Littérature
Le prix Libris 1996 pour Alfred Kossmann
C'est un Alfred Kossmann (o1922) sans voix qui prit possession le 8 mai 1996 à Amsterdam du prix Libris de littérature. Personne, et encore moins l'écrivain septuagénaire, lui-même, n'osait imaginer que son roman Huldigingen (Hommages), de par son format et son caractère le plus modeste des six ouvrages nominés, fût finalement couronné. ‘On ne peut comparer un petit déjeuner, si bon et nourrissant soit-il, à un dîner de cinq services’, balbutia l'auteur émotionné, en faisant référence aux ouvrages volumineux et ambitieux de concurrents comme Wessel te Gussinklo et Oscar van den Boogaard. Mais Kossmann, qui fut durant toute sa carrière le grand oublié des prix les plus prestigieux de la littérature néerlandaise, à l'exception toutefois du prix Constantin Huygens qu'il reçut en 1980, se reprit aussitôt. ‘J'assume totalement mon livre. Et j'étais déjà très heureux de sa nomination. Voilà enfin un de mes ouvrages qui suscite de l'intérêt. Mais le couronnement de Huldigingen qui est en fait davantage une miniature, un joyau, fut certes tout à fait inespéré. Un rêve que je n'osais caresser’. Rétrospectivement, l'attribution à Kossmann du prix Libris assorti de la coquette somme de 100 000 florins (330 000 FF / 2 millions de FB) - avec le prix AKO, le plus prestigieux des prix littéraires aux Pays-Bas - s'avère totalement justifiée. En effet, ce prix accorde enfin à un des plus grands écrivains des Pays-Bas la reconnaissance qu'il mérite. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une récompense qui fait un peu fin de carrière et que le président du jury du prix Libris
n'hésita pas à révéler sans doigté que ‘le verdict ne fit pas l'unanimité’. Mais le plus amusant de ce prétendu compromis est sans aucun doute le fait que tout le monde y souscrit de grand coeur. Trop souvent oublié, Alfred Kossmann s'empara cette fois de ce trophée tant convoité. Le prix représente d'ailleurs bien plus que le simple couronnement d'une oeuvre ou d'une carrière, car Huldigingen supporte la comparaison avec les meilleurs ouvrages parus l'an dernier aux Pays-Bas.
Huldigingen est une biographie littéraire relativement inhabituelle: le personnage principal, un littérateur mineur d'un certain âge, n'apparaît jamais directement mais sera à chaque fois présenté sous un angle différent - deux femmes, un ami, un journaliste, un médecin -. Le portrait indirect ainsi créé n'est pas flatteur pour l'homme, car il est présenté comme un être imbu de sa personne, comme un gêneur qui ne dédaigne pas le plagiat. Toutefois, la description de caractère de Kossmann est comme toujours d'une grande subtilité car, privilège de l'âge, son écriture d'une très grande maturité lui permet un regard ironique sur la gloire et la reconnaissance. Le jugement qu'il porte sur l'homme est à la fois sévère et indulgent. La presse littéraire révèle que l'écrivain néerlandais Victor van Vriesland, décédé en 1947, aurait servi de modèle au personnage principal de Huldigingen, révélation qui suscita naturellement un déluge de spéculations. Mais même sans cette révélation, le livre se révèle un document humain très raffiné.
Tout au long de sa carrière d'écrivain, Alfred Kossmann mit en lumière l'incomplétude humaine. Avec son ouvrage principal Geur der droefenis (Parfum de tristesse, 1980) il se spécialisa définitivement dans le genre