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Une littérature amphibie:
les auteurs flamands francophones
Longtemps, les historiens français de la littérature ont frappé les lettres françaises de Belgique d'ostracisme. Seuls les auteurs qui s'étaient ‘exilés’ en France avaient une chance d'y atteindre une certaine notoriété. Je cite en exemple les noms d'Émile Verhaeren (1855-1916), de Maurice Maeterlinck (1862-1949) et, plus près de nous, d'Henri Michaux (1899-1984) et de Suzanne Lilar (1901-1992). Cette perception cadrait dans la tradition centraliste de la France: en dehors de Paris, point de salut, point de talent. Depuis une ou deux décennies toutefois, les littératures françaises de Belgique, de Suisse, du Canada et des anciennes colonies françaises sont considérées comme relevant de la littérature française. Voilà donc que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes? Nenni! Le véritable enjeu n'est pas de décider si ces littératures ‘extra muros’ appartiennent à la littérature française ou non, mais de s'interroger sur la place exacte qu'elles y occupent, sur la fonction qu'elles y exercent. En effet, après avoir ignoré ces littératures périphériques, on risque maintenant de les intégrer purement et simplement, au détriment de leur spécificité socioculturelle. Pour illustrer cette idée, je voudrais montrer que les lettres françaises de Belgique occupent une place particulière dans le patrimoine culturel de France, et ce, parce que, très longtemps et dans une large mesure, elles émanaient de la plume d'auteurs d'origine flamande.
Il faut avouer tout de suite qu'en Belgique aussi, la même récupération intégriste subsiste. Les historiens des lettres françaises de Belgique partent d'un a priori apparemment simple: tout ce qui s'écrit ‘chez nous’ en français relève des lettres françaises du pays. Un exemple typique: l'ouvrage de G. Charlier, Le mouvement romantique en Belgique (1959, 2e éd.), qui prétend, à en juger d'après le titre, embrasser l'ensemble de ce mouvement, ne consacre qu'une vingtaine de lignes sur mille pages (!) à la littérature romantique en néerlandais. Soit dit en passant: un des plus célèbres historiens de la littérature néerlandaise, G. Knuvelder, ne tient pas compte non plus de l'impact manifeste qu'ont eu les lettres françaises sur la littérature en néerlandais.
Cet a priori fraternellement partagé résulte de la conjonction de deux concepts soi-disant clairs: une langue, le français (casu quo: le néerlandais), et un État, la Belgique. Mais j'ai deux objections. Primo: les historiens ne peuvent décemment isoler les lettres françaises de Belgique de l'ensemble des lettres françaises. En effet, dans ses grandes lignes, l'évolution des ‘lettres françaises de Belgique’ a emprunté des voies pour le moins parallèles à celles
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Émile Verhaeren (1855-1916).
de la littérature de France. Secundo: ils n'ont pas davantage le droit d'annexer purement et simplement à la littérature française de Belgique des auteurs flamands, vivant en Flandre et ayant le néerlandais comme langue maternelle, mais écrivant en français. L'ambiance dans laquelle ces auteurs ont grandi les a marqués d'un sceau particulier. Leurs oeuvres sont inévitablement le résultat d'une hybridation culturelle franco-flamande. Pour apprécier correctement leurs oeuvres, le critique devra donc situer ces auteurs francophones flamands également par rapport à la culture et à la littérature néerlandaises de leur temps.
Tout cela m'amène à dire que l'histoire des deux littératures de Belgique, la néerlandaise et la française, doit être réécrite à la lumière de cette nouvelle perspective. A partir de 1830 au moins et jusqu'au seuil de la deuxième guerre mondiale, elles se sont influencées réciproquement de manière intense. Dans cette perspective, les auteurs francophones flamands ont joué un rôle de choix, celui de ‘go-between’ entre les deux patrimoines culturels. Tantôt ils ont légué des modèles et des concepts esthétiques français à leurs collègues écrivant en néerlandais, tantôt ils ont apporté, à partir de leur patrimoine flamand, des accents inédits à la littérature française.
