spécialiste du siècle d'Or néerlandais. Dans Regards sur la Hollande du siècle d'Or, il a réuni vingtneuf articles, dont la plupart avaient déjà paru dans des périodiques. Mis à part un texte en anglais, tous les articles ont été écrits en français.
Paul Dibon qualifie les Pays-Bas du xviie siècle - qu'il appelle toujours la ‘Hollande’ - de ‘carrefour de la République des lettres’. La vie intellectuelle y était en effet très florissante dans un contexte de bouleversements sur les plans politique, économique, social et scientifique. Le sentiment libérateur d'indépendance après une lutte sanglante contre l'Espagne, la découverte de nouveaux continents, l'expansion rapide de villes puissantes, la tolérance relativement grande, étaient autant d'éléments favorables à la ‘République des lettres’. Des universités et des écoles supérieures furent créées dans des villes telles que Leyde, Franeker, Utrecht et Groningue.
L'université de Leyde, fondée en 1575, était la plus importante. Hugo Grotius (= Hugo de Groot, 1583-1645), qui par la suite résiderait surtout en France, étudia lui aussi dans cette ville de la province de Hollande-Septentrionale. Il bénéficia d'une réputation mondiale en tant que juriste. Des imprimeries et maisons d'édition renommées contribuaient au rayonnement scientifique de Leyde. Christophe Plantin (1520-1589), originaiie de Tours, y fut l'imprimeur juré de l'université de 1583 à 1586. Plantin avait déjà créé une maison d'édition réputée à Anvers. A Leyde, il attendait l'issue des opérations militaires dans les Pays-Bas méridionaux. Lorsqu'il revint à Anvers, son gendre François Raphelengius reprit son entreprise à Leyde. Ultérieurement, la famille Elsevier deviendrait l'éditeur attitré de l'université. Les éditions typographiquement très soignées d'Elsevier furent également très appréciées par-delà les frontières des Pays-Bas.
Toutefois, seuls des contacts multiples avec l'étranger permettaient une véritable confrontation
Michiel van Mierevelt, ‘Hugo de Groot’, 1631, ‘Rijksmuseum’, Amsterdam.
des idées. Sur ce plan également, l'esprit de l'époque était très stimulant. Surtout en France, la situation était stable après l'édit de Nantes. Nombre de savants néerlandais prenaient le chemin du Sud et y enseignaient aux nombreuses universités. Plus important encore, cependant, fut le nombre considérable d'intellectuels français qui se rendaient aux Pays-Bas. Leurs théories y suscitaient un grand intérêt. Leur approche quelquefois différente y donnait lieu à des discussions constructives et ouvrait de nouvelles perspectives dans les différentes disciplines scientifiques. Les exemples sont légion. Un choix tout à fait arbitraire fournit les noms suivants: le philologue Josephus Justus Scaliger, le théologien réformé André Rivet, les philosophes Ramus et Pierre Bayle. Dans son
Dictioniaire historique et critique, ce dernier réunit un nombre impressionnant d'articles sur des professeurs faisant autorité et des personnalités haut placées aux Pays-Bas.
Comme on le souligne souvent, il y avait beaucoup de réfugiés parmi les professeurs non néerlandais aux universités ‘hollandaises’. Pierre Bayle lança à ce propos la jolie formule de ‘grande arche des fugitifs’. A ce propos, on songe souvent, en France, aux huguenots qui s'établirent aux Pays-Bas après la révocation de l'édit de Nantes. Précédemment, toutefois, de nombreux Wallons avaient déjà émigré vers le Nord. Ils y fondèrent les ‘Églises réformées wallonnes’. Par la suite, nombre de huguenots se sont ralliés à ces communautés ecclésiales, qui surent préserver leur caractère propre grâce à l'emploi du français comme langue véhiculaire. On peut souligner en passant qu'une partie non négligeable de l'intelligentsia était aussi originaire de la Flandre et que ces immigiés ont apporté une contribution appréciable au progrès scientifique.
Bien sûr, Dibon s'attarde longuement sur René Descartes, probablement le plus connu de tous les Français qui ont habité aux Pays-Bas. L'auteur ne se borne pas à répéter des faits et curiosités connus. Il consacre notamment un article très intéressant aux premiers disciples de Descartes et traite aussi de ses contacts avec des savants, des hommes politiques et des auteurs influents. Ainsi Dibon commente une lettre inédite du philosophe français à Constantijn Huygens (1596-1687), l'un des écrivains néerlandais les plus lus et en même temps grand diplomate. Pour une approche plus générale, nous pouvons renvoyer à l'article Le séjourde Descartes en Hollande paru précédemment dans Septentrion (V, no 2, 1976, pp. 83-93).
Regards sur la Hollande du siècle d'Or est un ouvrage d'une grande valeur rien que par la somme de connaissances et d'informations qu'il nous présente. L'auteur a toujours su structurer les données avec une grande clarté et mettre à jour les nombreux liens hautement intéressants. L'ouvrage est également utile et novateur grâce à quelques références à des textes importants mais pratiquement inconnus à ce jour. En outre, Dibon souligne presque dans chaque article l'effet favorable de l'interaction des cultures. Ce fut aussi l'un des grands mérites du monde académique néerlandais que d'être toujours ouvert à l'apport étranger. ■
Hans Vanacker
(Tr. W. Devos)
paul dibon, Regards sur la Hollande du siècle d'Or, Istituto italiano per gli studi filosofici, Biblioteca europea 1, Naples, 1990, 783 p.