acquérir un deuxième marché domestique en Europe, ce qui ne semblait pas aller de soi. En 1997, ABN Amro se cassa le nez en France. Le Crédit industriel et commercial contrôlé par l'État français, fut privatisé et, bien qu'ABN Amro eût renchéri, cédé à la banque coopérative française Crédit mutuel.
L'année d'après, ABN Amro défraya la chronique en Belgique en renchérissant sur l'offre d'achat lancée par Fortis AG sur la Générale de Banque, à peine quelques semaines après que la banque néerlandaise ING eut réussi à reprendre la Banque Bruxelles Lambert. Mais bien que la direction de la Générale de Banque eût approuvé l'offre faite par ABN Amro, la majorité du conseil d'administration de la banque belge s'y opposa avec succès en la déclarant hostile et en émettant de nouvelles actions proposées exclusivement à Fortis. Nullement désireuse d'encourir l'opprobre que lui aurait valu une reprise hostile, ABN Amro ne souhaita pas se battre jusqu'à la dernière cartouche. Pourtant, d'après une déclaration faite récemment par Maurice Lippens, président de Fortis AG, le numéro un néerlandais aurait certainement gagné la bataille s'il avait alors offert 5% de plus. Petite consolation peu de temps après l'échec de son aventure belge, ABN Amro parvint à acquérir un marché domestique au Brésil.
Il fallut attendre 2005 pour qu'au terme d'un long combat, ABN Amro réussît à s'implanter sur le continent européen, plus précisément en Italie, par le rachat de la banque Antonveneta. Ce bras de fer allait finalement contraindre le gouverneur de la Banque centrale italienne, Antonio Fazio, à démissionner de son poste (bien qu'il y eût été nommé à vie). Faisant fi des directives européennes et même des lois italiennes, Fazio avait remué del et terre pour empêcher ABN Amro de faire main basse sur des banques italiennes. On peut se demander quelle aurait été en Belgique l'issue de la bataille pour la Générale de Banque si elle avait eu lieu en ce début du XXIe siècle et si elle avait été menée avec la même virulence.
Entre-temps, ABN Amro ne sut pas réaliser les synergies nécessaires entre ses activités éparpillées à travers le monde. Sa rentabilité restait inférieure à celle réalisée par les banques de taille comparable. Peu de temps après son entrée en fonction comme président, en 2000, Rijkman Groenink promit que le bénéfice par action augmenterait de 17% par an et que le cours du titre doublerait en quatre ans. En 2001, il annonça qu'à compter de 2004, la banque figurerait, en termes de rentabilité par action, parmi les cinq premières dans un groupe de référence de 21 membres. Groenink entendait créer une banque d'affaires de dimension mondiale et y investir. Son objectif était également de doubler, sur une période de quatre ans, les bénéfices dégagés par l'activité wholesale banking (services bancaires entre banques et autres institutions financières). La croissance devait être générée, toujours selon Groenink, par les grandes entreprises. À défaut d'une stratégie clairement définie, tous ces objectifs n'ont été que très partiellement réalisés.
En dépit d'une série de réorganisations, de suppressions d'emplois et de réductions de coûts, ABN Amro ne parvint pas à atteindre le niveau de rentabilité de ses principaux concurrents. En vue d'une éventuelle fusion, Groenink se mit en quête d'un partenaire européen, si possible de même taille qu'ABN Amro ou, à défaut, d'une banque plus grande que la sienne. En février 2007, la banque néerlandaise reçut un courrier du fonds spéculatif TCI (The Children's Investment Fund), basé à Londres, dans lequel elle était sommée de renoncer à l'extension de ses activités en Italie et d'envisager la cession de toutes sortes d'actifs, autrement dit de démanteler la banque. Les diverses parties vendues séparément rapporteraient beaucoup plus que ce que valait la banque dans sa totalité. La lettre fut communiquée à la presse avant qu'elle ne parvînt à son destinataire.
Du coup, le cours du titre ABN Amro monta en flèche. Au cours des mois précédents, TCI avait acquis (essentiellement avec de l'argent emprunté) une participation d'un peu plus de 1% dans le capital de la banque néerlandaise. Cela suffisait pour exiger que l'affaire de la lettre figurât à l'ordre du jour de l'assemblée générale des actionnaires prévue en avril 2007. Très peu de temps après la publication de ladite lettre, TCI avait engrangé plus que le double des fonds investis grâce à la flambée du cours de l'action ABN Amro. Ainsi donc, en consacrant une petite partie de ses moyens financiers à des actions caritatives au