Si nous survolons les rapports changeants qu'ont entretenus entre eux les auteurs d'expression néerlandaise et française en Belgique, nous pouvons distinguer grosso modo quatre périodes: le romantisme (1815 à 1880), le naturalisme et le symbolisme (1880 à 1914), l'entre-deux-guerres et la génération d'après la seconde guerre mondiale.
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L'État francophone au passé flamand
La Révolution française prôna la liberté politique du citoyen, ce qui n'empêcha pas l'empereur Napoléon d'occuper le territoire belge (à ce moment-là sous l'autorité autrichienne) et d'y imposer par les armes les principes de la République. L'histoire aimant
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l'ironie, ce fut au nom de cette même liberté du droit à l'autodétermination des peuples que la révolte contre la France s'organisa. ‘La Belgique’, attribuée aux Pays-Bas en 1815 et devenue indépendante en 1830, qualifia le régime républicain d'immoral et d'athée. Ironie historique toujours: tout en condamnant la littérature ‘perverse’ de la France républicaine, les auteurs belges n'adoptèrent pas moins les principes esthétiques alors en vogue en France. C'est ainsi que les genres à succès dans les années 1830 et suivantes en Belgique étaient les mêmes qu'en France, tel le roman historique. Situation paradoxale donc: d'une part, le jeune État belge s'inscrit en faux contre la culture républicaine du grand voisin, mais d'autre part, il n'a aucun scrupule à formuler cette aversion même selon les canons esthétiques français dominants. On se demandera de quel principe la Belgique s'autorisa pour s'opposer aussi hautainement à la France ‘perverse’. La réponse est simple: son passé flamand! Les ouvrages parus en Belgique entre 1830 et 1880, tant en français qu'en néerlandais, invoquent massivement l'élément flamand du nouvel État pour appuyer sa légitimité, son droit à l'existence en tant qu'État autonome et son indépendance. Et on comprend sa motivation: l'État belge étant francophone dans tous ses organes officiels, il ne pouvait justifier son existence à l'égard du voisin français qu'en exhibant un passé totalement autre: un passé flamand!
On trouvera normal que les romans historiques aient exalté le passé national du jeune État. Il fallait lui procurer les lettres de noblesse les plus anciennes possible. Mais on s'étonnera de voir que ce passé est invariablement le passé flamand. On peut le constater non seulement chez les écrivains flamands écrivant en français, mais aussi chez les écrivains francophones. Ainsi le premier roman historique de Belgique, de la main d'Henri Moke (né au Havre en 1803 et émigré à Bruges), s'intitule: Le gueux de mer ou La Belgique sous le duc d'Albe (1827). La figure du gueux de mer s'applique naturellement à un Flamand, habitant des côtes de la mer du Nord. C'est donc ce Flamand qui incarne la résistance de ‘la Belgique’ contre le suzerain espagnol. Rien qu'à compulser les titres des romans d'alors, on voit le souci général de glorifier le passé flamand: Hembyse, Histoire gantoise de la fin du xvie siècle (Jules de Saint-Genois, 1835), Le château de Wildenborg ou les mutinés d'Ostende (du même, 1846), Épisodes de l'histoire de Flandre au onzième siècle (J.-B. Coomans, 1836). Les auteurs wallons ne restent pas en demeure: ainsi M.-A. Maurage publie Le Ruwart, Chronique flamande du xiiie siècle (1875), roman ayant la figure de Jacob van Artevelde (1290-1345), homme politique flamand à Gand, comme protagoniste. La figure de Van Artevelde avait d'ailleurs déjà fait l'objet d'un roman en néerlandais, de la main d'Henri Conscience (Jacob van Vlaanderen, 1838).
