Septentrion. Jaargang 32
(2003)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Albert Erdman, buste lauré de Victor Hugo, bronze, Maison Victor Hugo, Paris.
Jan Veth, portrait de Paul Verlaine, dessin, 1892.
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ActuellesL'année Victor Hugo (2002) n'est pas passée inaperçue en Belgique. Ce sont surtout les rapports complexes entre Hugo et le petit royaume qui ont retenu l'attention des médias. Hugo a aimé la Belgique. A quatre époques de sa vie, il visita le pays, s'y réfugiant et y puisant son inspiration. Partout, il a eu un coup de coeur pour des églises, des hôtels de ville ou des musées, et est tombé amoureux des Flamandes. Certaines périodes ont cependant été moins reluisantes. En 1871, Hugo fut expulsé de la Belgique après avoir ‘offert l'asile’ aux combattants de la Commune. Dans Victor Hugo, mille jours en Belgique, Jean Lacroix suit pas à pas les différentes phases des relations mouvementées que Victor Hugo a entretenues avec la Belgique. Cet ouvrage, paru à l'occasion d'une exposition du même nom au Cercle artistique communal de Waterloo, regorge d'intéressantes illustrations (portraits, manuscrits, lettres, éditions originales, croquis, tableaux, caricatures et autres dessins satiriques). Quelquesunes des oeuvres présentées sont de la main de Hugo lui-même. Victor Hugo, mille jours en Belgique est une publication de l'Échevinat de la culture de Waterloo. Voir Septentrion, XXXI, no 1, 2002, p. 9 et XXXI, no 4, 2002, pp. 67-68.
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Paul Verlaine: sa poésie et son existence continuent de hanter les imaginations, y compris chez les néerlandophones. Témoin la revue littéraire De tweede ronde, dont le numéro ‘automne 2002’ est entièrement consacré au poète français. Une trentaine de chercheurs, critiques et essayistes y abordent les facettes les plus diverses de la vie et de l'oeuvre poétique de Verlaine, montrant non seulement le poète mélancolique, rêveur et tragique, mais aussi un auteur qui, à l'occasion, savait se montrer enjoué ou burlesque. La rubrique Light Verse contient neuf poèmes dédiés à Verlaine par des | |
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auteurs néerlandais d'aujourd'hui, ainsi que des vers du poète légendaire lui-même. Le numéro s'ouvre sur un florilège de dix-huit poèmes traduits par Peter Verstegen. Le même Peter Verstegen a publié Paul Verlaine. Een droom vreemd en indringend (Paul Verlaine. Un rêve étrange et pénétrant). Cette anthologie renferme cent poèmes de Verlaine, tous traduits et abondamment commentés par Verstegen. Précédemment, Verstegen a également traduit en néerlandais Les Fleurs du mal de Charles Baudelaire. Ces deux ouvrages sont parus aux Éditions Van Oorschot à Amsterdam.
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L'automne de l'année 2002 a été une période sombre pour la littérature néerlandaise, qui a perdu plusieurs auteurs, notamment les poètes flamands Eddy van Vliet (1942-2002) et Gust Gils (1924-2002), l'ardente féministe Andreas Burnier (1931-2002) et l'énigmatique écrivain-critique-homme de télévision Boudewijn Büch (1949-2002). Fin novembre disparaissait un poète et parolier de variétés qui, pendant des dizaines d'années, a donné l'impression d'être un oublié de la littérature. Son talent était généralement reconnu, mais le genre qu'il pratiquait n'entrait manifestement pas en ligne de compte pour les grands prix littéraires. Son nom: Lennaert Nijgh. ‘Un grand poète romantique’: la formule est d'un de ses confrères, prononçant l'éloge funèbre de Lennaert Nijgh (1945-2002). Le lyrisme de Nijgh était d'une simplicité et d'une limpidité remarquables; cet auteur maîtrisait avec une aisance stupéfiante toutes les formes de vers possibles. Il a écrit des textes pour différents chanteurs et chanteuses des Pays-Bas, mais c'est surtout sa longue collaboration avec Boudewijn de Groot qui l'a fait connaître. Durant les années 1960 et 1970, presque toutes les chansons qu'ils créaient ensemble ont remporté un énorme succès dans les pays de langue néerlandaise. Leurs talents conjugués n'ont eu aucune peine à séduire une génération montante qui se rebellait contre l'autorité et contre toute forme de bourgeoisie. Les mélodies de Boudewijn de Groot épousaient parfaitement le besoin de liberté et d'émancipation de cette jeunesse et faisaient écho au mouvement de contestation qui était dans l'air à l'époque. Ses chansons abordent les genres les plus divers et, à l'occasion, évoquent des personnages ou des événements de l'histoire des Pays-Bas. Depuis quelques années, De Groot se produit à nouveau sur scène. Son public de 2003 n'est pas uniquement constitué de nostalgiques des années 1960 et 1970; il comprend une surprenante proportion de jeunes: de toute évidence, la force littéraire des textes de Lennaert Nijgh n'y est pas étrangère.
