[Nummer 1]
Au-dessus de la plage, les pavés?
Nous vivions de pain et de Rimbaud
Dans d'ascétiques salons bourgeois.
(Léonard Nolens, Brèche III, 9)
En cette année 2008, nous célébrons le quarantième anniversaire de mai 68. Au fait, que fut exactement mai 68? Sous les pavés, la plage mise à nu, l'interdiction d'interdire et l'accession de l'imagination au pouvoir: voilà pour le volet romantique.
Le mois et l'année ne sont évidemment qu'une pars pro toto, une partie pour le tout, pour la fracture que les années 1960 représentèrent en Occident. Les Plats Pays furent secoués, eux aussi, par de profonds changements sociaux au cours de cette période. Le monde s'agrandit et l'individu commença de s'émanciper. Des autorités apparemment intouchables furent mises en difficulté. Les gens privilégièrent les choix personnels. Ils exigèrent de leurs mandataires politiques une forme de démocratie plus directe, plus transparente. Les cloisons tombèrent l'une après l'autre. Les effets de ces changements sont encore sensibles aujourd'hui.
Or, quarante ans après, des critiques s'élèvent à l'encontre de l'héritage de ‘mai 68’: elles dénoncent le règne débridé de l'individualisme et le consumérisme qui a comblé le vide né de la suppression euphorique de toutes sortes de chapelles, de murs et de cloisons. Souvent les rebelles d'hier sont des gens en place aujourd'hui. On rencontre visiblement plus de pavés qu'autrefois, la plage est parfois fangeuse, les interdits n'ont pas tous disparu et l'imagination n'a pas vraiment pris le pouvoir.
À propos des années 1960 et 1970, ce numéro fait entendre deux voix: celle d'un Flamand du parti des Verts, ministre d'État, qui parcourt cette période, et celle d'une rebelle féministe néerlandaise qui raconte l'expérience qu'elle a vécue dans une université ‘rouge’ aux Pays-Bas.
Deux ans après les carnets qui ont décrit tour à tour Amsterdam et Paris, nous inaugurons aussi les Carnets bruxellois. C'est à Bruxelles que la Belgique se retrouve: le néerlandais et le français s'y rencontrent officiellement. Mais Bruxelles est aussi une ville polyglotte pleine de vie, le théâtre de mille événements. Dans le présent numéro, l'écrivain Koen Peeters déambule dans sa ville. Le numéro deux donnera la parole à Caroline Lamarche qui habite Overijse, en Brabant flamand.