Ce même Conscience est par ailleurs l'auteur du Leeuw van Vlaanderen (Le lion de Flandre, 1838), roman qui exalte la victoire des citoyens flamands contre l'armée de Philippe le Bel, et que le Mouvement flamand en Belgique considère comme son texte fondateur. Est-ce que Conscience serait alors un ‘flamingant’ avant la lettre? Nullement. A travers les exploits des Flamands d'autrefois, cet auteur, tout comme ses confrères
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Charles de Coster (1827-1879).
francophones, s'ingénie à glorifier la Belgique. Son but ne différait donc en rien de celui de ses collègues écrivant en français. Je cite la célèbre phrase finale: ‘Vous, Flamand qui avez lu ce livre, considérez, à la lumière des exploits glorieux qu'il contient, ce qu'était la Flandre autrefois, ce qu'elle est maintenant, et plus encore ce qu'elle sera, si vous oubliez les exemples sacrés de vos ancêtres’ (ma traduction). A partir de la situation politique actuelle, celle d'une Belgique fédéralisée contenant deux communautés quelque peu rivales, le Flamand d'aujourd'hui interprète cet appel spontanément comme une invitation à tenir tête aux francophones du pays. Et pourtant, le Flamand qu'envisage Conscience est en fait un Belge, soucieux des exemples ‘sacrés’ (!) de ses ancêtres, et appelé à combattre la France ‘perverse’. Le ‘bon Flamand’ de Conscience incarne donc le Belge idéal, c'est-à-dire, le Belge conscient de son passé flamand, pieux et catholique. ‘L'ennemi’ n'est donc pas dans les murs, mais à l'extérieur!
Trente ans plus tard, on trouve encore cette conception chez Charles de Coster (1827-1879), l'auteur de La Légende et les aventures héroïques, joyeuses et glorieuses d'Ulenspiegel et de Lamme Goedzak au pays de Flandres et ailleurs (1867). Là encore, il s'agit d'un Flamand, Thyl, né a Damme près de Bruges, qui s'insurge contre la dictature impitoyable du suzerain Philippe II d'Espagne. Mais on aurait tort de croire que De Coster, auteur flamand francophone, plaide ici pour l'insurrection des Flamands de son époque contre l'État belge francophone. Non, une fois de plus, Thyl incarne le Belge soucieux de l'indépendance de son pays. Il recrute par exemple autant de soldats en Wallonie (terme encore anachronique à ce moment) qu'en Flandre ou en Zélande pour tenir tête aux troupes du duc d'Albe. Le message du livre éclate d'ailleurs à la fin (Livre V, chap. 9). Les Esprits y confient à Thyl une mission secrète, dépassant largement l'enjeu militaire du moment, la fin du xvie siècle. Une première fois, leur appel est bien énigmatique:
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Henri Conscience (1812-1883).
Puis, devant l'incompréhension de Thyl, ils précisent:
Septentrion, c'est Néerlande,
Belgique, c'est le couchant;
Ceinture, c'est l'alliance;
Ceinture, c'est l'amitié.
Entendons: la tâche de Thyl, héros immortel, ne s'achèvera que lorsque la Belgique (!) aura conclu un pacte d'amitié avec les Pays-Bas. Chez De Coster aussi, par conséquent, le Flamand Thyl est une pars pro toto, non seulement pour le Belge du xvie siècle, mais aussi pour celui du xixe. En effet, De Coster était conscient que la Belgique avait besoin de l'appui des Pays-Bas contre la politique d'annexion du Second Empire. Une fois de plus, l'ennemi n'est pas dans les murs, mais au sud!
Notre première conclusion peut donc se formuler ainsi: le vieux comté de Flandre et les grandes villes flamandes du Moyen Age ont servi de préfiguration métonymique de la Belgique future: les qualités morales ancestrales de ce peuple flamand et leur lutte incessante pour la liberté doivent prouver que la Belgique avait mérité de facto son indépendance depuis des siècles.
On comprendra que, dans cet état de choses, l'écrivain flamand francophone jouait un rôle essentiel; il incarnait pour ainsi dire le profil idéal du jeune État. En tant que Flamand,
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il incarnait un espace idéologique à l'intérieur duquel pouvait s'épanouir une tradition culturelle ‘belge’. Espace ‘idéologique’, parce qu'il ne s'agissait pas en premier lieu ni de la pureté de race de l'individu ni d'une Flandre géographiquement circonscrite. Les oeuvres de l'écrivain flamand francophone évoquaient des Flamands mythiques dans une Flandre mythique, auxquels on attribuait les valeurs morales et religieuses pouvant légitimer et profiler l'État nouveau-né.
