Hugo Claus: Une douce destruction
Dans
Een zachte vernieling (1988), le nouveau roman de Hugo Claus déjà paru en traduction française (1), André Maertens,
Hugo Claus (o1929)
directeur en fin de carrière d'un centre culturel, apprenant la mort du poète Waehlens, se remémore leur période commune à Paris trente ans plus tôt. Dans ce flash-back, il se revoit jeune peintre en bâtiments gantois tombant amoureux de Sabine de Comptine d'Aarselaer, qu'il suit à Paris, où elle sera artiste, modèle et actrice. Il y entre en contact avec le groupe Asur, composé de peintres et d'écrivains des Pays-Bas et de Flandre. On songe bien sûr au groupe Cobra, au début des années cinquante, dont Claus fit partie. Sans qu'il soit vraiment question d'un roman à clés, Claus esquisse une image désillusionnée et sarcastique de cette colonie d'artistes expérimentaux tous axés essentiellement sur eux-mêmes.
Poursuivant en vain la femme mythique dans Sabine, Maertens est témoin des amours de celle-ci avec un Waehlens torturé par son passé militaire sur le front de l'Est et par la trahison de Hoorne, dont il est l'admirateur et l'esclave, Waehlens, désespéré, violera l'insaisissable beauté. Se tenant un peu à distance, Maertens cherche à se consoler du vide auprès de Nikki, destinée à mourir après un avortement.
Après sa retraite, Maertens consacre une exposition d'hommage à Waehlens. Un ami lui apprend que Sabine, qu'il a perdue de vue, est mariée et mère de trois enfants, dont l'aîné a trente ans...
D'une composition moins élaborée et d'un ton plus léger que Le chagrin des Belges (1983/1985 en français), ce roman retrace la douce autodestruction à laquelle tous ces personnages semblent inconsciemment s'adonner: corruption par la société, embourgeoisement, évanescence des rêves. Eléments autobiographiques déguisés, thèmes obsessionnels, anecdotes et références, utilisation abondante de clichés et mélange caractéristique de contraires - langue soutenue vs. vulgaire, grâce et laideur, comédie et tragédie - en font un livre tout à fait clausien, quitte à décourager ou dérouter les critiques. Tout texte de Claus, en effet, semble se présenter comme le sommet visible d'un iceberg. L'hommage rendu à Raymond Queneau par le quatrain figurant en exergue indiquera-t-il quelque élément secret sous-jacent?
Willy Devos
hugo claus, Une douce destruction, roman. Traduit du néerlandais par Marnix Vincent. Editions de Fallois/L'Age d'homme, 1988, 180 p.