Enseignement
L'ARGO en Flandre
En Flandre vient de paraître un livre intitulé Voor een goed gezag (Pour de bonnes autorités). Il s'agit d'un excellent lexique consacré à la réforme de l'Etat particulièrement complexe qui vient d'être mise en place en Belgique. Pour ne pas trop effrayer le lecteur intéressé, les auteurs, heureusement, n'ont pas numéroté les termes nouveaux et difficiles qui ont cours dans le nouveau modèle de société belge. L'ouvrage se propose d'expliquer au lecteur ce que signifient exactement des termes tels que ‘juste retour’, ‘fonds Nothomb’, ‘impôt partagé’, ‘accords de coopération’ et... ‘ARGO’...
Derrière ce sigle se cache le Autonome Raad voor het Gemeenschapsonderwijs (ARGO - Conseil autonome de l'enseignement communautaire), au sujet duquel le lexique nous fournit les explications suivantes: ‘(N'existe qu'en Flandre). Le (s) ministre (s) communautaire(s) de l'Enseignement est (sont) responsables de la législation en matière d'enseignement, du contrôle de son application, des règles financières et budgétaires qui régissent ce secteur et du cadre général. Du fait de la création de l'ARGO, le ministre (communautaire) de l'Enseignement n'a plus la haute main sur l'organisation de l'enseignement d'Etat. Voir enseignement’.
Ce conseil autonome, entretemps institué et constitué, est entré en fonction. Il doit notamment se prononcer sur la place que doit occuper l'enseignement de l'histoire dans l'enseignement communautaire flamand.
Avant la troisième réforme de l'Etat, la Belgique connaissait surtout un enseignement d'Etat et un enseignement subventionné libre, essentiellement catholique. L'enseignement officiel était pour ainsi dire la propriété du ministre national responsable de l'enseignement - dit précédemment ministre de l'Instruction publique, puis ministre de l'Education nationale. Les intérêts de l'enseignement catholique étaient défendus par les ‘catholiques’ eux-mêmes, et tel sera toujours le cas demain. D'autres secteurs de l'enseignement encore, tels que l'enseignement provincial et l'enseignement communal, ressortissent respectivement à la compétence des provinces et des communes.
Mais il n'est pas nécessaire de pousser l'analyse aussi loin pour bien comprendre l'histoire du conseil ARGO. Pour l'enseignement de langue néerlandaise, il y avait un ministre belge néerlandophone responsable de l'enseignement. De leur côté, les francophones avaient leur excellence belge responsable de l'enseignement de langue française. Ce dédoublement sur le plan linguistique existe depuis 1961, et sera maintenu à l'avenir. Du reste, les francophones, de leur côté, n'ont pas d'institution équivalente au conseil ARGO. Toutefois l'enseignement de langue française n'a plus de ministre national responsable non plus, mais un ministre de l'Enseignement de la Communauté française. La Communauté flamande a, elle aussi, un ministre de l'Enseignement, mais c'est le conseil ARGO qui, à proprement parler, devient le patron de l'enseignement officiel en Flandre. Le rôle du ministre consiste uniquement à contrôler si tout se passe conformément à la loi, et à dégager les ressources financières. Le conseil ARGO est le pouvoir organisateur de l'enseignement d'Etat en Flandre, appelé dorénavant ‘enseignement communautaire’.
Le transfert de l'enseignement du niveau national belge aux deux Communautés représente incontestablement une avancée historique de la troisième réforme de l'Etat belge. Cette ‘communautarisation’ de l'enseignement constitue la clé de voûte - mise en place tardivement - de l'autonomie culturelle instaurée dès 1970. Depuis cette date Flamands et francophones gèrent indépendamment leurs propres intérêts culturels, mais cela se limitait à la Culture avec une majuscule. L'autonomie, en effet, ne s'appliquait pas à l'enseignement. Dans un pays où une lutte scolaire plus qu' acerbe avait à deux reprises profondément marqué les esprits et les coeurs, il était politiquement impensable de laisser tomber l'enseignement