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Le ferment
A partir des années 1880, la situation change. La défaite française en 1870/71, lors de la guerre franco-allemande, met fin aux ambitions annexionnistes de la France. Le Second Empire fait place à la Troisième République: la France n'inspire plus aucune crainte à la Belgique. Par contre, tant en France qu'en Belgique, on commence à se serrer les coudes devant le nouvel ennemi commun, apparu à l'Est. Ce réflexe défensif des deux pays va déterminer en Belgique une politique nettement pro-française. Et, naturellement, c'est à partir de ce moment que l'espace idéologique flamand commence à adopter des dimensions géographiques et politiques concrètes. A partir de cette brusque volte-face de la politique belge, les Flamands exigent, et obtiennent, des lois linguistiques sur la justice, l'enseignement et l'armée.
Il va de soi que les auteurs flamands francophones reçoivent du coup une autre fonction dans l'espace culturel belge. D'une part, libérés enfin du carcan patriotique, ils peuvent s'ouvrir aux tendances littéraires existant à l'étranger. La revue bruxelloise, La Jeune Belgique, par exemple, se signale justement par son ouverture à la vie littéraire de Paris. Certains auteurs francophones flamands seront à même d'apporter une contribution spécifique à la littérature symboliste française, grâce justement à leur identité flamande et germanique. Pensons à certains recueils d'Émile Verhaeren tels que le cycle contenant Les Soirs (1888), Les Débâcles (1888), Les Flambeaux noirs (1891), à ceux de Charles van Lerberghe (La chanson d'Ève, 1890) et de Maurice Maeterlinck (Serres chaudes, 1889) qui comptent parmi les chefs-d'oeuvre du symbolisme, ou encore aux pièces de ce dernier, telles que Pelléas et Mélisande (1892) et L'oiseau bleu (1909). D'autre part, ces auteurs obligent leurs collègues néerlandophones à s'interroger sur ce qui fait leur identité flamande. Si l'on peut écrire des oeuvres flamandes en français, est-il bien vrai que la langue est constitutive du peuple, comme l'avait prétendu Prudens van Duyse (1804-1859) en 1834 (Aan België, meizang - A la Belgqiue, chant de mai)? Ou est-il exact que l'identité d'un peuple réside plutôt dans une certaine ambiance, déterminée par l'aspect des villes et des paysages et le ‘way of life’, comme le soutiendra Karel van de Woestijne (1878-1929)?
On l'aura deviné: à partir de 1880, la littérature de langue néerlandaise commence à acquérir graduellement son autonomie. A l'intérieur de la ‘Belgique une et indivisible’, une scission culturelle commence à se faire jour, qui ira s'amplifiant, accompagnant l'autonomisation politique progressive des deux communautés linguistiques. Le premier auteur flamand à assumer cette polarisation sur base linguistique est August Vermeylen
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Jean Ray (pseudonyme de Raymond Jean Marie de Kremer, 1887-1964).
(1872-1945), auteur et rédacteur de la revue Van Nu en Straks. Mais il faut reconnaître que, pour l'instant, la littérature en néerlandais emprunte encore les voies suivies par la littérature de France. Le titre même de la revue de Vermeylen devrait son nom à une revue française de Charles Morice, La littérature de tout à l'heure (1889). Vermeylen a d'ailleurs reconnu en 1901 sa dette à l'égard de ses collègues francophones lorsqu'il déclara que les fondateurs de sa revue se sentaient le plus proches des auteurs français de Belgique.
