Septentrion. Jaargang 33
(2004)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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été impensable si le transport aérien international n'était régi par un réseau mondial de droits de vol, fixés dans des traités bilatéraux non par des compagnies mais par des États souverains. Dans un tel système, ce ne sont pas forcément les entreprises les plus performantes qui obtiennent les plus gros succès. Ce sont inévitablement les compagnies dont le siège est établi dans les pays les plus importants et économiquement les plus puissants. Les entreprises américaines dominent le transport aérien mondial, en raison de la position de force qu'occupent les États-Unis dans les négociations qu'ils mènent avec d'autres pays sur l'attribution des droits de vols. Les droits de trafic n'étant pas extensibles à l'infini, les compagnies, trop nombreuses, se livrent une guerre commerciale sans merci pour accueillir les voyageurs, trop peu nombreux, à bord de leurs avions. Partout dans le monde, cette concurrence détermine dans une très large mesure les résultats financiers des transporteurs aériens. De plus, les liaisons aériennes sur de courtes distances offrent aux petites entreprises, les fameuses compagnies à bas coûts, telles que Ryanair et Easyjet, dispensées d'entretenir un réseau de dimensions mondiales, la possibilité deravir des clients aux grandes compagnies grâce à des tarifs (parfois très) bas et des services réduits au strict minimum. KLM n'a pas réussi à trouver la parade à la concurrence que lui font les petites compagnies alors que, confrontée à la concurrence des grandes, elle cherche, depuis de longues années déjà, à se renforcer par le biais d'alliances stratégiques. Sur la route transatlantique, elle collabore depuis longtemps avec la compagnie américaine Northwest, non sans succès d'ailleurs. Cela ne l'a pas empêchée d'accuser des pertes pendant deux années consécutives, bien que, au cours du troisième trimestre de 2003, elle fût en mesure d'afficher un taux de remplissage s'élevant à 79% alors que ses concurrentes européennes ne dépassaient pas les 73,5%. En revanche, Air France a, pendant plusieurs années, réalisé des bénéfices après avoir survécu aux déboires de l'annus horribilis 1994 grâce aux 4,5 milliards d'euros qui lui avaient été alloués à titre d'aide par l'État français. Il y a quelques années, KLM a tenté de se rapprocher de British Airways, démarche logique étant donné l'expérience presque séculaire acquise en matière de fusions anglo-néerlandaises, comme en témoignent celles de la Koninklijke / Shell | |
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Groep, datant de 1907, et de Unilever, réalisée en 1930. Toutefois, la compagnie British Airways s'est désintéressée de KLM dès que le gouvernement américain a fait comprendre qu'en cas d'une telle fusion, il exigerait que les compagnies aériennes américaines soient autorisées à augmenter leurs parts de marché sur la route transatlantique, et ce aux dépens de British Airways, contrainte dans cette hypothèse-là de céder, au départ de Heathrow, un certain nombre de vols à ses concurrents américains. La manière dont le groupe Air France-KLM, qui possède à 100% les compagnies Air France et KLM, a juridiquement été constitué permet à KLM, provisoirement du moins, de garder ses droits de vol. Il faut pour cela que les décisions concernant KLM restent du ressort des Néerlandais. L'État néerlandais et deux fondations néerlandaises détiennent ensemble 51% des parts (et des droits de vote) dans KLM. Ce qui, pense-t-on, peut convaincre les autorités étrangères que KLM demeure bel et bien une compagnie aérienne néerlandaise. L'accord signé vaut pour une période de trois ans, reconductible pour la même durée au cas où les droits de vol seraient remis en question. Passé ce délai, la Commission européenne doit se substituer aux autorités nationales afin de mener les négociations sur les droits de trafic comme il a été convenu au sein de l'Union. De plus, il a été décidé que KLM, société créée en 1919 et de ce fait doyenne mondiale des compagnies aériennes, resterait aux Pays-Bas au cours des huit prochaines années et qu'elle continuerait d'opérer au départ de l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol. Cet aéroport, où 70% du trafic est assuré par KLM, occupe la quatrième place en Europe. Le holding Air France-KLM a pris le contrôle de KLM par le biais de nouvelles actions émises par Air France. Les actionnaires de KLM peuvent échanger leurs actions contre ces nouvelles actions Air France-KLM et acquérir ainsi 19% du capital du nouveau groupe. L'État français voit du même coup sa participation majoritaire dans Air France ramenée à une participation minoritaire (43,7%) dans la nouvelle entité. Sur la base des modalités arrêtées en matière d'échange d'actions et compte tenu du niveau des cours de Bourse fin septembre 2003, la valeur totale de KLM s'élève à 784 millions d'euros, ce qui représente une plus-value de 40% pour les actionnaires de KLM. Il n'empêche qu'Air France fait une bonne affaire étant donné que la vente de tous les matériels détenus par KLM rapporterait amplement de quoi rembourser l'intégralité des dettes de la compagnie: le solde positif se monterait à 1,5 milliard d'euros, c'est-à-dire le double de ce que paie Air France non seulement pour les avions mais pour la totalité des avoirs de la société néerlandaise. Il est vrai que, selon les prévisions actuelles, cette dernière ne pourrait qu'accumuler les pertes si elle gardait son autonomie. Grâce à la fusion, la réduction des coûts d'exploitation pourra atteindre 440 millions d'euros sur cinq ans. Air France-KLM est le premier groupe européen de transport aérien et le numéro trois mondial en termes de trafic, occupant aujourd'hui environ 30% du marché transatlantique. ‘En capitalisant sur les marques et les atouts complémentaires des deux compagnies, le nouveau groupe Air France-KLM (...) pourra saisir toutes les opportunités de croissance’ déclarait, début octobre 2003, Jean-Cyril Spinetta, président-directeur général d'Air France. Cela exige toutefois qu'en dépit de cultures d'entreprise fort dissemblables, Français et Néerlandais réussissent à développer dans les prochaines années un art nouveau: un art qui leur permette de passer d'un pur mariage de raison à une coopération réellement féconde. Christiaan Berendsen (Tr. U. Dewaele) |
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