue d'intérieur, photo Ph. De Gobert © Herbert Foundation.
La première exposition à la Herbert Foundation avait pour titre As if it Could (Comme si c'était possible), d'après une oeuvre de l'artiste conceptuel américain Lawrence Weiner, oeuvre qui, par ailleurs, trônait au-dessus de l'entrée de l'exposition. Soixante oeuvres d'art et 250 documents d'archives fournissaient une excellente vue d'ensemble d'une période charnière intéressante - de 1968 à 1989 - avec des oeuvres notamment de Bruce Nauman, Marcel Broodthaers, Luciano Fabro, Joseph Kosuth, Martin Kippenberger et Mike Kelley. La présentation ne suivait pas l'ordre chronologique et ne répondait pas non plus à des critères d'ordre didactique. Les oeuvres autonomes parlaient pour elles-mêmes. Une installation adéquate favorisait déjà une cohésion naturelle. Tout aussi fascinante s'avérait la différence entre le rez-de-chaussée à allure muséale et le premier étage comportant une présentation plus accueillante, quasi domestique. Des fauteuils de Frans West, des vidéos de Bruce Nauman, des maquettes de Thomas Schütte et des sculptures et affiches de Martin Kippenberger y créaient un environnement naturel. Et, comme chez le père, Tony, la collection était subordonnée à la mise en place d'une identité propre et au développement et à l'articulation d'une conception sociétale, l'art constituait, en l'occurrence, un facteur d'émancipation de l'esprit, d'enrichissement de la connaissance et de stimulation de la créativité. Les documents d'archives, dont l'esthétique respirait le même esprit de l'époque, se présentaient comme des alliés évidents des oeuvres d'art. Ils renvoyaient également à la principale raison d'être de la fondation, qui se voit essentiellement comme un centre de recherche et d'étude pour l'art d'une époque où le monde de l'art contemporain comptait à peine quelques amateurs prenant leur affaire au sérieux, d'une époque aussi où l'art était encore considéré comme una cosa mentale sans être instrumentalisé pour toutes sortes d'objectifs opportunistes. L'art d'une époque où la critique d'art était encore le fait d'artistes et non d'écrivaillons et où les foires d'art n'étaient pas encore des supermarchés mais des lieux de rencontre où artistes et amateurs échangeaient spontanément informations et idées. La Herbert Foundation respire le sérieux, mais sans prétention, sans mégalomanie et sans brandir un index moralisateur. Elle fait penser en quelque sorte à une vieille université anglaise où les étudiants disposent sur le campus d'un musée qui leur est destiné, où ils peuvent sans | |
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problèmes se perfectionner dans leur discipline, où ils peuvent contempler et examiner le véritable sujet de leurs études. L'idée remonte à l'origine du musée en tant que ‘musée d'exemples’. Dans une ville telle que Gand, avec ses nombreux étudiants en art, cette fondation offre des possibilités inédites qui feront incontestablement le bonheur de la jeune génération. lieven van den abeele |
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