Il faut reconnaître que cette symbiose est restée unique en son genre. Artistes de tous genres - auteurs, peintres, sculpteurs, compositeurs - se fréquentaient, toutes langues confondues, et participaient à la même vie culturelle bruxelloise. Qu'est-ce qui explique ce phénomène? Les artistes n'avaient plus à lutter pour la légitimation de la Belgique, non. Mais il leur restait de se battre pour l'autonomie de leur art! Leurs ennemis, intérieurs cette fois, étaient partout les mêmes: le provincialisme, le moralisme et le patriotisme chauvin. Leurs aspirations étaient identiques: s'ouvrir aux cultures à l'étranger, à Paris, oui, mais aussi à Berlin. Identiques aussi leurs enthousiasmes: pour Wagner, pour Kant, Fichte, Schelling et Schopenhauer. Mais il faut le reconnaître: dans tous ces domaines, les auteurs flamands francophones avaient un avantage d'environ dix ans sur leurs collègues néerlandophones. Ils étaient vraiment alors le ferment dans la culture flamande.
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Éloignement
Après la première guerre mondiale, les lettres néerlandaises de Belgique mènent de plus en plus une vie autonome: les interférences fructueuses avec la littérature française faiblissent. Les auteurs néerlandophones s'orientent progressivement vers les modèles des Pays-Bas, de l'Allemagne, des pays scandinaves et même de la Russie. La frontière linguistique devient alors ce qu'elle n'a jamais été avant: une frontière culturelle.
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On peut certes mentionner encore force auteurs flamands francophones de talent à cette époque: Marie Gevers (1883-1975), Michel de Ghelderode (1898-1962), Fernand Crommelinck (1886-1970), Franz Hellens (1881-1972), Jean Ray (1887-1964). Comme par le passé, ils continuent à assurer l'ouverture d'esprit aux cultures européennes. La revue Le disque vert (1922-1929) de F. Hellens et le Groupe du lundi nourrissent la culture des Flamands de tout leur apport cosmopolite. Ainsi, ils ont fait contre-poids contre la résurgence de tendances régionalistes dans la littérature.
A partir de 1945, l'interaction entre les lettres françaises et néerlandaises en Belgique touche à sa fin. Non qu'il n'y ait plus d'auteurs flamands francophones: pensons à Suzanne Lilar, à Françoise Mallet-Joris (o1930), à Jacques Brel (1929-1978), à Liliane Wouters (o1930), à Paul Willems (o1912). Dans plusieurs de leurs oeuvres, on perçoit en effet encore la présence du pays et de la culture ancestrale. Seulement, ces auteurs ne servent plus de ferment aux lettres néerlandaises. Pierre Mertens admire l'auteur flamand Hugo Claus (o1929), qui lui rend la pareille, mais ils ne s'influencent pas. Les auteurs flamands francophones fonctionnent aujourd'hui comme des archaïsmes, comme des souvenirs, nostalgiques ou non, d'une autre époque.
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Conclusions
Ne jugeons pas les auteurs flamands francophones du xixe siècle à partir des données culturelles et politiques d'aujourd'hui. Ils ont apporté leur pierre à l'édification du jeune État, en lui fournissant des lettres de noblesse flamandes. Leur mérite est double. D'une part, c'est grâce à eux que la Flandre a survécu culturellement au siècle passé; d'autre part, sans leur rapport, la culture française et, partant, la culture tout court, aurait été à peu près inexistante en Belgique.
A partir de la fin de l'autre siècle, ces auteurs ont largement ouvert les portes du monde culturel belge, moisissant alors en vase clos. Ils ont contribué dans une large mesure à l'insertion des lettres néerlandaises de Belgique dans le courant culturel européen et mondial.
Pour toutes ces raisons, j'estime que nous n'avons pas le droit de les stigmatiser comme des traîtres à ‘la bonne cause’ (flamande, s'entend) ni de les abandonner sans plus aux lettres françaises de Belgique. De par leur situation historique unique, ils relèvent aussi bien du patrimoine flamand que du patrimoine français. Situation inconfortable, certes, mais situation courante dans le cas de cultures longuement et profondément colonisées. Situation exemplaire même, qui devrait inciter les historiens de ces deux littératures à jeter un regard au-dessus du mur... linguistique.
VIC NACHTERGAELE
Professeur de littérature française à la ‘Katholieke Universiteit Leuven’.
Adresse: Karel van Manderstraat 1, B-8510 Marke. |
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