Septentrion. Jaargang 40
(2011)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdMusiqueUne expérience esthétique envoûtante: les ‘livres de choeur de Leyde’Il est de notoriété publique qu'aux XVe et XVIe siècles les Plats Pays ont joué un rôle de premier plan dans la production de ce qu'à l'époque on qualifiait d'ars perfecta: l'art de la polyphonie ou la composition pour plusieurs voix, avec comme caractéristique principale la ligne mélodique indépendante de chaque partie vocale (le contrepoint). Sur le plan musical, une partie considérable de l'Europe occidentale a été ‘colonisée’ par des musiciens originaires des Plats Pays. Des souverains étrangers tant spirituels que séculiers se disputaient l'honneur de les engager pour leurs cours et églises. Initialement leurs compositions étaient diffusées sous forme de manuscrits parfois très luxueux, puis, à partir de 1501, également sous forme imprimée. Si l'impression d'oeuvres musicales a connu un succès immense au XVIe siècle, y compris dans les Plats Pays mêmes (notamment à Louvain et à Anvers), le manuscrit n'en demeurait pas moins un média privilégié pour l'exécution de cette musique sublime. Le livre de choeur de grand format, surtout, où les différentes parties vocales étaient copiées sur deux pages opposées, a été longtemps utilisé, plus particulièrement pour le répertoire liturgique. Lors de l'exécution, le livre de choeur était posé sur un lutrin autour duquel se groupaient les chantres sous la direction du maître de chapelle. Force est de constater que peu d'exemplaires de ces nombreux manuscrits liturgiques ont survécu, surtout dans les Plats Pays, qui ont traversé des périodes très mouvementées sur les plans politique et religieux durant la deuxième moitié du XVIe siècle. Ainsi, dans les années 60 de ce siècle, l'iconoclasme fut-il à l'origine de la destruction de nombreuses sources de grande valeur. D'une pléthore de manuscrits, peu de chose a pu être conservé aux Pays-Bas aujourd'hui. Il subsiste tout au plus un certain nombre de manuscrits à Leyde et à Bois-le-Duc. Parmi les | |
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Pages du livre A.
trésors sauvés il convient de signaler les six Leidse koorboeken (livres de choeur de Leyde; désignés par A, B, C, D, E et F), soigneusement conservés en toute sécurité aux archives municipales, sauf un seul (le livre de choeur C), exposé en permanence dans la halle aux draps de Leyde. Les manuscrits sur papier ont été copiés entre 1549 et 1560 pour les Zeven Getijdencolleges van de Sint-Pieterskerk (collèges des Sept Heures de l'église Saint-Pierre). Ces assemblées rehaussaient quotidiennement les offices divins (les sept heures, c'est-à-dire les réunions de prière à heures fixes du jour) de chants polyphoniques, notamment en liaison avec la pratique largement répandue du sauvetage des âmes du purgatoire grâce à la prière et au chant. Le répertoire des six livres de choeur mérite d'être qualifié tout simplement d'impressionnant: ils comportent pas moins de 328 compositions avec des messes, des motets, des Magnificat, des hymnes et d'autres chants pour l'office et pour la célébration de la messe, parmi lesquelles un certain nombre de pièces uniques. Ils présentent une anthologie représentative de ce qu'il est convenu d'appeler la quatrième génération de polyphonistes (env. 1520-env. 1560), y compris quelques compositions plus anciennes, surtout du princeps musicae universellement estimé que fut Josquin Desprez (†1521)Ga naar eindnoot1, dont l'oeuvre est demeurée populaire tout au long du XVIe siècle. Des compositeurs de réputation européenne tels que Thomas Crequillon, Clemens non Papa, Johannes Lupi, Jean Richafort, Nikolaas Gombert et Pierre de Manchicourt y voisinent avec des maîtres locaux, parmi lesquels il convient de mentionner principalement Johannes Flamingus, avec pas moins de 62 oeuvres, ainsi que Joachimus de Monte (outre toute une série de compositeurs anonymes). Étant donné la qualité exceptionnelle des compositions, dont bon nombre n'ont jamais fait l'objet d'enregistrements, le musicologue néerlandais Eric Jas (université d'Utrecht) et le chanteur Peter de Groot, chef du célèbre Egidius Kwartet, ont pris l'initiative de mieux faire connaître ce patrimoine ‘inouï’ grâce à une publication et à des enregistrements sur CD. Leur projet prévoit six doubles CD comportant | |
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chacun une sélection tirée des six livres de choeur. Les volumes I et II sont déjà disponibles. Les exécutions sous la direction de Peter de Groot s'avèrent particulièrement convaincantes. La publication très joliment illustrée de photos très réussies, notamment des manuscrits, constitue un complément indispensable aux enregistrements. Les auteurs approfondissent surtout le contexte (liturgique) dans lequel a été créée cette musique. Compte tenu de la méconnaissance croissante de la liturgie catholique, de la composition et des fonctions des chorales ainsi que de la vie quotidienne d'une église en ville, cette édition constitue une excellente et indispensable introduction à l'expérience esthétique envoûtante du répertoire polyphonique. Par ailleurs, les six manuscrits peuvent être consultés en version numérisée sur le site des Archives régionales de LeydeGa naar eindnoot2. Avis aux amateurs. ignace bossuyt |