Hubert Lampo: comment dire l'indicible
Lors de la déclaration du décès de sa mère, le célibataire quadragénaire Christian Dewandelaer (= ‘Le Promeneur’), médecin des traîne-misère d'une banlieue ouvrière d'Anvers dotée d'un camp de forains, s'entend dire par l'officier de l'état civil que son père, dans l'immense respect duquel sa mère l'avait élevé, n'était pas décédé mais avait disparu un soir de tempête de décembre, trente ans auparavant, sans laisser de traces, après avoir quitté la maison pour chercher du tabac dans un magasin cinquante mètres plus loin. Jonas, contremaître de la fabrique de bougies et seul ami du père, confirme la disparition, et le commissaire de la police judiciaire Koons rouvre le dossier, se rappelant ‘l'idée agaçante d'avoir buté contre un mur impénétrable’: crime parfait ou manie de la fuite?... Ces deux rencontres ravivent chez Christian des pans de souvenirs de ses dix ans que viennent compléter l'image d'Éveline, ‘blonde princesse de cet été unique’ de ses douze ans, et une rencontre féminine lors d'une guindaille estudiantine déjà évoquées dans le récit.
Invité à la pendaison de crémaillère chez le procureur Herman Andersen, perdu de vue depuis l'université, Christian voit dans la maison de celui-ci une toile à la Paul Delvaux lui révélant ‘le sentiment d'étrange familiarité dont m'emplissait ce paysage irréel, où tous les personnages avaient des gestes de vivants qui eussent au même moment atteint le détachement de morts. L'existence de ce monde m'apparaissait soudain telle une irréfutable évidence (...)’. L'épouse du procureur prétend l'avoir déjà rencontré par le passé et essaie de le séduire.
Des complications à la suite d'un accouchement dans l'une des roulottes ramènent Christian à son monde à lui. Des livres de son père sur le mythe de l'Atlantide qu'il feuillette au grenier activent en lui ‘une imagination profonde et continue’ et la quête du père. L'épouse du procureur, enceinte, vient le consulter, lui révèle que c'est elle qu'étudiant il a rencontrée et lui
Hubert Lampo (o1920).
confesse sa solitude et sa chasse éperdue au bonheur, qu'un enfant que Christian lui fera garder lui apportera enfin.
Christian ranime une noyée amenée dans l'auberge, la prend chez lui pour la soigner et l'aider à sortir de son amnésie. La convalescente reste et s'occupe de tâches de ménage. Il s'attache à elle. Un soir, Jonas lui raconte l'épisode d'une bistrotière dont les moeurs avaient jadis perturbé la cité. Le père de Christian était intervenu. Une fille était née: Éveline..., qui pourrait être sa soeur. La fuite du père vers l'Ailleurs pourrait s'insérer dans un tel contexte. L'inconnue, qui a tout entendu derrière la porte, s'enfuit et se jette sous un train de marchandises..., trouvant enfin la paix... et devenant ‘l'aimée inaccessible’. Ainsi se clôt cette histoire dont Christian avait ‘éprouvé le besoin de chercher la cohérence cachée, les maillons invisibles qui liaient passé, présent et avenir’.
Avec Retour en Atlantide (1953), Hubert Lampo (o1920), après plusieurs textes de réalisme psychologique, opta pour un réalisme magique