Les quarante ans de ‘Septentrion’
En juin 1972 parut le premier numéro de Septentrion, avec en exergue cette parole de Paul Valéry: ‘Enrichissons-nous de nos mutuelles différences’. Le fondateur était Jozef Deleu, lequel assuma jusqu'en 2002 la fonction de rédacteur en chef. En 1980, à la veille du dixième anniversaire de la revue, Deleu reçut à Paris le prix Descartes pour son rôle dans l'essor de Septentrion. À cette occasion, il déclara: ‘Septentrion est né du besoin qu'éprouvaient les Néerlandais et les Flamands de se faire connaître de l'univers de langue française. La revue est une main tendue à la culture française que nous admirons’.
Aujourd'hui, au moment de célébrer le quarantième anniversaire de la revue, cet objectif est pratiquement resté identique. Plus que jamais Septentrion se propose d'informer et de contribuer à la formation de l'opinion, de combattre l'ignorance et les préjugés, de susciter la curiosité et, si possible, de procurer du plaisir. Le but est de faire ressortir l'interaction entre culture néerlandophone et culture francophone, de garder les portes ouvertes et de jeter des ponts. En ce sens, Septentrion reste un phénomène européen par excellence.
‘Puisse le lecteur y voir une contribution généreuse et positive à la construction de l'Europe de demain’: tel était le souhait de Jozef Deleu en 1972. En 2011, l'Europe n'offre plus le même visage qu'il y a quarante ans, mais rien n'a changé quant à la nécessité d'aller au-devant de l'autre, par-dessus frontières et langues, les langues générant également des frontières. Nous croyons d'ailleurs que, pour être en droit de demander le respect pour sa propre langue, il importe absolument de respecter aussi la langue de l'autre.
Nous ne voulons pas que cette année commémorative passe inaperçue. Par analogie avec un projet antérieur, Ces fleuves qui nous unissent, nous désirons maintenant attirer l'attention sur Ces trains qui nous unissent. Dans chaque numéro paraîtra un récit de voyage consacré à des lignes de chemin de fer reliant entre elles francophonie et néerlandophonie - sud et nord, mais aussi est et ouest. Un voyageur prend le train Amsterdam-Paris, lequel fait halte dans la ville où il habite, Bruxelles. Un Néerlandais monte à Maastricht pour se rendre à Ostende en passant par Liège, Louvain, Bruxelles, Gand et Bruges. Un écrivain français prend le train à la gare Lille Flandres et rejoint la cathédrale ferroviaire d'Anvers via Courtrai et Gand. Et un autre voyageur prend le train à Alost en Flandre, traverse Bruxelles après un voyage dans le Pajottenland et finit, via Waterloo, par se retrouver à Braine-l'Alleud en Wallonie. À coup sûr un voyage ‘belge’.
Cher lecteur, je tiens à vous remercier de votre fidélité à l'aventure qu'est cette revue. Celle-ci a pour horizon mental les ‘Plats Pays’, Pays-Bas et Flandre, aire linguistique qui s'étend sur un État-nation et une région. C'est ce qui rend cette aire à la fois saisissable et insaisissable. Aventureuse. N'en doutez pas: nous voulons poursuivre l'aventure dans un esprit d'ouverture qui ne craint pas l'identité propre. Le cardinal de Retz disait déjà au XVIIe siècle: ‘Il faut être de quelque part’. C'est alors seulement qu'on peut s'ouvrir à l'autre.
Luc Devoldere
Rédacteur en chef.