nombreux dessins allégoriques. Les villes et les villages apparaissent au premier plan et l'homme se pose en protagoniste. Les allégories cachent souvent une leçon de morale que Bruegel s'emploie à exprimer dans des compositions pleines de symboles, d'allusions burlesques et de bizarreries. En témoignent, entre autres, De grote vissen eten de kleine (Les gros poissons mangent les petits) et les séries De zeven doodzonden (Les sept péchés capitaux) et De zeven deugden (Les sept vertus) jointes par une feuille libre au Het laatste oordeel (Le Jugement dernier). Ces oeuvres, qui nous montrent un Bruegel au faîte de son art, allaient déjà de son vivant lui valoir le titre de ‘second Bosch’. Il n'est pas sûr que Bruegel ait connu dans sa version originale l'oeuvre de Jérôme Bosch (vers 1450 - 1516), le grand maître du fantastique. En revanche, on a tout lieu de croire qu'il a pu voir certaines copies des tableaux de Bosch, diffusées en grand nombre au début du xvie siècle.
Bruegel ne se contentait pas de produire des paysages et des allégories. Ses bateaux, ses fêtes villageoises, ses scènes d'inspiration religieuse comptent parmi les joyaux de l'art du dessin. Au cours de sa ‘période bruxelloise’ (à partir de 1562), Bruegel a continué à réaliser des dessins réussis, tel l'intrigant
De schilder en de connaisseur (Le peintre et l'amateur). Les deux personnages représentés ici s'opposent radicalement: d'un côté, un peintre au regard sévère, sûr de lui et de son savoir-faire, de l'autre, un commanditaire qui,
Pieter Bruegel l'Ancien, ‘De schilder en de connaisseur’ (Le peintre et l'amateur), dessin, ‘Kunsthistorisches Museum Albertina’, Vienne.
l'air niais, délie déjà les cordons de sa bourse. Bien qu'il ne s'agisse probablement pas d'un autoportrait, on admet communément que dans ce dessin Bruegel a voulu exprimer ses aspirations à l'indépendance artistique.
Bruegel mourut en 1569. Dans une ode posthume, le cartographe Abraham Ortelius saluait en lui ‘le peintre le plus parfait de son époque’. Ortelius avait sans doute raison mais dans le même temps il péchait par omission. En plus d'un peintre excellent, Bruegel fut aussi un dessinateur d'un talent exceptionnel.
Hans Vanacker
(Tr. U. Dewaele)
Du catalogue scientifique, établi sous la direction de m. orenstein, il n'existe, hélas, qu'une version anglaise.