Septentrion. Jaargang 18
(1989)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermdMilieuLe Plan National de Gestion de l'Environnement: crise politique et écologique aux Pays-BasLe 25 mai 1989, le Plan National de Gestion de l'Environnement, tant attendu, a quand même fini par être enfin publié. Tant attendu, car il aurait en fait dû être prêt en septembre 1988, en même temps que le budget 1989 du ministère de l'Environnement. Le ministre le promettait alors vers la mi-mars 1989. Mais il était d'ores et déjà évident pour les initiés que ce retard n'était pas d'ordre technique mais politique. On ne s'étonna donc pas outre mesure de voir le plan remis d'abord au mois d'avril puis au mois de mai. Les difficultés politiques, sur lesquelles nous nous étendrons plus longuement ciaprès, étaient, depuis, clairement apparues au grand jour. Et pourtant, quelques mois auparavant, personne n'aurait osé imaginer que ce plan donnerait lieu à une crise politique. Mais, fin avril, il devint évident que le cabinet tomberait sur cette question et le 2 mai le premier ministre Lubbers finissait par présenter la démission de son gouvernement. Dans les lignes qui suivent, nous commencerons par évoquer le contexte et les incitations à l'élaboration d'un tel Plan National de Gestion de l'Environnement, après quoi nous en présenterons brièvement le contenu. A partir de ces données, nous pourrons alors nous arrêter quelques instants à la crise politique que le Plan National de Gestion de l'Environnement a contribué à déclencher. On le sait depuis belle lurette, l'environnement est bien menacé aux Pays-Bas. Les problèmes n'y diffèrent pas fondamentalement du reste de ce qu'ils sont ailleurs. Tout au plus peut-on faire remarquer que la densité de la population, la forte urbanisation et la large industrialisation des Pays-Bas se conjuguent avec le caractère très intensif de l'agriculture et la présence des deltas de l'Escaut, de la Meuse et du Rhin pour leur donner une particulière acuité. Il va de soi que ces problèmes étaient déjà connus, et tout comme d'autres pays, les Pays-Bas ont commencé vers 1970 à prendre des mesures de défense de l'environnement. On s'est aperçu toutefois ces derniers temps que ces mesures étaient inefficaces. Il nous mènerait trop loin d'en rechercher toutes les raisons, le fait est que les problèmes ont plutôt tendance à s'aggraver qu'à se résorber. Le rapport Zorgen voor morgen (Des soucis pour demain) publié en décembre 1988 brossait un tableau impressionnant de l'ampleur et de la gravité des problèmes. Pour nous en tenir à quelques chiffres: afin de prévenir les effets les plus graves du changement de climat, de la pollution par les lisiers et de l'acidification, il faut impérativement, dans les 10 à 20 années à venir, réduire de 90% les émissions de SO2, de 70% celles de NO2 et de 60 à 80% celles de NH3. Et le | |
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rapport s'en tient au même ordre de grandeur en matière d'emploi des pesticides, de production et d'utilisation de certaines matières dangereuses. Il va sans dire que ce genre de chiffres suppose une transformation radicale de notre façon de produire et de consommer, de notre ‘automobilité’, de l'agriculture, etc. Bref, un plan de gestion de l'environnement vaste et ambitieux s'impose. Si le rapport Zorgen voor morgen établissait bien un inventaire chiffré de toutes les données, il se contentait d'aplanir la voie pour un véritable programme de gestion de l'environnement. On était du reste déjà convenu auparavant que le gouvernement néerlandais établirait dorénavant un plan stratégique de gestion de l'environnement, qui fixerait les grandes lignes de la politique à suivre en la matière au cours des années à venir. Un tel plan devait mener à une politique plus cohérente et de ce fait plus efficace; le Plan National de Gestion de l'Environnement qu'on vient de publier en serait la première édition. Aussi le Plan National de Gestion de l'Environnement comporte-t-il, outre un rappel global des données de bases du rapport Zorgen voor morgen, un nombre impressionnant de mesures: plus de deux cents objectifs, d'actions concrètes et un nombre quasiment aussi important de stratégies pour le plus long terme. Ces mesures ne concernent pas seulement une gamme très large de problèmes d'environnement et leur traitement - diminution de la production