D'autres articles sont bien documentés et donnent le goût de la culture néerlandaise au lecteur français. Ainsi ‘Des ponts littéraires pour enjamber le monde’ (pp. 25-28) présente la nouvelle génération d'immigrés marocains (plus un Iranien et une Chinoise) qui a fait son entrée sur la scène littéraire des Pays-Bas ces cinq dernières années. Par ailleurs, l'article consacré aux Primitifs flamands, ces peintres du xve siècle, qui allient un réalisme-naturalisme caractéristique au nouvel humanisme naissant est excellent également. Délicieuse aussi la brève nouvelle de Couperus, Le Deuxième regard, traduite par Daniel Cunin.
Après un article plus technique sur la typographie elzévirienne, les rapports entre la littérature et la peinture sont abordés au travers de deux brèves contributions, l'une portant sur la perception de Van Gogh par Antonin Artaud et par René Char, l'autre présentant simplement le groupe Cobra.
Viennent encore des contributions sur le cinéaste hollandais Joris Ivens, le réalisateur Johan van der Keuken, le travail d'un collectif d'acteurs anversois Tg. STAN (Toneelspelersgezelschap Stop Thinking About Names!), sur les compositeurs franco-flamands de la Renaissance, Johannes Ockeghem et Josquin des Prés, toutes dignes d'intérêt.
Merveilleusement poétiques et touchant le coeur de la mentalité hollandaise, sont la méditation sur la fenêtre hollandaise, et le texte intitulé ‘Le miroir des curieuses’ qui, à partir d'un détail de l'architecture hollandaise, cerne l'identité de ce pays, exprimée au travers des thèmes caractéristiques de sa littérature, à savoir la maison et le voyage. A cet égard, fait intelligemment remarquer l'auteur de cet article original, la rencontre de la littérature néerlandaise avec les écrivains d'ailleurs qui parlent et écrivent dans sa langue est cruciale et risque de transformer ‘son mobilier intérieur’. Identité et mythes faisant bon ménage, l'attention du lecteur est ensuite dirigée vers le mythe du Hollandais volant, vaisseau fantôme glorieux du xviie siècle, présent dans de nombreuses oeuvres littéraires (Heine, Coleridge, V. Hugo, A. Rimbaud) et évidemment dans l'opéra de Wagner. Il est rapproché de celui d'Ahasverus, le juif errant. Dommage qu'ici encore, la littérature néerlandaise de Belgique, qui offre de beaux exemples de ce mythe (A. Vermeylen), soit complètement ignorée. Enfin, Mata Hari et le mouvement Provo trouvent leur place dans cette ‘mythographie’ hollandaise. La biographie de Margaretha Zelle alias Lady Mc Leod alias l'agent H. 21 est clairement résumée et incite à lire la documentation secondaire citée.
A quelques exceptions près, un bilan positif donc pour cette publication qui donne au lecteur français une bonne image des Pays-Bas. Le mot ‘Flandre’ qui orne la couverture ne couvre en fait que les célèbres Primitifs flamands et çà et là un articulet. Peut-être pourrait-on suggérer à Pro-Libris de consacrer un numéro ultérieur à la Flandre...
Il me reste à signaler que ces étudiants nantais ont aussi accompagné la publication de trois oeuvres néerlandaises en traduction française, à savoir Le bon à rien de Frans Kellendonk, Le matelot sans lèvres de Cees Nooteboom et enfin Autoportrait avec parents de Nicolaas Matsier.
Kellendonk (1951-1990) et Matsier (o1949) ont tous deux été rédacteurs auprès de la revue néerlandaise De Revisor, qui rassemblait début des années 1980 les premiers auteurs postmodernes des Pays-Bas. Kellendonk est mort du sida à 39 ans, quatre ans après la publication de Mystiek lichaam (Corps mystique, 1986), son oeuvre maîtresse. Matsier, quant à lui, publie encore; outre son autoportrait, il est l'auteur de De eeuwige stad (La ville éternelle, 1982) et de Dicht bij huis (Près de chez soi, 1996). Enfin, Cees Nooteboom (o1933), dont la renommée est restée inébranlable depuis son roman Rituelen (1982), rédige majoritairement des récits de voyage. Une grande partie de son oeuvre a été traduite en français.
Ces traductions, réalisées par des traducteurs plus ou moins chevronnés, sont de bonne qualité.