Septentrion. Jaargang 42
(2013)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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[Septentrion 2013 nummer 1]Pieter Schenk, La Paix entre le roi de France et les États-Généraux, signée le 11 avril 1713 et annoncée le 22 mai de la même année avec les festivités habituelles, estampe, 1713 © Rijksmuseum, Amsterdam.
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Un accord aux conséquences durables: la paix d'Utrecht (1713)La paix d'Utrecht mit fin à la longue lutte que se livrèrent les grandes puissances européennes ou plus exactement leurs rois absolus, autour de 1700. En s'associant tantôt à tel allié, tantôt à tel autre, ces derniers cherchaient avant tout à renforcer leur position sur l'échiquier international. Les propres intérêts familiaux prévalaient partout et toujours, étant tout simplement synonymes des intérêts de leurs royaumes. La France, le Portugal, la Prusse, la Savoie, voilà les protagonistes qui, le 11 avril 1713, au terme d'une longue négociation, réussirent à conclure un traité de paix qui, fait assez remarquable, ne fut pas signé collectivement mais uniquement de façon bilatérale, n'engageant chaque fois que deux des parties concernées. Les Provinces-Unies - les Pays-Bas du Nord donc - qui, débarrassées de leur souverain espagnol, avaient obtenu leur indépendance en 1648, étaient elles aussi partie prenante. Ce même jour, elles signèrent avec la France un traité de paix, comprenant en plus des clauses relatives au commerce et à la navigation maritimeGa naar eind1. Autre pays faisant partie de cet ensemble international - en fait, le grand vainqueur -: l'Angleterre. Dans les traités de paix, les vainqueurs cherchent le plus souvent à monnayer leur victoire, à présenter la facture au perdant. Cela se passa également dans ce cas-ci. Il n'empêche que, dans l'histoire de l'humanité, cette paix d'Utrecht est considérée comme le premier accord issu de négociations. Il est vrai que, dans les dernières années du xviie siècle et le début du xviiie, l'épuisement et la lassitude de la guerre étaient si généralisés que personne, à part l'Angleterre, ne pouvait décemment emboucher la trompette de la victoire. Pourtant, cette paix ne fut réalisée qu'à grand-peine. Des mois durant, les plénipotentiaires négocièrent à Utrecht avant d'aboutir à un accord. D'ailleurs, les Provinces-Unies elles-mêmes, qui au cours du xviie siècle - leur siècle d'or - avaient joué un rôle majeur sur la scène européenne et coloniale, allaient précisément à ce moment-là se voir reléguer au second plan. | |
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Depuis l'actuelle Flandre française, un soldat pointe un canon vers la France. Détail de la carte Vlaenderen. Exactissima Flandriae descriptio de Gerardus Mercator parue en 1540, musée Plantin-Moretus, Anvers.
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La guerre de succession d'EspagneToutes ces années d'incertitude trouvaient leur origine dans la situation dynastique précaire en Espagne. Charles II avait accédé au trône d'Espagne en 1665. Âgé de quatre ans, maladif de surcroît, il devait fatalement aiguiser les convoitises d'autres monarques. De tout temps, les dynasties avaient pratiqué la politique matrimoniale comme la stratégie par excellence pour peser sur l'avenir. Aussi cherchaient-elles dans leur généalogie des liens familiaux afin de légitimer, le cas échéant, leurs prétentions à l'héritage espagnol, un héritage qui comprenait, outre l'Espagne, les Pays-Bas du Sud, certaines parties de l'Italie et, surtout, un immense empire colonial. Puissance, prestige, de l'or et de l'argent à profusion étaient à portée de main du vainqueur potentiel. Le roi le plus illustre de l'époque était évidemment Louis XIV. Le Roi-Soleil occupait le trône depuis près de quarante-cinq ans et avait déployé plus que quiconque une ‘grandeur’ qui, à l'heure actuelle, resplendit encore dans la galerie des Glaces de son château à Versailles. Une population à genoux: voilà le prix dont les Bourbons - tant Louis XIV que ses successeurs - se souciaient comme d'une guigne. Le monarque français avait devant les yeux un royaume de rêve où l'Espagne serait rattachée à la France. Cependant, il s'agissait là d'une perspective intolérable pour tous les autres membres du grand club, en particulier pour la maison d'Autriche. Par voie testamentaire, Charles II avait désigné Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, comme successeur. Lorsque le roi mourut en 1700, le conflit connu sous le nom de guerre de Succession d'Espagne éclata inévitablement et devint une guerre mondiale ‘avant la lettre’, livrée sur des champs de bataille européens et, bien entendu, aussi sur les mers. Pendant de longues années, on se battit, des armées de mercenaires furent levées, des ingénieurs militaires inventifs recrutés et des populations saignées à blanc. | |
