Septentrion. Jaargang 30
(2001)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdRudy Wester et la ‘Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise’: ambassadrices au service des lettresEn l'an 2000, Catherine Tasca, ministre française de la Culture et de la Communication, offrit au monde littéraire néerlandais un superbe cadeau: elle éleva Rudy Wester (o1943), directrice de la Nederlands Literair Productie- en Vertalingenfonds (Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise) à la dignité d'officier de l'Ordre des arts et des lettres. Cette distinction, un des quatre ordres ministériels de la République française, veut honorer les personnalités qui se sont illustrées par leurs créations dans le domaine artistique ou littéraire ou par la contribution qu'elles ont apportée au rayonnement de la culture en France et dans le monde. Le prix tomba à pic, puisque la fondation fêtait en 2000 son dixième anniversaire. Lors de la création de la fondation, Rudy Wester, romaniste de formation et critique de littérature française, se vit offrir le poste de directrice adjointe. En 1996, elle fut nommée directrice succédant ainsi à Frank Ligtvoet. Subventionnée par l'État néerlandais, l'institution qu'elle dirige a pour but principal de faire connaître et de promouvoir à l'étranger des ouvrages de langue néerlandaise (et frisonne!), y compris des livres pour enfants et pour la jeunesse. Rudy Wester s'attache essentiellement à nouer des contacts avec des éditeurs étrangers. Dans ce but, elle sillonne inlassablement la planète, veillant par ailleurs à faire participer la fondation à | |
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tous les grands salons internationaux du livre (tels la Buchmesse de Francfort et la Fiera del libro per ragazzi de Bologne). A la suite de la vente des droits d'un livre néerlandais à un éditeur étranger, la fondation peut parrainer, sous certaines conditions, la publication de l'ouvrage en langue étrangère en prenant à sa charge une partie importante des frais de traduction. La fondation s'efforce, par le biais de nombreuses initiatives, de stimuler l'intérêt pour les littératures néerlandaise et frisonne à l'étranger. Le bulletin Nieuwsbrief Letteren suit de près l'actualité littéraire aux Pays-Bas et en Flandre. Cette publication trimestrielle contient des analyses de textes, des comptes rendus, les listes des lauréats des grands prix littéraires décernés dans l'espace néerlandophone et un aperçu des parutions récentes d'oeuvres littéraires néerlandaises en traduction. En collaboration avec le ministère de la Communauté flamande, la fondation publie, trois fois par an, Livres de Flandre et des Pays-Bas, bulletin rédigé en français et destiné aux éditeurs de la francophonie. Cette publication, qui paraît aussi en version anglaise, présente un certain nombre d'oeuvres littéraires qui ont retenu l'attention de la critique. La participation d'auteurs néerlandais et frisons à des manifestations organisées à l'étranger se révèle extrêmement bénéfique pour la politique culturelle menée par les Pays-Bas. La fondation propose aux organisateurs de pareilles manifestations (organismes littéraires, éditeurs, universités) une aide financière. Par ailleurs, elle participe activement à la mise sur pied d'importantes manifestations-rencontres autour et avec des écrivains néerlandais et frisons. La fondation prend aussi en charge, outre la bourse
Rudy Wester (o1943).
