Septentrion. Jaargang 28
(1999)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdHistoireLe coq et le lion bientôt à la croisée des chemins?Un État qui comporte plusieurs communautés linguistiques est-il encore viable en un temps où la plupart des pays de l'Europe occidentale abandonnent une grande part de leurs pouvoirs à des structures supranationales tout en accordant des compétences accrues à leurs propres régions? C'est sur cette question que s'ouvre l'ouvrage d'Eric Vanneufville, Le coq et le lion. La Belgique à la croisée des chemins. Il n'est pas fréquent qu'un Français consacre une publication scientifique au ‘problème belge’. Il est vrai qu'Eric Vanneufville dispose d'un atout majeur: il connaît bien le néerlandais, ce qui lui permet de ne pas s'en tenir à des sources francophones. La francophonie dispose ainsi de deux publications récentes qui ont recours à des sources néerlandophones. Avant la parution de l'ouvrage d'Eric Vanneufville, Astrid von Busekist venait en effet de publier La Belgique. Politique des langues et construction de l'État de 1780 à nos jours. Astrid von Busekist est une historienne allemande qui a fait l'essentiel de ses études en France, notamment à la Sorbonne. Elle a appris le néerlandais pour se faire une idée objective de la situation politique complexe de la Belgique. Dans son ouvrage, elle décrit l'étroite imbrication des évolutions linguistiques et étatiques en BelgiqueGa naar eind(1). Le coq et le lion comporte grosso modo trois parties: une introduction historique à partir des Anciens Belges, une esquisse des problèmes communautaires actuels et un regard prospectif sur les développements possibles des années à venir. Dès l'introduction historique, Eric Vanneufville se livre à une réflexion digne de remarques. Il relativise l'image d'une période bourguignonne (xve siècle) censée constituer une préfiguration politico-étatique et une légitimation de la Belgique sous sa forme actuelle. S'il était déjà question d'une unité politique avant la lettre, elle se présentait davantage sous la forme d'un ‘Delta du Benelux’ dont les territoires belges ne constituaient qu'une composante (p. 36). Le démantèlement de cette entité plus large est surtout imputable à des événements purement militaires, la chute d'Anvers en 1585 constituant la ‘cassure’ la plus manifeste. C'est seulement après cette date que les Pays-Bas du Sud | |
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constituent une possible préfiguration de la Belgique, mais il est bien difficile d'y voir un choix conscient (p. 40). Vanneufville dénonce encore une autre méprise. Il ne comprend pas pourquoi ‘Le droit du sol’ (le principe de territorialité en vertu duquel les lois linguistiques d'un territoire donné s'appliquent à tous ceux qui l'habitent) est généralement rejetée dans les milieux francophones. L'auteur souligne que ce principe s'applique tout autant en territoire francophone. En France, c'est même un des points essentiels de la Constitution (pp. 132 et 135). L'analyse que Vanneufville fait de la problématique communautaire est proprement passionnante. Il commence par une évocation chronologique des diverses périodes du Mouvement flamand. Il accorde un intérêt particulier aux décennies qui ont suivi la seconde guerre mondiale, où néerlandophones et francophones réagissaient différemment aux problèmes de société. Du fait notamment de la néfaste ‘politique du gaufrier’ où l'on exigeait du côté francophone des moyens ‘identiques’, en compensation de concessions politiques ou de grands investissements accordés à la Flandre, une fédéralisation poussée de la Belgique s'est avérée indispensable. On la mit en oeuvre par phases successives, le point d'orgue étant la réforme de l'État en 1993. Pour Vanneufville, 1993 ne doit pas forcément être le point final. Les moyens et symboles qui lient Flamands et Wallons sont de moins en moins nombreux: l'influence et la valeur symbolique de la maison royale diminuent, du moins selon l'auteur, le franc belge doit faire place à l'euro, les institutions nationales, jadis respectées, mais maintenant plus ou moins grippées, inspirent peu de respect. Le facteur par excellence qui fait diverger Flamands et Wallons est l'économie. A grand renfort de chiffres sur la croissance économique, la productivité, le chômage, etc., Vanneufville étale les différences entre une Flandre relativement saine et une Wallonie en perdition. L'éloignement croissant entre néerlandophones et francophones n'est freiné que par une seule réalité politique: l'insoluble problème bruxellois. Il arrive parfois au lecteur de déceler chez Vanneufville un à-peu-près ou une petite erreur. L'auteur a tendance à employer indifféremment les termes ‘néerlandais’ et ‘flamand’ quand il parle de la langue des Pays-Bas du Sud. A notre avis, l'emploi permanent du terme ‘le néerlandais’ s'impose. Jusqu'à nouvel ordre, la politicienne Nelly Maes fait partie de la Volksunie, le parti nationaliste-flamand, elle n'est pas membre du CVP (chrétiens-démocrates) et certainement pas une des plus éminentes collaboratrices du Premier ministre belge (p. 158). Notre dernière remarque concerne le contenu. Vanneufville survole assez légèrement les diverses réformes de l'État. Il résume leurs principales | |
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dispositions en deux pages (pp. 115-117). Il est de fait que les réformes sont en soi une matière aride, mais une analyse plus détaillée n'aurait pas déparé. Le coq et le lion n'en reste pas moins un ouvrage fort estimable, où l'auteur n'hésite pas, le cas échéant, à pourfendre les conceptions généralement admises au sud de la frontière linguistique. Hans Vanacker (Tr. J. Fermaut) eric vanneufville, Le coq et le lion. La Belgique à la croisée des chemins. Editions France-Empire, Paris, 1998, 184 p. |
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