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Les antécédents dans les Pays-BasPour les Pays-Bas, les calamités avaient commencé bien avant. La guerre de Quatre-Vingts Ans avait éclaté vers le milieu du xvie siècle, lorsque la région s'était soulevée contre son souverain, le roi d'Espagne. Diverses causes avaient provoqué le conflit. Tout d'abord, la tradition d'une large autonomie régionale, même au niveau des villes, avait été systématiquement mise à sac par l'absolutisme croissant des rois, en particulier de Charles Quint et de son fils, Philippe II. Par ailleurs, ces mêmes Pays-Bas avaient vécu l'avènement triomphant de la Réforme. La réflexion individuelle sur la religion s'inscrivait dans le droit fil de la conscience de soi critique d'une région prospère grâce à son commerce et à son industrie. Des circonstances politiques et surtout militaires déterminèrent enfin l'issue du conflit, à savoir une partition désastreuse. Lorsque, en 1648, la paix de Munster fut signée, mettant fin à la guerre de Quatre-Vingts Ans, les Pays-Bas furent effectivement scindés en deux parties. Le Nord (les Provinces-Unies) devint indépendant tandis que le Sud demeurait sous domination espagnole. Le Nord allait se muer en puissance mondiale, le Sud se verrait accorder à peine une certaine liberté de mouvement au sein de l'immense empire espagnol. Dans le Nord, la Réforme, prenant appui sur l'Église réformée calviniste comme pilier religieux, prédominait. Dans le Sud, un catholicisme rigoureux fut imposé, calqué sur le modèle absolutiste en vogue tant à Rome qu'en Espagne. Une période sombre s'ouvrait pour les Pays-Bas du Sud. Sur le plan économique, le territoire était durement touché par la fermeture de l'Escaut. Anvers n'était plus le centre du commerce mondial. La région suscitait en plus la convoitise de la France, ce qui avait déjà été le cas avant 1648, sous le règne de Louis XIII. L'absolutisme français était en plein essor et la stratégie des ‘frontières naturelles’ ne cessait de gagner en importance. Des périodes de luttes alternaient avec des retours au calme, mais l'incertitude prévalait toujours. Par intervalles, les Bourbons grignotèrent des morceaux de territoire des Pays-Bas. L'Artois (avec l'importante ville d'Arras) fut annexé. La Flandre wallonne (depuis toujours la partie francophone de la Flandre avec entre autres Lille et Douai) et certaines parties de la ‘Flandre flamingante’ (donc néerlandophone) et du Hainaut subirent le même sort. Les paix des Pyrénées (1659), d'Aix-la-Chapelle (1668), de Nimègue (1678) et de Ryswick (1697) intégrèrent ces changements territoriaux capricieux dans des traités internationaux. En vertu du traité de Ryswick, certaines parties territoriales - des châtellenies - furent restituées aux Pays-Bas du Sud. Même si le reste demeurait français, Louis XIV devait dans les dernières années de sa vie - il mourut en 1715 - lâcher du lest. La frontière qui fut fixée à cette date correspond toujours (à quelques corrections près) à la frontière franco-belge actuelle. Au cours de ces longues décennies, les Pays-Bas espagnols se trouvaient donc pris en tenailles entre la France et les Provinces-Unies. Chacun de ces deux pays avait son propre programme visant à utiliser le territoire comme une zone tampon. Dans les Pays-Bas espagnols l'administration était un mélange confus et inefficace de dirigisme royal venant d'Espagne et de recherche d'autonomie poursuivie assez timidement par les gouverneurs et les Conseils à Bruxelles. Les Provinces-Unies, ne montrant aucune sympathie à l'égard des Pays-Bas espagnols, s'alignaient sur l'Angleterre en dépit des intérêts diamétralement opposés qu'avaient les deux États tant sur les mers que dans les colonies. Pendant toute cette période, la politique européenne semblait un imbroglio inextricable où il est difficile de distinguer l'important de l'éphémère. Résumons les choses comme suit. En 1691, Maximilien de Bavière, pion de la dynastie autrichienne, était devenu gouverneur général des Pays-Bas espagnols. En 1700, Philippe d'Anjou, petit-fils de Louis XIV, alors âgé de 12 ans, monta sur le trône d'Espagne. À partir de ce moment, Louis XIV était de facto le maître des Pays-Bas espagnols jusqu'à ce que, en 1704, Maximilien refît surface. Une coalition anglo-batave conquit de larges morceaux de la Flandre et du Brabant. Maximilien devint ‘Souverain des Pays-Bas’, | |
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La prise de la ville de Douai par l'armée du roi commandée par le maréchal duc de Villars, le 8 septembre 1712, Almanach royal, 1713 © Bibliothèque nationale de France.
