Septentrion. Jaargang 29
(2000)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Jean-Jacques de Grave, ‘Heer Halewijn’ (Sire Halewyn et son cheval), gravure sur linoléum, 65 × 50, 1977 © SABAM Belgique 2000.
Pièce d'identité falsifiée de Marga Minco, ‘Letterkundig Museum’, La Haye.
Eva Gerlach (o1948) (Photo Bert Nienhuis).
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ActuellesCes dernières années, les Éditions Autres temps de Marseille s'intéressent vraiment à la poésie en langue néerlandaise. Elles ont édité des traductions non seulement des classiques de la littérature néerlandaise (comme Guido Gezelle, 1830-1899), mais aussi de poètes contemporains. En 1997 paraissait L'invention de la tendresse, anthologie de l'oeuvre poétique du poète flamand Willem M. Roggeman (o1935), comptant 60 poèmes traduits en français par Évelyne Wilwerth. La poésie de Willem M. Roggeman, influencée par les arts plastiques, se révèle très visuelle, mais elle se nourrit également d'une vaste culture qui lui permet de se mouvoir en tous lieux, à toutes les époques. Une autre particularité frappante de l'oeuvre de Roggeman est le mélange rare d'exotisme et d'engagement. ◆ Jo Verbrugghen, un Flamand qui habite depuis longtemps Houffalize (province de Luxembourg), est un publiciste fécond en matière d'art et d'histoire belges. Dans le Bulletin du Cercle d'histoire et d'archéologie Segnia local, il a publié un article passionnant et détaillé sur le Luxembourg ‘sous le règne des archiducs’. Verbrugghen y fait preuve de connaissances historiques poussées et de son amour pour sa région d'adoption. Verbrugghen a également écrit les catalogues des deux expositions consacrées à des artistes flamands, organisées en 1999 à l'Espace CBC de Namur. Le premier catalogue présente l'oeuvre du sculpteur Roel d'Haese (1921-1996) qui se fit un nom avec ses silhouettes fantastiques d'allure surréaliste. Le second catalogue est consacré à l'oeuvre de Jean-Jacques de Grave (o1923). Ce graveur vit et travaille depuis une quarantaine d'années à Bruxelles. Membre fondateur et animateur de Xylon International, du groupe Idée et de Graphisme 50, il est un important rénovateur de l'art de la gravure. Les deux | |
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catalogues ont été édités par les KBC Assurances de Louvain. ◆ Het achterhuis (Journal) d'Anne Frank est sans conteste l'ouvrage néerlandais le plus connu sur la persécution des juifs au cours de la seconde guerre mondiale. Et pourtant il existe toute une série d'écrivains néerlandais dont l'oeuvre évoque essentiellement le même thème. L'un de ces écrivains est Marga Minco (o1920). Fin novembre 1999, elle a reçu le prix Annie Romein, l'une des distinctions culturelles les plus cotées de toute la néerlandophonie. Jeune juive, Marga Minco dut se réfugier dans la clandestinité au cours des années de guerre. De toute sa famille, elle serait la seule à survivre à la guerre. On trouve un récit poignant de cette période dans Het bittere kruid (Les herbes amères, 1957), dont la traduction française par Louis Fessard est éditée aux Éditions J.C. Lattès. Het bittere kruid, composé de vingt-deux brèves esquisses plus ou moins indépendantes mais respectant un ordre chronologique, est considéré comme le chef-d'oeuvre de Marga Minco. Bien qu'en dehors du problème juif, elle ait publié d'excellents récits, deux romans, deux nouvelles et plusieurs livres pour enfants, Marga Minco doit l'essentiel de sa notoriété et de son statut dans la littérature de langue néerlandaise à sa manière d'évoquer les années de guerre. Voir Septentrion, VIII, no2, 1979, pp. 33-41. ◆ Le prix de littérature P.C. Hooft, alternativement attribué à un essai, une oeuvre en prose et une oeuvre poétique, s'assortit d'une somme de 75 000 florins (soit 250 000 FF ou 1 500 000 FB). En outre le lauréat peut consacrer 50 000 florins (soit 18 000 FF ou 1 000 000 FB) à un objectif corrélé à son oeuvre. L'édition 2000 a couronné la poétesse Eva Gerlach (o1948), pour l'ensemble de son oeuvre forte de dix recueils. Cette poétesse