de l'époque. Il écrivit de surcroît des articles remarquables à l'occasion de quelques grandes ventes publiques d'oeuvres d'art. Il y stigmatisait le manque de fierté nationale des Néerlandais, qui laissaient placidement de précieuses oeuvres d'art partir à l'étranger. Ce même sentiment national fut-il à l'origine de sa collection de dessins? En tout cas, le juriste haguenois se mit très tôt à rassembler des dessins, essentiellement de maîtres néerlandais. Sa collection finirait par comprendre plus de 230 oeuvres.
Le visiteur de l'exposition d'Amsterdam pouvait admirer presque 200 dessins. Ce qui impressionne surtout, c'est le sens artistique raffiné de Vosmaer et son large intérêt historique. En effet, il ne se limitait nullement aux artistes de son temps. On découvre également nombre de portraits, de savoureux croquis de types humains, de scènes domestiques, de paysages et de dessins animaliers dus à des artistes du xviiie et même du xviie siècle. En même temps, on y note aussi avec intérêt, sous la rubrique Vosmaer fecit, un nombre, réduit il est vrai, de dessins. Presque tous sont des illustrations réalisées par Vosmaer lui-même pour toutes sortes de journaux et almanachs ainsi que pour ses propres publications.
Ceci nous amène à parler de l'écrivain Vosmaer. Vosmaer consacra l'une de ses oeuvres les plus réussies au célèbre artiste néerlandais Rembrandt: une monographie en deux tomes publiée dans les années 1860. Chose étonnante, l'étude est rédigée de bout en bout en français. L'auteur entendait ainsi atteindre un public le plus large possible et assurer au grand peintre tout l'intérêt qu'il mérite. Mais en son temps Vosmaer était surtout connu et fâcheusement réputé comme polémiste. Ses articles dans la revue littéraire autorisée
De Nederlandsche Spectator causaient souvent bien de l'esclandre. Sous le pseudonyme de
Flanor, il adoptait presque coup sur coup un
Portrait de Carel Vosmaer (1826-1888) par Jozef Israëls.
point de vue radical sur toute une série de sujets les plus divers. Ses dithyrambes inconditionnels en l'honneur de la libre pensée - entre autres - nous offrent toujours une lecture particulièrement passionnante.
Comme conférencier, Vosmaer ne tarda pas à être la coqueluche de beaucoup de sociétés savantes. Son raffinement artistique et son tempérament polémique garantissaient manifestement l'intérêt de son argumentation. Notre Haguenois était en outre un grand voyageur doté d'une culture générale remarquable. Aussi estce peut-être son éclectisme qui impressionne surtout maintenant. Mais le long silence qui a entouré Vosmaer semble prouver que l'éclectisme ne garantit pas toujours la reconnaissance.
Hans Vanacker
(Tr. J. Fermaut)