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L'artiste flamand Jan van Oost (o1961) est, à ses propres dires, fâché. Irrité par les hypocrites dans le monde de l'art, par les papes de la culture, par ceux qui détiennent l'autorité, fâché avec l'existence tout court. Ces dernières années, il a réussi à canaliser cette colère. Pour ce faire, il a été aidé par Baudelaire en personne. Il s'est inspiré de ‘La Muse malade’, où Baudelaire se demande ce qui arrive à sa muse. C'est ainsi que Van Oost a entamé en 2001 son Baudelaire Cycle, série de dessins de personnages féminins qui ne manque pas d'interpeller. Fin 2002, il a exposé 800 dessins au Musée Dhondt-Dhanens à Deurle (près de Gand). Van Oost montre la femme dans les attitudes et sous les formes les plus diverses: dure et douce, effarouchée et ensorcelante, colorée et noire, de l'extérieur et de l'intérieur, objet de plaisir ou mirage, fleur ou scorpion, marionnette, chair ou squelette. La manière dont la virtuosité y est systématiquement tournée en dérision et mutilée est à la fois grotesque et dégrisante. Au début, Van Oost utilisait essentiellement des photos, mais il a progressivement intégré dans ses dessins des attributs qui renvoient tout simplement à la période durant laquelle les dessins ont été réalisés. Il ornait ses femmes de citrouilles à Halloween et d'oeufs à Pâques. Et, lorsque les | |
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Jan van Oost, ‘Vrouwenhand’ (Main de femme), s.d.
Kees van Dongen, ‘Pagekopje’ (Coiffure à la Jeanne d'Arc), lithographie, 1924 © SABAM Belgique 2003
colonnes des journaux étaient remplies des méfaits d'un tueur en série, il n'était pas capable de dessiner autre chose que des squelettes. Le catalogue, illustré de quelque quatre cents dessins, peut être obtenu sur demande au Musée Dhondt-Dhanens, Museumlaan 14, B-9831 Deurle.
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Maastricht, située à 20 km de Liège et seule ville néerlandaise limitrophe d'une région francophone, est depuis le début des années 1990 un lieu de mémoire de la construction européenne. La ville elle-même est peu connue en dehors des Pays-Bas. Pourtant, elle constitue depuis des temps immémoriaux un centre culturel d'une grande vitalité au carrefour des cultures germanique et romane. Un des aspects les moins négligeables n'en est certainement pas la complexité linguistique qui a longtemps prévalu à Maastricht, et dont Marina Kessels-Van der Heijde (o1947) nous livre une analyse fouillée dans un mémoire intitulé Maastricht, Maestricht, Mestreech. Au xviiie siècle, le néerlandais, le français (surtout pratiqué par l'élite) et le dialecte maastrichtois cohabitaient. Après l'annexion par la France en 1795, le français a pris une place plus importante. En 1823, l'administration et l'enseignement allaient être néerlandisés sous l'impulsion du roi Guillaume Ier. Néanmoins, les livres et les journaux continuèrent encore longtemps à être édités majoritairement en français. D'importants changements dans le domaine de l'économie (le pôle principal de l'industrie et du commerce se déplaçant progressivement de la Wallonie vers la Hollande-Septentrionale) ont contribué à faire de Maastricht au xxe siècle une ‘ville néerlandaise’, où la langue française a été fortement marginalisée. Dans le même temps, le dialecte local connaissait un regain d'intérêt culturel, notamment sous l'action de la société Momus. Maastricht, Maestricht, Mestreech est paru dans la série Maaslandse Monografieën (Monographies | |
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du pays mosan) aux Éditions Verloren de Hilversum (ISBN 90 6550 713 2). Voir Septentrion, XXIII, no 4, 1994, pp. 51-57 et XXX, no 4, 2001, pp. 133-141.
