eurent à subir depuis la deuxième guerre mondiale. Personnellement, Martens effectua un virage du centre gauche vers le centre droite. Précédemment, il avait été le premier ministre d'un cabinet dit d'unité nationale - réunissant démocrates-chrétiens, socialistes et libéraux -, d'une coalition de centre gauche et d'un gouvernement auquel participait également le parti fédéraliste bruxellois du Front démocratique des francophones (FDF). Aujourd'hui, Martens se trouve à la tête d'une équipe comprenant également des ministres fédéralistes flamands de la Volksunie (Union populaire). On comprend aisément que Martens et son parti, le Christelijke Volkspartij (CVP - Parti populaire chrétien), ont dû faire un effort pour s'accommoder de ce revirement. D'autant plus que nombre de démocrates-chrétiens flamands n'avaient cessé de répéter explicitement qu'il était impossible de mener une politique de redressement, c'est-à-dire d'austérité et de modération, avec les socialistes comme partenaire gouvernemental. Mais tout est bien qui finit bien, et voilà donc finalement installé le cabinet ‘romain et rouge’, chrétien et socialiste, teinté de quelques touches de nationalisme flamand.
Le nouveau gouvernement créa la surprise dès le début. Il annonça d'emblée qu'un certain nombre de ses excellences n'occuperaient leur fauteuil ministériel que temporairement, ‘en attendant’... Ainsi Leo Tindemans, ministre CVP des Relations extérieures, cédera la place à son collègue Mark Eyskens. Louis Tobback, ministre SP de l'Intérieur, deviendra le président des socialistes flamands à la fin de cette année-ci. D'aucuns ont établi une liste de quarante glissements possibles..., un véritable jeu de chaises musicales au niveau politique supérieur, au point que Martens lui-même reconnut publiquement sa gêne devant cet état de choses.
Martens n'a pas été associé aux négociations préparatoires à la formation de l'actuel gouvernement. On lui a ‘fait cadeau’ de ce gouvernement et de l'accord qui doit le sous-tendre après que d'autres eurent tout fixé... Tout semblait indiquer, en effet, que Martens briguait d'autres fonctions: à la Commission européenne, par exemple, ou la présidence de la Chambre des représentants de Belgique. Mais on n'a pas voulu lui accorder cette faveur. D'aucuns semblent voir en lui l'homme indispensable sans lequel aucun gouvernement ne serait vraiment à même de gouverner.
Nous voilà donc face à Martens VIII. De nombreux commentateurs affirment - pas tout à fait à tort - qu'en fait, les démocrateschrétiens n'ont jamais vraiment cru en Martens VI, la deuxième coalition entre démocrateschrétiens et libéraux qui fut mise sur pied fin 1985, avec le jeune libéral flamand Guy Verhofstadt comme ministre très orthodoxe du Budget. Martens VII fut un gouvernement transitoire chargé de la préparation des élections de fin 1987. Décidément, la politique belge est et demeure inextricable... Aux yeux de bon nombre de démocrates-chrétiens, quatre années de politique de redressement écrite à l'encre libérale étaient plus que suffisantes, et il était temps d'en revenir à l'alliance réunissant les deux grandes familles politiques.
Le nouveau gouvernement annonce deux grandes priorités parallèles: la poursuite de la politique de redressement, légèrement corrigée à l'encre démocratechrétienne, et le parachèvement de la réforme de l'Etat. C'est pour cette dernière raison que l'apport de la Volksunie était nécessaire, puisqu'une révision de la Constitution requiert une majorité des deux tiers à la Chambre des représentants comme au Sénat. Une large majorité, donc, qui s'appuie sur cinq partis sous-traitants.
Dès l'investiture du nouveau cabinet, cette double mission s'annonça comme une entreprise particulièrement ardue. Des négociations de très longue durée ne garantissent pas d'office des accords clairs. Le calendrier politique contraignant que le milieu politique s'est imposé en pleines vacances, la méfiance persistante entre les deux grands partenaires, la perspective des élections communales en octobre 1988 et des élections européennes en juin 1989 constituent autant de raisons qui permettent de douter des chances de survie du gouvernement Martens VIII.
Et qu'advient-il de José Happart, bourgmestre de Fourons, qui s'est trouvé à l'origine de la chute de Martens VI, dans toute cette histoire? Il se prépare tranquillement aux élections communales chaque jour un peu plus proches. Entre-temps, les dirigeants flamands de la majorité gouvernementale déclarent qu'ils se sont mis d'accord pour refuser que Happart soit à nouveau nommé bourgmestre au 1er janvier 1989. Assisterons-nous vraiment à l'épisode final du feuilleton fouronnais qui, par intermittences, a défrayé la vie politique belge depuis un quart de siècle exactement?
Marc Platel
(Tr. W. Devos)