Société
Langue et culture frisonnes
Beaucoup s'étonnent du manque de pugnacité des Frisons, quand il s'agit de parler ou d'écrire en frison, particulièrement dans la vie publique. Ils s'étonneraient plus encore d'apprendre qu'en 1989 dans un établissement secondaire de la petite ville à cent pour cent frisonne de Sneek/Snits, un seul élève avait choisi le frison comme matière d'examen de fin d'études. Et tout ceci alors que le 4 juillet 1989, la Frise a été légalement, et donc officiellement, reconnue territoire bilingue. Cet accord de gouvernement, conclu entre le secrétaire d'État à l'Intérieur et le Commissaire de la reine en Frise, remplace un ‘décret ministériel’ de 1953.
Quelle est la portée de cet accord de gouvernement?
L'autorité provinciale est tenue de publier également en néerlandais les prescriptions à caractère obligatoire; en cas de demande motivée, chaque document émanant de la province doit également être traduit gratuitement. (Dans cet ordre d'idées: on a commencé la publication d'un dictionnaire de la langue frisonne - 18 volumes, terminé en 2002 - la signification des mots et les autres explications devront être données en néerlandais!).
Lors de la signature de l'accord, le Commissaire souligna que le pouvoir central ‘a toujours des difficultés à tirer les conséquences de la reconnaissance du frison comme deuxième langue du royaume des Pays-Bas’. Sur le principe, le Commissaire a raison en cela; mais on peut se demander si l'appareil administratif frison, ainsi que les Frisons tirent eux-mêmes les conséquences de ce bilinguisme officiel.
Des 55 membres des États Provinciaux environ 60% parlent le frison; les fonctionnaires provinciaux ne sont pas tenus d'apprendre la langue frisonne. Quand le Commissaire de la reine Hans Wiegel (un non-Frison), s'évertue à parler frison lors d'événements nationaux frisons, beaucoup de Frisons le désapprouvent, n'y voyant qu'une lèche dont ils se passeraient bien; ‘des discours en frison devant les délégués provinciaux dans la salle des Etats récolteraient plus de considération’.
La Frise - mais on entend la même plainte au sud dans le Limbourg néerlandais - se considère comme négligée et tout à la fois tenue en lisière par la Conurbation hollandaise dominante. Négligée: la ligne de chemin de fer directe qui irait de la Conurbation vers le nord à travers les polders du Zuiderzee par exemple n'est pas continuée; tenue en lisière: les autorités centrales sont davantage tentées de conserver la culture frisonne - presque comme un phénomène folklorique - que de la stimuler comme un besoin essentiel.
Le Mouvement frison - comme le Mouvement flamand - s'est développé au début du siècle dernier sous l'influence du romantisme. Jusqu'au lendemain de la seconde guerre mondiale, il est resté passablement élitaire. (Pendant l'occupation, on n'a pas répondu aux marques de sympathie prodiguées par les Allemands). C'est seulement la répression par la police d'une démonstration contre un juge qui refusait de considérer comme légalement valable une réponse donnée en frison par un vétérinaire (Kneppelfreed = knuppel-vrijdag - le vendredi aux matraques, 16 novembre 1951) qui conduisit à une renaissance à large assise sociale.
Tout ceci signifie que 90% des habitants de la Frise comprennent le frison; 75% peuvent le parler; 65% savent le lire; 10% savent orthographier la langue frisonne. (La Frise compte 550 000 habitants). Par contre, 70% des Frisons disent passer sur-le-champ au néerlandais, si quelqu'un dans l'assemblée ne comprend pas le frison.
Pourtant apparaissent de plus en plus d'incidents, révélateurs d'une ‘lutte linguistique’. Des communes, qui affichent uniquement en frison les indications toponymiques des villages de leur ressort, etc. Dans les cercles du Mouvement frison, ces actions, qui provoquent une telle opposition émotionnelle, sont plutôt déplorées qu'encouragées: ‘il s'agit de bien plus que d'une petite façade frisonne’. Mais on proteste aussi dans le secteur industriel (souvent aux mains de Hollandais), aux PTT (Post Telegrafie en Telefoon - Poste télégraphie et téléphone) et aux chemins de fer. Les PTT, qui refusaient d'enregistrer dans leur annuaire des noms de rues en frison, virent le 19 juillet 1989 le juge leur donner raison. D'ailleurs la population d'une commune où l'on avait décidé la frisonnisation de la signalisation était opposée à 75% à ces indications inspirées par la politique linguistique. Les Frisons n'ont pas besoin d'un comportement à part, disons de séparatisme. Des panneaux de villes etc. dans les deux langues, chacun s'en accommode volontiers; les Hollandais trouvent même ça ‘chouette’.
Les plus grands ennemis de l'emploi de la langue frisonne sont l'enseignement, la télévision nationale, l'église. Alors qu'au départ on plaidait encore pour l'emploi du frison dans l'enseignement primaire afin de ne pas infliger à la jeunesse un handicap supplémentaire, maintenant les parents, et donc aussi les enseignants, poussent plutôt les enfants à parler et à écrire un bon néerlandais en vue d'accéder à un bon métier. D'une manière générale on peut dire que le mouvement frison officiel s'oppose plus à l'indifférence qu'il rencontre en Frise qu'à la domination qu'exerce sur lui la Hollande.
Pour l'instant, on enseigne encore en frison dans 90% des écoles primaires. Voici ce qu'en dit un fonctionnaire de la Fryske Akademie (Académie frisonne): ‘cette obligation est légère comme plume; une seule comptine par semaine et on estime y avoir satisfait’.
Le pasteur qui prêcherait en frison - seul un petit nombre le pourrait - passerait pour ‘poseur’. Mais le facteur le plus déterminant, ce sont les migrations et la té-