Onno, dégoûté de la politique et des hommes, s'est alors volatilisé; il vit depuis déjà quatre années caché, tel un clandestin. Quinten ne met cependant guère de temps à trouver Onno à Rome; c'est là qu'il prend alors la mesure de sa ‘mission’. Suit alors un final captivant à la Raiders of the lost ark au cours duquel Quinten et Onno trouvent les Dix Commandements dans la chapelle Sancta Sanctorum; après quoi, ils transportent ce ‘testimonium’ à Jérusalem. Arrivé là, Quinten les ramène à leur place d'origine pour ensuite retourner lui aussi, comme le lui prescrit l'ordre celeste, à la Lumière d'où il est issu. L'auteur marque cela en faisant brûler Quinten au moment même où sa mère est incinérée.
Que cherche à atteindre Mulisch par le moyen de ce roman? Il le désigne lui-même comme ‘mon livre le plus biographique dans lequel sont réunis tous les thèmes et toutes les obsessions de mon oeuvre’. Si les sujets traités dans la découverte du ciel sont légion (technique et science, magie et occultisme, mythologie, littérature, musique, histoire de l'art, la deuxième guerre mondiale, l'holocauste, les années 60 et la rébellion, la religion et la théologie, la philosophie, la politique, Cuba), il est surtout question de la disparition du divin dans le monde du fait de la technique et de ses funestes applications. Hiroshima et Auschwitz sont présentés comme ‘le gigantesque triomphe de la science et de la technique au xxe siècle’; les politiciens sont estampillés ‘combattants de la rue’. Après l'euphorie des années 60, les évolutions politico-sociales ont fait perdre à Onno toutes ses illusions; il élabore alors une théorie sur la ‘corporalité’ de la puissance; seul un despote éclairé comme Périclès peut apporter un peu de bonheur dans le futur. Cette opinion est aussi celle de Mulisch. Le pessimisme règne sur cette réflexion qui nous est contemporaine; à la fin du roman, Lucifer semble avoir gagné la partie: grâce au trou dans la couche d'ozone, aux catastrophes nucléaires, aux pluies acides et à l'effet de serre, l'enfer va se déchaîner sur la terre.
Bien sûr, les thèmes favoris de Mulisch sont également à l'honneur dans la découverte du ciel: la relation entre idée et réalité, le mythe d'OEdipe, le temps et l'éternité, le combat de la lumière et de l'obscurité, le paradoxe, et le primat philosophique et artistique de la musique.
Mulisch a antérieurement formulé ce dernier thème dans De compositie van de wereld (1980), étude philosophique conçue comme une théorie musicale méthodiquement composée. Ce traité démonstratif doit être considéré comme un complément à son nouveau et suggestif roman: les mêmes idées mais rendues sous une autre forme. Mulisch y envisage l'art comme le seul contrepoids à la technique parce que l'‘utilisation’ d'une oeuvre d'art - au contraire de la technique - conduit à l'enrichissement psychique d'un tiers. La musique est à ses yeux la forme d'art la plus élevée; la musique est l'essence du monde. Cela signifie que le monde est, en dernière analyse, harmonique. Si l'homme a perdu son sens de la mesure et a anéanti l'harmonie par ‘orgueil technologique’, cela ne veut pas dire qu'il ait également perdu sa liberté. Auschwitz aurait tout aussi bien pu ne pas se produire. L'avenir n'est donc pas totalement noir. De ontdekking van de hemel se termine ainsi: l'ange exécutant décide de ne pas prendre son parti de la décadence du monde; et, contre la volonté de ses supérieurs, il entrera en action.
Qui veut lire De ontdekking van de hemel en recourant à son érudition ne doit pas s'en priver: les références ne se comptent pas, également celles ayant trait à ses livres précédents. Le nouveau roman de Mulisch est en cela tout à fait comparable au dernier roman de Gerard Reve (o1923), Bezorgde ouders (Parents soucieux), pour l'initié, un lisible amalgame des ouvrages antérieurs; pour le profane, un travail accablant du fait de cet agglomérat. Mais l'avantage de ce livre si l'on aborde par lui l'oeuvre de Mulisch est qu'il restera encore au lecteur mille choses à découvrir.
Jeroen Vullings
(Tr. D. Cunin)
harry mulisch, De ontdekking van de hemel (La découverte du ciel), De Bezige Bij, Amsterdam, 1992.
marita mathijsen, De werken van Harry Mulisch (Les oeuvres de Harry Mulisch), De Bezige Bij, Amsterdam, 1992.
harry mulisch, De onderkant van het tapijt (Le dessous du tapis), De Bezige Bij / Nederlands Letterkundig Museum, Amsterdam / La Haye, 1992.