d'envergure écrit souvent dans des formes rigides. Néanmoins, ses images sont vivantes et d'une extrême précision. Aussi le rapport du jury la loue-t-il pour ses ‘tentatives de créer par la langue un ordre qui n'existe pas ou n'apparaît pas dans la réalité’. Les thèmes centraux de son oeuvre sont la mort et le souvenir de plus en plus évanescent du disparu. Voir Septentrion, XXIII, no 1, 1994, pp. 23-21. ◆ Le Rijksmuseum (Musée d'État) d'Amsterdam ne possède pas seulement une collection mondialement renommée de tableaux mais également, entre autres, un impressionnant département photographie. Cette collection comporte quelque 75 000 photos du xixe siècle. Jusqu'à tout récemment, elle ne comprenait que peu de clichés provenant de France, pourtant pays par excellence de la ‘photographie précoce’. Cette lacune a été comblée fin 1999. Au cours d'une vente aux enchères londonienne, le Musée d'État a acquis quatre importants albums dorés sur tranche et ornés en couverture des initiales de Napoléon III. Provenant de la période 1855-1857, ces albums contiennent 550 clichés du photographe Édouard Baldus, qui fut chargé de photographier la rénovation du Louvre. Chaque feuille présente une façade du Louvre ou un détail de façade. Il ne reste que quatre exemplaires de cette série. Parmi les trois exemplaires restants, deux se trouvent dans des bibliothèques parisiennes et un au Musée Paul Getty de Los Angeles. Les albums d'Édouard Baldus étaient à l'époque le projet photographique le plus ambitieux et le plus novateur de France. Baldus en avait été chargé par Achille Fould, ministre d'État sous Napoléon III. Il avait auparavant fixé sur des négatifs en papier de sa fabrication la plupart des monuments de Paris. Par la suite, il photographia également des chemins de fer, des gares, des ponts et des viaducs. ◆ L'image de Bruxelles, la capitale belge, n'est pas toujours positive à l'étranger. L'accès rapide de cette ville de province à la fonction de ‘capitale | |
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Paul Menses, portrait de Harry Mulisch (o1927), dessin, 1983.
Façade de la grande cour intérieure du Collège néerlandais, avec fenêtres pivotantes en acier d'origine.
de l'Europe’ ne s'est pas toujours fait sans problèmes. Par ailleurs, Bruxelles, dénuée de l'aura littéraire de Paris, de Londres ou de Vienne, brille par son absence sur les planisphères littéraires. La revue belge francophone Marginales entend bien, elle, donner sa place à Bruxelles sur la ‘carte mondiale de la littérature’. Aussi a-t-elle consacré à la capitale belge un numéro à thème fort de 27 collaborations, non seulement de prosateurs et de poètes mais aussi, entre autres, d'artistes et d'universitaires. Tous apportent leur regard particulier sur cette ville fascinante. Avec Jacques de Decker, directeur de publication, nous pouvons espérer que, grâce à ce numéro 236 de Marginales, la ville aura plus de chances d'être mentionnée ailleurs que dans les seules pages politiques et économiques. Adresse: rue d'Atrive 48, B-4280 Avin. ◆ Le prix Jean Monnet de la littérature européenne - d'une valeur de 50 000 FF (soit 300 000 FB) - est attribué par le Conseil général de Charente au meilleur roman traduit en français au cours de l'année écoulée. La dernière remise du prix a eu lieu fin novembre 1999 au cours du douzième Salon de la littérature européenne de Cognac. Le lauréat en fut le prosateur néerlandais de Harry Mulisch (o1927) pour La découverte du ciel, traduction par Philippe Noble et Isabelle Rosselin, parue au printemps 1999 aux Éditions Gallimard, de De ontdekking van de hemel. Comme Philippe Noble le soulignait déjà dans le premier numéro de 1999 de la revue Septentrion, La découverte du ciel réunit les fils rouges qui courent à travers l'oeuvre de Harry Mulisch: biologie génétique, astrophysique, histoire des religions, théologie et occultisme sont convoqués allègrement au service d'une fiction époustouflante où il est question de la rupture du pacte entre Dieu et les hommes. Voir Septentrion, XXVIII, no1, 1999, pp. 3-15. ◆ Les lecteurs assidus des ‘Actualités’ savant que la | |
