Histoire
L. de Jong: Le royaume des Pays-Bas au cours de la seconde guerre mondiale
Le 28 avril 1988, dans la ‘Ridderzaal’ (Salle des Chevaliers) de La Haye, le Ministre de l'Education nationale et des Sciences, W.J. Deetman, rendait hommage au Dr. L. de Jong. La douzième partie de son oeuvre Het koninkrijk der Nederlanden in de Tweede Wereldoorlog (Le royaume des Pays-Bas au cours de la seconde guerre mondiale) venait de sortir; restent toutefois à paraître deux parties supplémentaires, l'une comportant les annexes et les index, l'autre des critiques sur l'oeuvre.
Avec cette étude de De Jong, dont les 12 parties en 26 volumes comptent 16000 pages en tout, les Pays-Bas disposent certainement de l'étude la plus volumineuse écrite par un seul homme sur l'histoire d'un pays occupé par les Allemands. De Jong n'a pas seulement décrit l'occupation allemande des Pays-Bas, mais aussi l'occupation par les Japonais des Indes Néerlandaises de l'époque, l'actuelle Indonésie. Pour réaliser ce tour de force inédit dans les annales de l'historiographie néerlandaise, De Jong disposait d'un fonds remarquablement équipé, le ‘Rijksinstituut voor Oorlogsdocumentatie’ d'Amsterdam (R.I.O.D. - Institut national de documentation sur la guerre), créé au lendemain de la guerre. De Jong en fut nommé directeur fin 1945 et fut chargé en 1955 par les autorités néerlandaises d'écrire une histoire des Pays-Bas et de leurs territoires d'outre-mer au cours de la seconde guerre mondiale. Il réalisa cette oeuvre sous le contrôle du Ministre de l'Education nationale. A ses côtés, la direction du R.I.O.D. joua le rôle d'instance de surveillance et De Jong disposait d'un nombre variable de colecteurs de ses manuscrits. L'ouvrage devait être prêt pour 1961. La première partie parut en 1969. Toutefois, on diffusa dans l'intervalle une série télévisée sur les Pays-Bas en temps de guerre, préparée et présentée par De Jong sous le titre de De Bezetting (L'occupation). Dans le même temps au sein du R.I.O.D. on se livra à un intense travail préparatoire, tandis que paraissaient des études d'autres auteurs sur certaines facettes des Pays-Bas au cours des années de guerre. On doit certainement compter au nombre des plus impressionnantes de ces
dernières l'ouvrage de J. Presser sur la persécution des Juifs aux Pays-Bas. Le titre Ondergang (Agonie) en dit déjà assez long à lui seul.
En dépit de son statut d'‘historien national’, De Jong a toujours su préserver son indépendance vis-à-vis du gouvernement. Il serait toutefois inexact de ne pas signaler que cet ouvrage a également fait l'objet de critiques. Beaucoup de collègues jugent l'ouvrage trop circonstancié, trop détaillé. D'autres en trouvent le ton trop souvent moralisateur et estiment que l'auteur catégorise excessivement en bon et mauvais. On reproche aussi à De Jong de trop voir la seconde guerre mondiale comme un traumatisme unique dans le vécu du peuple néerlandais. La guerre a bien moins constitué une cassure dans la société néerlandaise que De Jong ne le suppose. On regrette aussi l'absence de comparaison avec d'autres territoires occupés comme par exemple la Belgique, le Danemark ou la France.
A côté de ces critiques générales, certaines questions et certains événements sont également susceptibles d'autres visions que celles proposées par De Jong.
Les avis divergent sur la position de la ‘Nederlandse Unie’
L'historien L. de Jong (o1914).
(Union néerlandaise), organisation politique fondée en 1940 pour s'opposer au mouvement national-socialiste néerlandais. Aux yeux de De Jong, le parti et ses dirigeants n'échappèrent pas à la collaboration. De larges groupes de citoyens commencèrent à se sentir directement affectés, lors de la parution des parties consacrées au pouvoir néerlandais dans l'Indonésie d'avant-guerre. Sa condamnation sans appel de l'administration coloniale fut durement ressentie par les nombreuses personnes qui y avaient vécu ou travaillé. C'est une émotion identique que soulevèrent ses descriptions des crimes de guerre commis par des soldats néerlandais lors de la libération des Indes Néerlandaises et de la répression du nationalisme indonésien. Sur ce point, De Jong a quelque peu retouché son oeuvre. Cette attitude très critique vis-à-vis du passé colonial des Pays-Bas peut s'expliquer par l'arrière-plan démocrate-social de l'auteur. Cela se remarque aussi dans la première partie de l'ouvrage, quand il évoque l'attitude du gouvernement face à la crise des années trente et au chômage.
Toutes ces critiques n'enlèvent rien au fait que De Jong, à sa manière propre et par une prestation d'historien unique en son genre, ‘se soit rendu compte’ de son passé et de celui de ses concitoyens au cours des années 1940-1945.
Ce ne sera certes pas le dernier mot écrit sur les Pays-Bas au cours