de déchets, toutes formes d'économie d'énergie, diminution des rejets de toutes sortes de matières, etc. -, elles s'adressent aussi à un large éventail de groupes sociaux: il y a des mesures pour l'industrie, pour l'agriculture, pour le commerce de détail, pour le consommateur et, tout particulièrement, pour l'automobiliste. Comme nous venons de le dire, il s'agit là d'objectifs d'actions concrètes - qui toutefois supposent souvent une concertation préalable avec les intéressés -; en maint endroit le Plan National de Gestion de l'Environnement constate qu'il ‘faut un complément de recherche’, que ‘des mesures plus précises doivent encore être élaborées’. Dans un plan de gestion esquissant les grandes lignes d'une stratégie, ce flou est parfaitement compréhensible. Toutefois certains ont peur que ‘cette élaboration plus précise’, qui exigera elle-même plus de 25 notes et plans nouveaux, ne se fasse attendre longtemps, trop longtemps. Les difficultés politiques déjà suscitées par ce Plan National de Gestion de l'Environnement, pas très concret donc sur bien des points, sont à l'origine de cette crainte. Le financement de ce plan ambitieux constitue le coeur de ces problèmes politiques: qui va payer? Le coût total du plan jusqu'en 1994 se monte en effet à quelque 6,6 milliards de florins soit ± 2 milliards de francs français. Plus de la moitié, quelque 3,4 milliards de florins doit être fournie par l'industrie, l'agriculture, les entreprises de transports et de production d'énergie. Le gouvernement lui-même n'accroît son enveloppe budgétaire que de quelque 600 millions. Le reste, soit plus de deux milliards de florins, doit être payé par le consommateur, soit sous forme de prélèvement sur les combustibles et carburants, soit sous forme d'impôt pour l'épuration des eaux, soit - ce qui représente quelque 650 millions - par suppression de l'abattement fiscal pour frais de route. C'est précisément ce dernier point, la suppression du forfait de frais de déplacement qui conduisit directement à la rupture au sein du cabinet. Les partisans de la mesure disent que l'actuel système constitue en fait une forme de subvention à l'utilisation de la voiture. Si l'on veut réduire l'usage de l'automobile, il faut donc supprimer l'abattement fiscal des frais qu'elle occasionne. Les adversaires, en l'occurence surtout le VVD, composante libérale de la coalition gouvernementale, disent quant à eux que des citoyens sont souvent contraints de par leur travail à rouler en voiture et que la mesure est injuste. Quoi qu'il en soit, cet abattement pour frais de déplacement n'a été que le prétexte direct à la crise gouvernementale, dissimulant des divergences plus profondes sur l'ampleur, le rythme et le financement de ce plan de défense de l'environnement. En outre, après sept années de collaboration au sein du gouvernement, les partenaires de la coalition, chrétiensdémocrates du CDA et libéraux du VVD, commençaient à se fatiguer quelque peu de leur cohabitation. Divers heurts personnels entre les deux partis ou en leur sein avaient déjà révélé cette lassitude auparavant. Il n'empêche que l'environnement sera un thème, disons même le thème central, des élections parlementaires du 6 septembre. Dès à présent, tous les partis marquent ostensiblement leur sollicitude pour l'environnement, l'opposition a présenté ses propres plans, etc. On peut toutefois se demander si cette surenchère est rassurante pour l'environnement: il est certes important que l'extrême gravité de la situation soit désormais reconnue par presque chacun et située en bonne place dans ses préoccupations. Mais beaucoup de mesures du Plan National de Gestion de l'Environnement viennent trop tard: le gouvernement y part d'ailleurs du principe qu'en l'an 2000 il n'y aura plus que 20% de la forêt néerlandaise à être saine... Depuis, le temps estival du mois de mai dernier a déjà provoqué une alarme au smog, les nappes phréatiques se révèlent bien plus largement et bien plus sévèrement polluées qu'on ne l'admettait jusqu'à maintenant, etc. La conscience écologique dans la société et dans le monde politique constitue donc bien une condition nécessaire d'une politique écologique efficace mais cette condition est bien loin d'être suffisante. Aussi a-t-on de tous côtes condamné le Plan National de Gestion de l'Environ- | |
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