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revue francophone Archipel. Cahier international de littérature s'intéresse fréquemment à l'oeuvre d'écrivains néerlandophones. Le volume 14 de décembre 1999 publie notamment Schorre, une suite poétique de Dirk Claus (o1929), dans l'original néerlandais et dans la traduction française de Michel Oleffe. Dirk Claus, à ne pas confondre avec son illustre homonyme Hugo Claus, a joué un rôle important de ‘passerelle culturelle’ entre la francophonie et la néerlandophonie. En 1961, il fonda la revue Nul (Zéro) où il introduisit Claude Simon auprès du public néerlandophone. Claus a publié sept recueil poétiques. Alain Germoz, directeur d'Archipel, marque aussi beaucoup d'intérêt aux écrivains flamands d'expression française. Dans ce volume, il publie quelques poèmes de Guy Vaes (o1927) et de courts essais de Vincent Malacor (o1938) et de Jo van Osselt (o1939). Adresse: Jan van Rijswijcklaan 7/2, B-2018 Antwerpen. ◆ L'Association des néerlandistes de Belgique francophone (ANBF), déjà souvent évoquée dans cette rubrique, a publié fin 1999 sa quatrième ANBF-Nieuwsbrief (Lettre d'information ANBF). Celle-ci comporte notamment un compte rendu de la quatrième assemblée générale du 24 avril 1999. On y apprend que l'ANBF a des plans concrets de mise en place d'un site internet destiné à devenir une sorte de centre de documentation pour l'étude de la langue néerlandaise. Le site comprendrait notamment des rubriques de linguistique, de littérature, de maîtrise de la langue, de didactique et de culture. On essayerait aussi d'impliquer plus étroitement les professeurs de néerlandais du secondaire. Tous les articles de cette Nieuwsbrief sont des conférences de jeunes chercheurs, proposées lors de l'assemblée générale. Leurs sujets sont fort divers: ils vont du ‘bégaiement’ et de ‘l'influence du contexte sur la déduction sémantique’ en passant par ‘la littérature féminine dans les ex-Indes néerlandaises’, au ‘dictionnaire idéal des termes économiques et financiers pour apprenants’ et à ‘internet, langues étrangères et traducteurs’. Pour la première fois de son existence, l'ANBF organisait un concours de dissertation. Les participants étaient des étudiants en néerlandais inscrits à une université ou à une grande école francophone. Le sujet proposé était: ‘l'influence et les effets des actuelles rencontres culturelles en Belgique’. L'ANBF-Nieuwsbrief publiait les trois meilleures dissertations. Enfin on y trouvait une liste bien utile des thèses présentées au cours de l'année académique précédente dans les sections de néerlandais des universités de Belgique francophone et de France et la rubrique Aankondigingen en mededelingen (Annonces et communications), comportant plusieurs comptes rendus d'ouvrages spécialisés. Adresse: Université de Liège, section de néerlandais, place Cockerill 3, B-4000 Liège. ◆ Willem Marinus Dudok (1884-1974) fut l'un des architectes néerlandais les plus en vue du xxe siècle. Un des points culminants de son oeuvre est sans aucun doute Le Collège néerlandais (dans la Cité universitaire de Paris), ouvert en 1938. La bâtiment était destiné à héberger des étudiants néerlandais et comprenait aussi une grande cour intérieure, un salon de thé, un auditorium / salle de théâtre et une salle de musique qui devaient lui conférer une certaine fonction publique. Toutefois, cette fonction de ‘lieu de rencontre culturel’ ne s'est jamais concrétisée. Le Collège néerlandais a subi un certain nombre d'aménagements architecturaux et se trouve dans un état technique moyen. La direction du Collège néerlandais, la Cité universitaire de Paris et les autorités françaises veulent restaurer l'édifice, qui figure d'ores et déjà à l'inventaire des bâtiments historiques. En vue de cette restauration, on a procédé à une ample étude préalable financée par le gouvernement néerlandais. On peut trouver les résultats de cette | |
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Wim van de Woestijne (o1940) (Photo Paul Stoffels).