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Un des phénomènes les plus inquiétants de l'évolution de la société occidentale est le vieillissement continu de sa population. Afin de se faire une idée concrète du problème, l'Institut néerlandais de Paris et L'Espace éthique de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ont organisé le 18 novembre 2002 un colloque sur la place des seniors dans les sociétés française et néerlandaise. Des professionnels de la santé, membres d'associations, chercheurs et représentants d'instances politiques se sont penchés sur plusieurs questions: ‘A quel type d'enjeux et de défis sommes-nous confrontés?’, ‘Comment concilier nos responsabilités sociopolitiques avec le respect des droits et de la dignité des personnes âgées?’, ‘Selon quels principes et avec quelles finalités envisager des dispositifs conformes à l'attente de tous?’ Les débats ont révélé la complexité du problème et la nécessité d'une vision concrète à longue échéance, tant en termes de société en général que sur le plan de la politique à mettre en oeuvre. En juin 2001, les deux institutions avaient déjà organisé conjointement un colloque sur le thème de l'euthanasie. Ces débats s'inscrivent dans le cadre du renforcement des relations franconéerlandaises, décidé par les ministres néerlandais et français des Affaires étrangères. Voir Septentrion, XXX, no 4, 2001, pp. 192-193.
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Des artistes plasticiens français et des peintres qui ont construit une grande partie de leur carrière en France font actuellement l'objet de deux prestigieuses expositions organisées au Kunsthal de Rotterdam. Jusqu'au 25 mai 2003, l'exposition ‘Impressionnisme & Post-Impressionnisme. Le miracle de la couleur’ offre un aperçu de l'évolution de la peinture en France depuis l'École de Barbizon jusqu'au fauvisme. L'accent y est mis sur l'impressionnisme (notamment avec Claude Monet, Alfred Sisley et Pierre Auguste Renoir) et sur le post-impressionnisme (avec, entre autres, Pierre Bonnard, Georges Seurat et Paul Signac). La majeure partie des oeuvres exposées proviennent de l'imposante collection que le couple suisse Corboud s'est constituée durant ces quarante dernières années. Kees van Dongen compleet - flaneren op papier accueille l'oeuvre gravé du célèbre peintre fauve. L'oeuvre gravé de Van Dongen est demeuré relativement peu connu. Il comprend pourtant un nombre impressionnant d'illustrations de livres, de lithographies, d'eaux-fortes et de pochoirs dont les motifs les plus fréquents sont des élégantes ou des lieux renommés tels que Paris, Venise et Saint-Tropez. Adresse: Museumpark, Westzeedijk 341, NL-3015 AA Rotterdam - www.kunsthal.nl
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Une des maisons d'édition qui se sont le plus appliquées ces dernières années à faire connaître la littérature néerlandaise en France est Le Castor astral, de Bordeaux. A l'occasion du Salon du Livre 2003, dont les Pays-Bas et la Flandre sont les invités d'honneur, Le Castor astral a publié au fonds ‘Escales du Nord’ pas moins de sept traductions qui font la part belle aux lettres ‘flamandes’. L'anthologie Littérature en Flandre présente l'oeuvre de trente-trois écrivains d'aujourd'hui. Le recueil Cruel Bonheur, auquel est consacré un article du présent numéro, offre la possibilité de découvrir la poésie récente de Hugo Claus. A noter aussi le recueil de poésie Le Naufrage de Benno Barnard. Une large place est également réservée à la prose avec le roman Fromage de Willem Elsschot (1882-1960) et des oeuvres des auteurs contemporains Jef Geeraerts (le roman Sanpaku et la nouvelle Marcellus) et Stefan Hertmans (Entre villes, qui balade le lecteur d'une ville à l'autre). Le fonds a pour principal animateur le poète belge francophone Francis Dannemark, un authentique ‘passeur de cultures’.
Hans Vanacker |
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