Lennick, dans le Brabant flamand, où il s'était vu offrir le gîte et le couvert chez Madame Veuve Bronze. Le cahier est daté du 5 septembre 1918. Des chansons d'amour pathétiques y voisinent avec des textes aux accents martiaux. Ces derniers exaltent le courage des héros, fustigent les crimes commis par l'empereur d'Allemagne et évoquent de manière déchirante le désespoir auquel s'abandonnent les mères lorsque leurs fils partent à la guerre.
Sept ans après la fin de la ‘Grande Guerre’, mes parents se sont mariés, s'efforçant tant bien que mal d'oublier cette période calamiteuse. Ensemble, ils ont construit leur vie tout comme, jeunes gens, ils avaient aidé leurs parents à reconstruire leurs fermes dévastées. Cependant, le souvenir de la guerre et de sa folie meurtrière n'a jamais cessé de les hanter même si rarement ils consentaient à en parler, par crainte sans doute de réveiller de vieux démons.
L'histoire de la ‘Grande Guerre’ n'est pas seulement le compte rendu d'opérations militaires ou l'exposé d'intérêts et de conflits politiques et idéologiques. Elle est aussi, comme en témoignent mes archives familiales, le récit de civils fragilisés par l'explosion d'une violence absurde, en proie à la stupeur et au désarroi.
Quatre-vingts ans après l'armistice, il nous semble utile d'évoquer la ‘Grande Guerre’ telle qu'elle a sévi en Flandre. La France et la Belgique étant alors des pays alliés, la Flandre française et la Flandre-Occidentale ne constituaient plus qu'un immense champ de bataille.
Ce numéro spécial de Septentrion veut contribuer à mieux faire connaître ce que fut la ‘Grande Guerre’ dans nos régions. Cela ne peut déboucher que sur une meilleure entente entre francophones et néerlandophones. C'est précisément le but que s'est fixé notre revue.
JOZEF DELEU
Rédacteur en chef.
Les environs de Dixmude (Flandre-Occidentale), Musée royal de l'armée, Bruxelles.