Septentrion. Jaargang 38
(2009)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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ThéâtreLa correspondance de Michel de Ghelderode: des séquelles de ‘l'affaire’ à la ‘ghelderodite aiguë’Il a fallu à Roland Beyen plus de deux mille pages pour présenter la correspondance du dramaturge belge Michel de Ghelderode de l'après-guerre, de 1946 à 1957. Les tomes VI, VII et VIII de la Correspondance de Michel de GhelderodeGa naar eindnoot1 évoquent chacun une des trois phases de la ‘ghelderodite aiguë’, selon l'expression entrée dans l'histoire du théâtre. La première phase occupe les années 1946-1949 (tome VI). Les deux premières années sont encore assombries par les séquelles de son ‘affaire’. Le 28 décembre 1945, son ami et avocat Paul De Bock lui avait fait parvenir la bonne nouvelle: le ministre belge de l'Intérieur Van Glabbeke a cassé la révocation prononcée par la commune de Schaerbeek contre son employé Adolphe Martens, alias Michel de Ghelderode, pour cause de ‘collaboration’. Hourrah! Seulement, il écope d'‘une peine disciplinaire de trois mois de suspension sans traitement’. En outre, le Conseil communal ‘refuse de voter les crédits nécessaires à la liquidation de ses appointements et arriérés, plus de 100 000 F’ (lettre 42). Ghelderode est totalement démuni, malade de surcroît. Mais il reste combatif. À un ami il écrit que l'affaire aura des suites ‘qui laisseront d'aucuns de ces vilains grimaçant moult horriblement, ou larmoyant crocodilesquement, ou claquant des badigoinces, ou vomissant leurs fiel et merde remontés, ou se tirant le pif asticoté en louchant vers les chiottes’ (lettre 42). Mais il devra attendre jusqu'en novembre 1946 pour recevoir une première avance sur ses arriérés. Voilà l'employé réhabilité. Mais l'artiste? Avant la guerre, Ghelderode avait participé à la ‘généreuse aventure’ du Vlaamsche Volkstooneel (1927-1932) qui avait créé plusieurs pièces en traduction néerlandaise. Et la Belgique francophone l'avait applaudi dès 1930. Mais après 1945, rien ne va plus pour lui en Belgique. C'est Paris qui le relancera. En juilletRoland Beyen (o 1935), photo A. Piemme / Archives et Musée de la littérature, Bruxelles.
1949, un jury attribue son premier et son troisième prix à deux jeunes troupes: l'un pour la création de Fastes d'enfer et l'autre pour Mademoiselle Jaïre. Le public est ravi, les critiques, hommes de théâtre et éditeurs sont conquis. Le grand Jean-Louis Barrault monte la pièce, couronnée au théâtre Marigny. Comble de bonheur: une bagarre éclate parmi le public, digne de la fameuse bataille d'‘Hernani’ de Victor Hugo! L'auteur tient-il sa revanche? Pas tout à fait, car la Belgique, ce pays qu'il aime, continue à faire la sourde oreille. C'est à Paris, en février 1950, qu'éclate la ‘ghelderodite aiguë’ (tome VII, deux volumes) avec les représentations de Fastes d'enfer, de Hop Signor, de Sire Halewyn et de Barabbas. Elle culmine en octobre 1953, avec le triomphe de La Balade du Grand Macabre et de L'École des bouffons. Par ricochet, la Belgique le redécouvre peu à peu: en mars 1951, par exemple, son Barabbas est donné en néerlandais à Anvers. Marie la misérable, spectacle en plein air donné | |
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à Woluwe-Saint-Lambert, déclenche même une sorte de ghelderodite bruxelloise. Pourtant, sa santé va de mal en pis: les crises d'asthme se multiplient, qu'il combat avec de la méthadone. Cet état de santé ne justifie pourtant pas les insultes que Ghelderode, toujours ulcéré par le traitement qu'il a subi de la part des instances belges, politiques et artistiques, adresse aux metteurs en scène belges. Un exemple: lorsque Jacques Huisman sollicite la faveur de présenter Barabbas au Théâtre national de Belgique, l'auteur répond: ‘Ce qui est national a si peu d'importance, à mon regard de Belge sortant de la fosse à merde où les nationaux ont voulu me faire crever!’ (lettre du 6 juin 1953, tome VII, volume 2, p. 738). Dans les années 1954-1957 (tome VIII), le théâtre de Ghelderode triomphe enfin en Belgique. En 1954, on joue à nouveau Marie la misérable à Woluwe-Saint-Lambert, en français et en néerlandais; en 1955, Magie rouge connaît le triomphe à Anvers par le Nederlands Kamertoneel. Mais à Paris, les choses vont de moins en moins bien. En revanche, Ghelderode conquiert le monde: l'Amérique latine d'abord (1955), puis la Grande-Bretagne, l'Allemagne, les États-Unis. On commence à le traduire en plusieurs langues. Aussi Ghelderode passe-t-il la majeure partie de son temps à répondre à des lettres demandant l'autorisation de jouer ceci, de publier cela. Est-il heureux? Non, il regrette d'être ‘encombré /.../ par l'édition, la radio, la télévision, le journalisme, la correspondance’ et de ne plus pouvoir se consacrer au ‘vol des chimères dans l'intemporel’ (lettre 127). vic nachtergaele |
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