qui leur a été accordée, les frais de transport et de séjour des écrivains engagés temporairement en qualité de lecteurs invités par des universités étrangères. Soucieux de rendre la politesse, les Pays-Bas attirent et accueillent à leur tour des écrivains étrangers. La Maison des traducteurs, fondée à Amsterdam en 1991, offre aux traducteurs de littérature d'expression néerlandaise la possibilité de venir travailler un ou deux mois aux Pays-Bas. Signalons à ce propos qu'il existe une maison analogue en Flandre. A Louvain, au coeur de l'ancien béguinage, a été aménagée une Maison des traducteurs où des traducteurs étrangers peuvent travailler en toute quiétude. Quel bilan dresser de l'action menée par Rudy Wester et des initiatives lancées par la Productiefonds? S'agissant d'une littérature produite dans une aire linguistique relativement restreinte, il n'est guère facile de susciter et de pérenniser l'intérêt hors des frontières. Il n'empêche qu'on peut se réjouir d'une évolution assez prometteuse. Les choses semblent avoir pris un tournant décisif en 1993. Cette année-là, les Pays-Bas et la Flandre avaient conjugué leurs efforts afin de former le ‘Schwerpunkt’ (le fer de lance) de la Frankfurter Buchmesse, une des foires du livre les plus importantes au monde. Cette manifestation | |
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devait susciter dans la foulée un faisceau d'initiatives qui allaient rehausser le prestige des lettres d'expression néerlandaise. En Allemagne, on assista même à un véritable engouement pour la néerlandicité, phénomène qui, à ce jour, persiste. Des auteurs contemporains, tels Cees Nooteboom et Harry Mulisch, y sont portés au pinacle tandis que nombre de leurs collégues obtiennent également les honneurs de la traduction. Ces dernières années, on observe, notamment au Japon, un intérêt croissant pour la littérature de langue néerlandaise, ce qui s'explique sans doute, en partie, par les liens historiques qui existent entre les Pays-Bas et le pays du soleil levant. Dans quelle mesure le monde francophone s'ouvre-t-il à la littérature de langue néerlandaise? Lorsque, en 1986, Philippe Noble répondait à cette question, il faisait état de sentiments tels que ‘scepticisme’ et ‘amertume’, relayés à de rares intervalles par ‘des moments de trêve’Ga naar eind(1). Depuis lors, la situation n'a cessé de s'améliorer. On peut difficilement prétendre que la littérature d'expression néerlandaise ait pleinement acquis ‘droit de cité’ dans la francophonie mais force est de constater que les traductions françaises d'ouvrages néerlandais se multiplient. Jeroen Brouwers, Hugo Claus, Jozef Deleu, Anna Enquist, Hella S. Haasse, Lieve Joris, Rutger Kopland, Margriet de Moor, Harry Mulisch, Leonard Nolens, Cees Nooteboom, H.M. van den Brink, Adriaan van Dis: tous ces auteurs contemporains ont été traduits, ces dernières années, une ou plusieurs fois en français et cette énumération est loin d'être exhaustive. A cela s'ajoute l'intérêt porté aux tendances récentes qui se font jour au sein des lettres néerlandaises. Depuis peu, le monde littéraire néerlandophone s'enthousiasme pour un certain nombre d'auteurs allochtones, tels Kader Abdolah et Abdelkader Benali, qui publient en néerlandais et dont les oeuvres sont déjà disponibles en traduction française. Étant donné que pas mal de traductions du néerlandais sont publiées par les grandes maisons d'édition (Gallimard, Le Seuil, Robert Laffont, Actes Sud et l'Age d'Homme), les critiques s'intéressent de plus en plus à la littérature de langue néerlandaise. En 1995, celle-ci obtint d'ailleurs un beau succès en France: Jeroen Brouwers se vit décerner le prix Femina Étranger pour son roman Le rouge décanté (titre original: Verzonken rood)Ga naar eind(2). Tout semble indiquer que le cercle vicieux (peu de traductions, donc peu d'intérêt et, partant, absence de besoins en matière de traductions nouvelles) pourra enfin être brisé. Il n'est guère aisé de déterminer avec précision ce qui peut stimuler la curiosité pour une littérature étrangère. Il suffit parfois d'une présentation chaleureuse faite au cours d'une émission littéraire à la télévision pour faire jouer le déclic. En ce qui concerne la littérature néerlandophone, le rôle joué par la Productiefonds ne saurait être sous-estimé. Sous la houlette de Rudy Wester, la fondation conduit une politique cohérente en matière de traductions, faisant montre d'un ‘feeling’ sans faille dans l'évaluation des goûts et des besoins littéraires manifestés par les diverses aires linguistiques. Aussi s'accordera-t-on sans trop de peine à considérer la nomination de Rudy Wester au grade d'officier de l'Ordre des arts et des lettres comme une récompense amplement méritée. Hans Vanacker (Tr. U. Dewaele) Literair Productie- en Vertalingenfonds (Fondation pour la production et la traduction de la littérature néerlandaise), Singel 464, NL-1017 AW Amsterdam. |