Étienne Carjat, Arthur Rimbaud en 1872, Collection François-Marie Banier.
Paul Claes (o1943) (Photo David Samyn).
étude dans l'ouvrage bilingue Dudok in Parijs - à Paris (1999). Ce livre présente un historique de la construction du Collège néerlandais et s'intéresse à des éléments architecturaux fort divers. Les nombreuses photos et esquisses permettent au non-spécialiste de comprendre les analyses techniques. L'ouvrage, sous la rédaction de Carien de Boer - Van Hoogevest, est paru aux Éditions THOTH (Prins Hendriklaan 13, NL-1404 AS Bussum). A l'occasion de cette publication, l'Institut néerlandais de Paris (121, rue de Lille, VIIe) s'est également intéressé au Collège néerlandais. On y a exposé du 2 au 19 décembre 1999 une ample collection de photos de l'architecte néerlandais J.P. Kloos, qui fut associé à la construction du bâtiment. Le datage précis de ces photos faites lors de la construction permettait de reconstituer l'évolution du chantier. Hans Vanacker
Wim van de Woestijne (o1940) a des atomes crochus avec la France. Il fit ses débuts en 1996 avec la nouvelle Felacci où il décrivait d'une plume précise les amères vicissitudes d'un jeune homme en France. En 1997, il se fixa en France et publia en 1999 le recueil de nouvelles De matador van Narbonne (Le matador de Narbonne). Toutes les nouvelles ont pour cadre la campagne française, souvent voisine de Perpignan et il s'y passe toujours quelque chose de tout à fait étrange: une cabine-wc que la Loire emporte avec la mémé et tout le bataclan; un homme qui épouse une femme paralysée qui se révèle être... sa soeur; deux frères qui assurent à leur mère une bien curieuse crémation. Des centrales nucléaires fissurées et un empoisonnement au sulfite entraînent mutilations, leucémies et crétinisme chez des villageois obligés de continuer à vivre bossus ou manchots. Dans ses nouvelles absurdes et souvent surréalistes, Van de Woestijne montre la vie, qui est dure, la nature et le destin qui sont impitoyables. Et pourtant ces paraboles | |
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grotesques et laconiques sont la déclaration d'amour très particulière d'un amoureux incompris au pays et au peuple qu'il a choisis. Wim van de Woestijne, De matador van Narbonne, Meulenhoff, Amsterdam, 1999, 168 p. ◆ Outre romancier érudit et poète pasticheur, le Flamand Paul Claes (o1943) est également un philologue subtil et un traducteur béni des dieux (notamment de Labé, Mallarmé, Nerval, Heredia, Segalen, mais aussi de Joyce, Pound, Catulle et Sappho). Après avoir pratiqué pendant quarante ans l'oeuvre de Rimbaud, il publie maintenant, après une traduction commentée d'une sélection de poèmes, une traduction intégrale avec commentaires de ses Illuminations. Claes se fait fort d'avoir percé le code de ces 44 poèmes en prose du jeune poète visionnaire, qui ne se proposait pas d'écrire une poésie illisible, mais entendait présenter la réalité autrement, de façon plus étrange, moins habituelle. En effet, selon Claes, Rimbaud n'était pas un surréaliste avant la lettre mais un symboliste hermétique qui codait ses textes. Son code est celui de la rhétorique. Fort de ses études classiques, Rimbaud employait notamment des figures rhétoriques comme la métaphore, la métonymie et la périphrase pour formuler indirectement la réalité. Le lecteur doit déchiffrer les transformations linguistiques qui rendent mystérieux le message. Dans ses interprétations, Claes veille à ce qu'elles cadrent avec l'esprit du temps et le style de l'auteur. C'est ainsi qu'il voit dans Villes II une description visionnaire de ciels de nuages comme on peut en trouver chez Victor Hugo. Quoi qu'il en soit, Claes offre des lectures cohérentes et stimulantes de textes incompréhensibles. Ses commentaires mériteraient d'être mieux connus des spécialistes français de Rimbaud. Les traductions de Claes sont parues, dans un ouvrage bilingue, aux Éditions Athenaeum - Polak & Van Gennep (Amsterdam). Luc Devoldere |
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