Impressionnisme et fauvisme en Belgique
C'est en 1903 que Théo Van Rysselberghe (Gand 1862 - Saint-Clair, France, 1926) peint à Paris
Une lecture de Verhaeren (181 × 240), actuellement propriété de sa ville natale. Sur ce célèbre portrait de groupe et sur les magnifiques études préliminaires pour les huit personnages figurent, outre le futur prix Nobel Maurice Maeterlinck, divers auteurs français amis du peintre, dont André Gide et Henri Ghéon. Ce ‘tableau des bons poètes’ comme Van Rysselberghe avait d'abord intitulé la toile, on pourrait le qualifier de monument aux liens artistiques tissés au cours de ces années entre la France et la Belgique. Et cela pas seulement dans le domaine littéraire, bien que tout tourne ici autour d'Emile Verhaeren et du symbolisme. Car sur le plan de la peinture s'achève dans cette toile une période de folle passion pour l'impressionnisme français. Pour l'artiste lui-même, ce fut un tournant.
Rik Wouters: ‘Soucis domestiques’ (1913).
Il ne tarderait pas à troquer le pointillisme découvert chez Seurat pour une touche plus librement néo-impressionniste. Le divisionnisme intégral de la
La Grande Jatte avait manifestement cessé de lui convenir.
La volumineuse étude que Serge Goyens de Heusch a consacré à cette période 1860-1930, dix ans après son doctorat à la Sorbonne sur le Fauvisme brabançon, fourmille de données biographiques et artistiques qui soulignent les liens particuliers de nos peintres avec leurs célèbres collègues et contemporains français. Louis Artan rendait régulièrement visite à Corot et à Courbet. Eugène Smits fréquentait Jongkind et Isabey; Verwey, les peintres de Barbizon. Les frères César et Xavier De Cock de Gand s'établirent même carrément en France. Félicien Rops et André Stevens également, optant pour la capitale où ils entrèrent en relation avec Manet et Degas. Hippolyte Boulanger séjourna à Vichy et Evariste Carpentier habita cinq ans Paris. Van Rysselberghe n'est même pour ainsi dire jamais retourné dans son pays d'origine.
Après avoir évoqué cette intrication, allez donc tenter de prouver que l'impressionnisme en Belgique est malgré tout quelque chose de différent de l'impressionnisme en France, qu'il n'est pas le fait d'épigones mais le développement d'un fonds d'idées indubitablement impulsées pour une part par la France mais également puisées à d'inoubliables sources propres. Tout d'abord le paysage et ce que les maîtres flamands et hollandais en avaient fait au cours du xviie siècle.
Sans désemparer, l'auteur s'étend sur toutes les ressemblances et différences. Il rappelle avec juste raison notre propre ‘Barbizonisme’ avec ses colonies d'artistes qui vont se fixer loin de la ville, aussi bien à Anseremme et dans la Forêt de Soignes qu'à la côte ou dans la contrée de la Lys au sud de Gand. Il évoque les compagnies d'artistes qui ont contribué à faire progresser la réflexion, sans pour autant étouffer l'affirmation par leurs membres de leur personnalité propre. Avec une prédilection marquée, il analyse le renouveau décisif apporté par James Ensor mais il reste également attentif aux événements qui ne se sont manifestés qu'à la périphérie du processus, l'influence de Whistler par exemple ou l'entraînante inventivité d'Henri Van de Velde. L'impressionnisme, en France, en Belgique mais aussi dans d'autres pays européens où il s'est irrésistiblement emparé, vers la fin du xixe siècle, de bons peintres, est un jardin paradisiaque riche d'une infinité de fruits. Mais il n'est pas possible de réduire le phénomène à un seul courant uniforme auquel tous les autres auraient été inféodés. Ce n'était pas seulement une