Musique
Willem Pelemans, compositeur et critique musical (1901-1991)
‘Je me suis vite rendu compte qu'être autodidacte et ne pas disposer de diplômes du conservatoire équivaut pour beaucoup de musiciens et de critiques musicaux à de l'amateurisme’. Voilà ce qu'écrit Willem Pelemans dans ses mémoires qui furent édités par le Willemsfonds à l'occasion de son 80e anniversaire sous le titre Hij leerde Vlaanderen luisteren (Il apprit à écouter à la Flandre).
Cette anthologie puisée dans plus de mille pages de mémoires parut exactement deux mois avant le décès de l'auteur. Willem Pelemans mourut à Bruxelles le 28 octobre 1991.
Au départ, rien ne semblait orienter W. Pelemans vers la musique. Il naquit à Anvers. En 1903, déménagement à Lille où ses parents tenaient un commerce de ‘vêtements pour hommes et haute couture’. Dix ans plus tard, la famille retourna en Belgique. A l'école normale Karel Buls, W. Pelemans obtint le diplôme d'instituteur. De 1921 à 1951, il travailla comme enseignant.
W. Pelemans avait la musique dans le sang, car à côté de sa fonction d'instituteur, il déploya peu à peu une activité débordante sur divers terrains. Tout d'abord en tant que compositeur. Ses premières oeuvres remontent aux années 1928-29. Il s'agit de chansons et de morceaux de piano. Au fil des années, il composa une oeuvre impressionnante dans laquelle tous les genres sont représentés: 6 symphonies, 8 concertos pour orchestre, divers concertos pour solistes et d'autres pages pour orchestre, des ballets et des cantates, une messe pour choeur mixte, cuivres, orchestre à cordes et orgue, l'oratorio
De wandelende jood (Le juif errant), des chansons, de la musique de chambre ainsi que des opéras comme
Le combat de la vierge et du diable, De mannen van Smeerop (Les hommes de Smeerop),
Willem Pelemans (1901-1991) (Photo A. Vandeghinste).
De nozem en de nimf (Le blouson noir et la nymphe).
Comme compositeur, Pelemans était un autodidacte, même s'il avait été quelque peu initié à l'orchestration et à l'harmonie par son professeur de musique à l'école normale. Il n'est donc pas étonnant que le jeune compositeur ait choisi sa propre voie et qu'il ait parlé, au début, une langue révolutionnaire. D'emblée il s'opposa avec vigueur au romantisme usé et au particularisme des épigones du compositeur flamand Peter Benoit (1834-1901). Entre les deux guerres et avant que Pierre Schaeffer ne devienne célèbre grâce à sa ‘musique concrète’, il expérimenta avec divers moyens et sources de sonorité. Au début, sa composition avait une tonalité agressive. Dégagé de tout système scolaire, il mit l'accent sur une construction solide et une conduite de voix linéaire. Le rythme y jouait un rôle déterminant et la mélodie s'y déroulait d'une manière obstinée, riche en contrastes. Progressivement sa composition et son expression devinrent plus mesurées. La construction de l'oeuvre était toujours aussi ferme, mais le contenu gagnait en expression poétique et la mélodie devenait plus chantante. Parmi les compositeurs flamands, Pelemans occupe une place à part et non conventionnelle.
A côté de ses qualités de compositeur, Pelemans fut aussi fort apprécié en tant que critique musical éminent. De 1941 à 1986, il était rattaché au journal bruxellois Het Laatste Nieuws, dans lequel il suivait de près la vie musicale. Comme pas un, il se dévoua sans compter aux oeuvres de son propre pays ainsi qu'à la promotion des jeunes musiciens et compositeurs belges. Aucune création de nouvelle oeuvre flamande ne pouvait avoir lieu, sans que W. Pelemans fût présent pour écouter, juger et surtout encourager. Pendant la célébration du 80e anniversaire de Pelemans, Albert de Sutter, président de la Belgische Muziekpers (Presse musicale belge), remarqua à juste raison: ‘Aucun compositeur n'a si peu fait pour la diffusion de sa propre oeuvre et tant pour celle d'autres compositeurs flamands.’
La liste des activités et des mérites de Pelemans est longue. Il collabora aux programmes radiodiffusés. Avant et après la deuxième guerre mondiale, il s'occupa des nombreuses critiques musicales et des commentaires de disques à la télévision flamande. Il donna un cours d'histoire de la musique au Stedelijk Muziekconservatorium (Conservatoire municipal de musique) de Malines. En outre, il fut actif dans de nombreuses commissions et associations. En tant que secrétaire du Vlaamse Club de Bruxelles, il organisa des conférences, des concerts et des expositions. Il était un défenseur acharné de la création d'une section néerlandophone au conservatoire de Bruxelles. Comme président de l'Union des compositeurs belges, il s'efforça avec vigueur d'attirer l'attention du public et de la presse sur les musiciens belges.
Pendant plus d'un demi-siècle, Willem Pelemans a joué le rôle de pionnier culturel et de promoteur de la musique flamande. Le 10 septembre 1991, peu avant sa mort, il reçut le prix de la Communauté flamande, qu'il avait bien mérité. Le ministère le louait pour ‘son souci constant de l'émancipation et du déploiement culturel flamands, en particulier dans le domaine de la musique.’
Hugo Heughebaert
(Tr. J.-P. Roobrouck)