mais, en fait, son autorité ne s'exerçait que sur Namur et Luxembourg. En réalité, l'Espagne perdit irrémédiablement son emprise sur la partie des Pays-Bas qu'elle détenait. Selon les dispositions du traité d'Utrecht, le territoire espagnol ou, si l'on préfère, ex-espagnol fut remis, dans une première période relativement courte, aux Provinces-Unies, lesquelles, ayant obtenu des garanties, le cédèrent à l'archiduc autrichien. À partir de 1703, celui-ci s'était fait nommer roi d'Espagne sous le nom de Charles III, s'appuyant sur les prétentions de son père, l'empereur Léopold Ier. À compter de 1711, il porterait d'ailleurs le titre d'empereur romain (c'est-à-dire: germanique) sous le nom de Charles VI. | |
Les répercussions territoriales dans les Pays-Bas: le sud Espagnol passe sous domination autrichienneSur le plan mondial, la paix d'Utrecht redistribua radicalement les cartes territoriales. C'est ainsi que les possessions françaises en Amérique du Nord, en particulier au Canada, passèrent aux mains des Anglais. À noter aussi - fait important - que ces derniers ravirent aux Espagnols le monopole de la traite des esclaves, l'asiento. En outre, Gibraltar et Minorque tombèrent également dans l'escarcelle des Anglais, à la suite de quoi la nation maritime par excellence s'assura le contrôle de l'accès à la Méditerranée. En Italie, les possessions espagnoles furent réparties entre la Savoie et l'Autriche. La Savoie obtint entre autres la Sicile et Milan alors que l'Autriche reçut le royaume de Naples et la Sardaigne. Le 11 avril 1713, à la faveur de la paix d'Utrecht, Charles VI devint le nouveau souverain des Pays-Bas du Sud, mais il fallut négocier jusqu'en 1716 avec la Conférence anglo-batave pour officialiser la cession du territoire à la dynastie autrichienne. Les tractations débouchèrent sur ce qui fut appelé le traité de la Barrière, signé en 1715 après la conclusion, l'année précédente, du traité de Rastatt, destiné à confirmer la paix d'Utrecht. | |
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Le traité de la barrière: l'ingérence du nord et la menace persistante de la FranceDésormais, des troupes des Provinces-Unies seraient autorisées, aux frais des Pays-Bas autrichiens, à cantonner des garnisons dans une série de fortifications et de villes fortifiées le long de la frontière nouvellement fixéeGa naar eind2. Celles-ci devaient former une ligne de défense face à cette autre ligne érigée depuis le dernier quart du siècle précédent par les Français, appelée le Pré Carré, due à l'ingénieur militaire Vauban. Pour aucune des parties concernées, ce traité de la Barrière ne fut un franc succès. Les Pays-Bas autrichiens, d'obédience catholique, devaient tolérer que la garnison néerlandaise fût autorisée à célébrer le culte protestant, étant obligés par-dessus le marché d'en prendre les frais à leur charge. Cette forme d'occupation perdura aussi longtemps que le territoire resta sous la menace d'une invasion française, ce qui fut le cas jusqu'en 1748. La souveraine, l'impératrice Marie-Thérèse, refusa alors de continuer à payer et, sous la pression de son successeur Joseph II, la présence des Néerlandais prit fin en 1782. La question de savoir dans quelle mesure cette ‘occupation’ a influé sur l'image souvent négative que certains Flamands - ou, plus généralement, certains Belges - gardent encore aujourd'hui des ‘Hollandais’ reste toujours sans réponse. Si l'importance des faits historiques est mesurée à l'aune de la persistance de leurs effets, la paix d'Utrecht mérite sans aucun doute d'être marquée d'une pierre blanche. En effet, la répartition territoriale et les rapports de force fixés par les grandes dynasties en 1713 devaient perdurer, en dépit des nombreuses guerres, querelles, combines et alliances, jusqu'à la Révolution française de 1789. Au cours des années suivantes, celle-ci répandrait son idéologie républicaine et, plus tard, bonapartiste en Europe, ce qui, après la chute de l'Empire français, conduirait à un nouvel ordre imposé par le congrès de Vienne en 1815. | |
