Septentrion. Jaargang 39
(2010)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdReligionUne théologie centrée sur l'homme: Edward Schillebeeckx (1914-2009)Le théologien flamand Edward Schillebeeckx est né en 1914 à Anvers dans une famille de quatorze enfants dont il était le sixième. Ayant fait ses études secondaires au collége des jésuites à Turnhout (un de ses frères plus âgés fut missionnaire jésuite en Inde), il préfère néanmoins entrer chez les dominicains qui, avouera-t-il plus tard, lui paraissent plus chaleureux. Il étudie la philosophie et la théologie dans leurs couvents d'études à Gand puis à Louvain où il se découvre peu d'affinités avec le néothomisme. Dès 1945, il étudie à Paris, au Saulchoir et à la Sorbonne où il noue des contacts étroits avec Yves Congar et Marie-Dominique Chenu. Ces dominicains français vont le marquer durablement. Ils appartiennent à la nouvelle théologie, un mouvement de renouveau suspecté par l'Église mais qui va contribuer à ouvrir la voie au concile Vatican II. Le père Chenu, en particulier, l'aide à comprendre l'évolution de la tradition envisagée sous l'angle historique. Le dominicain soutient le mouvement des prêtres-ouvriers et cette manière inédite de donner du sens au sacerdoce produit une assez vive impression sur Schillebeeckx. En dépit de la condamnation de ses idées par Rome, Chenu poursuit imperturbablement son action. Lorsque plus tard, il ressentira lui aussi la pression des autorités vaticanes, Schillebeeckx se souviendra du sang-froid dont avait fait preuve le dominicain français. À partir de 1943, il enseigne à la Katholieke Universiteit Leuven où il obtient un doctorat en théologie. Fin 1957, il s'installe définitivement à l'Albertinum, la maison mère des dominicains néerlandais à Nimègue. Nommé professeur à l'université catholique de cette même ville, il y assoira la réputation internationale de la faculté de théologie. Admis à l'éméritat en 1983, il continue à habiter à Nimègue. Il y meurt le 23 décembre 2009, n'ayant jamais renoncé à sa nationalité belge. | |
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Durant plusieurs décennies, Schillebeeckx a joué un rôle de premier plan dans l'aggiornamento de l'Église et le renouveau de la théologie. Conseiller des évêques néerlandais au concile Vatican II (1962-1965), il participe à la rédaction d'un document dans lequel un certain nombre d'évêques néerlandais affirment que le pape en tant que chef de l'Église ne saurait, dans l'exercice de son magistère, se passer des évêques. Avec Karl Rahner, Hans Küng, Yves Congar et aussi Joseph Ratzinger, il figure parmi les fondateurs de la revue internationale Concilium, lancée en 1965 en vue de promouvoir les idées et l'esprit du concile. Dans les années 1970 et 1980 paraissent les livres majeurs de Schillebeeckx tels que Expérience humaine et foi en Jésus-ChristGa naar eind1, Gerechtigheid en liefde, genade en bevrijding (Justice et amour, grâce et libération, 1977), L'Histoire des hommes, récit de DieuGa naar eind2, ouvrages qui allaient servir de sources d'inspiration à de très nombreux lecteurs. Sa connaissance approfondie de la tradition chrétienne se double d'un engagement sans faille au service de l'Église et de la société. Schillebeeckx se montre critique à l'égard des idéologies qui, tant au sein de cette Église que dans la société,Edward Schillebeeckx (1914-2009).
légitiment des positions de force faisant barrage aux changements. L'être humain situé au coeur de la Création, voilà le noyau central de sa théologie. Dieu lui-même est un Dieu éminemment humain, soucieux du salut de l'homme: un Deus humanissimus, se révélant dans et par les hommes. Dans son in memoriam publié dans le quotidien flamand De Standaard, le canoniste flamand Rik Torfs décrit le thème central de l'oeuvre de Schillebeeckx comme suit: ‘Dieu nous est accessible dans le monde et à travers l'histoire de l'humanité. Il est une partie intégrante de cette histoire. (...) Cette façon de mettre l'accent sur l'histoire, sur le concret ne manque pas d'inquiéter certains théologiens. Prenons, par exemple, Joseph Ratzinger qui publia en 2006, alors qu'il était déjà pape, Jésus de Nazareth. On décèle dans ce livre une certaine méfiance à l'égard de l'historique, du concret, comme si cela était difficilement conciliable avec la volonté clairement affichée par l'Église de détenir l'exclusivité de la vérité absolue. Bref, là où Schillebeeckx découvre la vérité dans l'histoire, Ratzinger voit dans cette même histoire la relativisation de la vérité. Schillebeeckx se méfie | |
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des concepts abstraits, Ratzinger, lui, suspecte le concret et l'histoire. Comme quoi la théologie est affaire de connaissance, il est vrai, mais aussi de tempérament.’ À plusieurs reprises, Schillebeeckx a été sommé de s'expliquer devant la Congrégation du dogme à Rome, sur des sujets tels que sa conception de Jésus, le sacerdoce, le rôle du laïc dans l'Église, ou encore la dissociation entre la prêtrise et le célibat. Le théologien a plus d'une fois fait comprendre que la connaissance de la réalité de Dieu ne peut être l'apanage d'une seule tradition religieuse. Ne s'étant jamais soustrait aux convocations envoyées par Rome, il a toujours su s'y défendre avec brio. Aussi n'a-t-il jamais encouru de condamnation, et Rik Torfs d'ajouter dans son article cité plus haut: ‘Contrairement à Hans Küng qui trouvait de telles convocations humiliantes et qui, à la différence de Schillebeeckx, fut effectivement sanctionné. On serait enclin à penser que ce dernier était moins vaniteux que Küng, mais il se pourrait tout aussi bien que le dominicain flamand, plus que son collègue de Tübingen, se sentît parfaitement libre face aux structures ecclésiales, ce qui lui permettait à la fois de les relativiser et d'y rester fidèle.’ Croire, selon Schillebeeckx, est en fait un processus de croissance continu. Il était convaincu qu'il fallait à tout âge s'ouvrir à la nouveauté. Dans son in memoriam, publié dans l'hebdomadaire chrétien flamand Tertio, Lieven Boeve, doyen de la faculté de théologie de la Katholieke Universiteit Leuven, résume l'action de Schillebeeckx comme suit: ‘Il apprenait aux théologiens à instaurer le dialogue avec les courants philosophiques nouveaux, les sciences humaines, la culture et la société. Il montrait qu'une approche théologique de Jésus-Christ ne pouvait faire l'économie de l'examen historico-critique centré sur ce même Jésus en tant que personnage historique. Il insistait sur le fait que le salut ne doit pas être considéré comme une matière relevant de l'individu et du spirituel mais qu'il a aussi des dimensions pratiques, politiques et écologiques. Être chrétien ne peut être dissocié de la vie concrète, voilà l'essentiel du message qu'il nous a légué. Tenue à l'écart de la vie, la “doctrine” ne signifie rien. Seuls la foi, l'Église, la tradition et le monde, vecteurs tangibles et récurrents du salut divin, finissent par trouver grâce aux yeux de Dieu. Parce que “à chaque instant, Dieu est nouveau”.’ luc devoldere |