Van Gogh par Vincent: récit d'une métamorphose
La récente reprise en ‘poche’ du beau livre de Pascal Bonafoux, Van Gogh par Vincent, devrait permettre à un très large public (en particulier à celui qui, de plus en plus nombreux, se presse autour des toiles du maître hollandais, que ce soit au Rijksmuseum Van Gogh à Amsterdam ou à l'étage supérieur du Musée d'Orsay à Paris) de cerner d'un peu plus près un destin qui, au terme d'un parcours jalonné d'échecs et de mécomptes, s'achèvera dans les circonstances tragiques que l'on sait.
D'entrée de jeu, le lecteur est mis en garde: qu'il ne s'attende surtout pas à se voir proposer la énième biographie d'un homme qu'on a coutume de ‘raconter’ pour ne pas devoir ‘regarder’. Désireux avant tout de retrouver le peintre, souvent occulté par le personnage ‘farouche, repoussé et misérable, solitaire, méprisé et exilé, malade, alcoolique et fou’ que certains biographes ne se sont que trop complu à nous offrir en pâture, Pascal Bonafoux, historien d'art (et ancien pensionnaire de la Villa Médicis à Rome), prend résolument le parti de ‘se désencombrer de la mythologie de l'artiste maudit’. A ses yeux, ‘la schizophrénie, l'épilepsie, l'alcoolisme, la paranoïa (...) n'expliquent rien’. Seuls les autoportraits du peintre (‘Ces portraits sont Vincent même, l'essentiel de ce qu'il est’) et sa correspondance (‘le seul commentaire qui puisse convenir’), lui semblent susceptibles de nous livrer la clé du mystère Van Gogh: la lente et fascinante métamorphose d'un homme possédé de peinture et qui finit par devenir la peinture même.
Tout au long de son essai, composé d'une trentaine de brefs chapitres (certains n'excèdent guère une page), Pascal Bonafoux s'évertue à nous montrer que, contrairement à ce qu'on croit communément, la peinture de Van Gogh n'est pas la peinture d'un fou. En réalité, elle affirme sa lucidité implacable et sa volonté de tenir tête à ce qui le hante, à ce qui inexorablement le sape. Elle est sa raison d'être, sa seule source de joie, le seul moyen aussi de mater la folie qui le guette. Venu relativement tard à la peinture (les premières toiles datent de la fin de 1881), il s'y vouera corps et âme au point de mourir complètement à lui-même et de n'être plus que peinture. Travaillant d'arrache-pied (en moins de dix ans, il produira près de neuf cents tableaux et quelque mille sept cents dessins!), il pressent que le temps lui est mesuré. ‘Je suis tenu de réaliser en quelques années une oeuvre pleine de coeur et d'amour et de m'y mettre énergiquement’ écrit-il, en juillet 1883, dans une lettre adressée à son frère Théo (il lui en écrira quelque six cent cinquante, dont plus de cent vingt en français!). Et il poursuit: ‘mon corps tiendra quand bien même encore le coup pendant quelques années, disons