La frontière: d'une ligne artificielle à une réalité vécue au quotidienLes guerres et les traités produisent un double effet. D'une part, ils divisent des régions qui menaient une existence commune, d'autre part, ils unissent des territoires qui n'avaient pas de liens entre eux. Une frontière qui s'établit de la sorte exerce une double action: elle embrasse et lie, elle rejette et aliène. La scission intervenue en 1713 dans les Pays-Bas méridionaux à la suite du traité d'Utrecht est un bel exemple de cet effet réciproque. Il s'agit d'un phénomène récurrent, conforme à des constantes en histoire. Illustrons cela plus en détail en portant d'abord notre regard sur les institutions nationales. Après les scissions successives, les institutions centrales des Pays-Bas ne pouvaient évidemment pas rester transfrontalières. Ainsi, depuis 1668, les territoires conquis par la France ne dépendaient plus du Grand Conseil de Malines, faisant fonction de Cour suprême, mais d'un ‘Conseil souverain’ basé à Tournai, lequel à partir de 1714 siégerait comme Parlement (c'est-à-dire comme cour d'appel) à Douai. Autre exemple: la Chambre des comptes établie à Lille, l'organe de contrôle des finances publiques, perdit elle aussi son pouvoir centralisateur. Pour ce qui concerne le territoire autrichien, le siège central fut transféré à Bruxelles. Dans la région appartenant désormais à la France furent nommés des ‘intendants’. En tant que fonctionnaires administrateurs, ces derniers allaient peser fortement sur le processus d'assimilation à la France. Le pouvoir suprême était évidemment exercé depuis Vienne et Paris... L'idéologie qui se cachait derrière l'exercice du pouvoir se fondait elle aussi sur d'autres prémisses. En France, l'absolutisme triomphait, bien qu'il fût moins contraignant au xviiie | |
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siècle qu'avant. Les Habsbourg autrichiens devaient allier leur nom au ‘despotisme éclairé’, un pas en avant vers la rationalisation de la politique. Toutefois, la frontière n'entraîna pas la destruction de toutes les structures. Ainsi, en 1559, sous le règne de Philippe II, un nouveau découpage des diocèses avait été mis en place dans les Pays-Bas. Se substituant à une organisation remontant au Moyen Âge, il avait pour objectif de s'adapter à la situation réelle des Pays-Bas unifiés par les Habsbourg. Mais à la suite de l'indépendance des Pays-Bas septentrionaux et des conquêtes françaises au xviie siècle, certains diocèses allaient appartenir intégralement ou partiellement à un autre pays. Ainsi, les évêchés de Tournai et d'Ypres s'étendaient des deux côtés de la frontière. Là où des institutions nationales risquaient de favoriser l'aliénation, celle-ci était endiguée par les structures ecclésiastiques transfrontalières. Les évêques recrutaient leurs prêtres paroissiaux sans se soucier de leur origine géographique. Nous pouvons également examiner de près le réseau routier. Pendant des siècles, à part les anciennes voies romaines il n'existait guère que de petits chemins ou sentiers reliant des villages et, de village en village, également des villes. Ce n'est qu'au xviie siècle que furent entrepris des travaux d'infrastructure routière à grande échelle, à des fins essentiellement militaires. Les Français donnèrent le la dans ce domaine. Ce faisant, ils étaient en mesure de surveiller de manière optimale leur frontière septentrionale. Les Espagnols essayèrent de suivre l'exemple, mais ce furent finalement les Autrichiens qui réalisèrent une avancée significative. Les modifications de frontière en 1713 eurent pour conséquence que la route qui menait de Lille à Dunkerque via Ypres traversait maintenant en partie un territoire ‘hostile’. Aussi les Français s'emploieraient-ils à réaliser un tracé via Cassel. La communication traditionnellement dense entre les Pays-Bas et les parcelles de territoire cédées fut gênée par le système économique prévalant en France, le mercantilisme. Celui-ci prônait une politique dirigée par le pouvoir central en vue de protéger le marché propre et, par conséquent, de contrôler étroitement tant les importations que les exportations. Rien d'étonnant donc à ce que les négociants de Lille et des environs, habitués à commercer avec le reste des Pays-Bas, s'y opposent violemment. Le pendant de cette politique de contrôle strict des frontières était un circuit de contrebande parfaitement organisé, ayant des sentiers, des usages et des codes propres, comme on peut s'en rendre compte dans le Musée de la vie frontalière à Godewaersvelde. Un circuit de contrebande est un facteur permettant d'intensifier les contacts! L'ouverture des frontières en Europe, il y a vingt ans, a relégué la contrebande dans le domaine du folklore. La transition linguistique constitue sans doute le phénomène le plus frappant de la frontière fixée en 1713. Une évolution lente mais constante - due à toute une série de facteurs - a fait en sorte que le néerlandais, jusqu'alors la langue maternelle dans ce qu'on appelle la ‘Flandre française’, a été supplanté par le français. C'est un processus qui, après trois siècles, arrive maintenant à son terme. Les autochtones qui s'accrochaient à leur dialecte qu'ils appelaient et appellent le flamand, sont décédés ou pour le moins très âgés. Durant plus d'un siècle et demi, l'enseignement dans cette langue maternelle a été interdit. À l'heure actuelle, il est de nouveau autorisé, au compte-gouttes toutefois. À l'instar de la plupart des langues minoritaires en France, la langue n'est plus transmise aux jeunes générations. À l'avenir, seuls certains mots ou expressions survivront dans des variantes locales du français, comme on peut le constater entre autres dans le patois dunkerquois. L'accélération de la communication à l'intérieur des frontières nationales a, depuis plus de deux siècles, concrétisé l'idéal du centralisme: la scolarité obligatoire, le service militaire, les médias. Le ministre Jules Ferry qui au cours de la Troisième République rendit l'enseignement primaire obligatoire (en français) afin de promouvoir l'élévation sociale du citoyen, d'accentuer et d'affiner son identité française, éloigna de cette manière les habitants de la périphérie française de leur culture | |
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d'origine. Et ceci ne concernait pas que les Flamands. Le même sort échut aux Basques, aux Bretons, aux Corses etc. | |
La fin de la frontière?Non, bien sûr! Il est faux de penser que ‘plus d'Europe’ abolira les frontières, même si celles-ci deviennent à présent des frontières intérieures. Les États-nations ont fait croître d'autres traditions: les langues se sont succédées et on s'oriente vers d'autres capitales. L'enseignement apprend un autre passé et même un autre présent, souvent méconnaissable pour celui qui habite de l'autre côté. Il n'empêche: la frontière finit par être percée. Des recherches démographiques ont montré que vers 1700 on cherchait en général son futur conjoint près de chez soi et que - bizarrement - la frontière de 1713 était plutôt témoin d'un nombre croissant de choix transfrontaliersGa naar eind3. Si l'on examine les bans de mariage publiés à La Panne (village côtier en Flandre-Occidentale), on ne peut que constater à quel point l'amour amincit actuellement la frontière. Les bornes frontières qui çà et là rappellent encore comment, il y a très longtemps, les dynasties et les royaumes se faisaient face et donnaient naissance à de nouvelles réalités, ne sont plus aujourd'hui que des témoins nostalgiques d'un passé lointain et constamment changeant. Le travail frontalier, créé par des réalités économiques antinomiques, et qui jadis s'effectuait de la Flandre belge vers la France, se fait aujourd'hui pour l'essentiel en sens inverse. Soulignons ce qui est important d'un point de vue tant économique que social et sociologique: apprendre à se connaître mutuellement signifie, après un parcours parfois long et jalonné de préjugés, apprendre à s'apprécier les uns les autres. En effet, les préjugés s'appuient principalement sur des prémisses dénuées de fondementGa naar eind4. Ludo Milis |
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