Paul Van Den Abeele, le prix de modestie
Le ministre de la culture néerlandaise vient de décerner un prix à Paul Van Den Abeele, le prix de la carrière artistique, ce qui a de quoi provoquer un triple étonnement.
Premièrement parce qu'il n'est pas si fréquent qu'un photographe reçoive un prix pour sa ‘carrière artistique’, la photographie étant encore nettement considérée comme un art mineur. Deuxièmement, parce que Paul Van Den Abeele considère l'oeuvre couronnée comme un travail pur et simple et soi-même comme un simple professionnel. Troisièmement parce que l'objet de ce prix, le million de photos qu'il a tirées au cours des années, ont en grande partie été jetées. Naguère, on n'avait manifestement pas tant de respect pour l'oeuvre de cet artiste.
Paul Van Den Abeele a été pendant presque toute sa carrière (et est toujours) photographe et chef-photographe au groupe de presse De Standaard. Chaque jour il s'efforce d'exécuter en bon professionnel les tâches qu'on lui confie: il s'agit tantôt de fixer sur la pellicule l'arrivée d'une course, tantôt de saisir un artiste en transit dans notre pays.
C'est ainsi qu'il a réalisé toutes ses photos en Flandre et ailleurs. Il a vu bien des gens, plus, il a su voir comment certains évoluaient et il les a photographiés au cours des diverses phases de leur vie. Ce genre de travail mène à une croissante sagesse. Surtout quand on le pratique comme Paul Van Den Abeele, c'est-à-dire avec un regard lucide, et sans préjugés.
La grande caractéristique des photos de Paul Van Den Abeele est la modestie. Il évite les techniques m'as-tu-vu et se comporte en professionnel qui respecte son sujet et assure le service du médium fugitif qu'est le journal.
Beaucoup de jeunes photographes de presse ont tendance à défendre bec et ongles la photographie. Ces photographes sont convaincus que le langage des images est aussi et même plus expressif que l'écrit. Ils exigent que leurs photos soient reprises en totalité et qu'elles ne soient pas amputées en fonction du texte comme cela arrive souvent.
Paul Van Den Abeele ne partage que partiellement ce point de vue. Il trouve parfois que c'est la photo qui prime, parfois que la photo ne joue qu'un rôle d'illustration.
En fait, c'est par hasard qu'il est devenu photographe. Pendant la guerre, Paul Van Den Abeele était étudiant à l'Académie des beaux-arts d'Alost et d'Anvers. Un ami qui travaillait chez un photographe l'entraîna vers le studio et la chambre noire. Et quand l'ami en question tomba malade, ce fut Paul Van Den Abeele qui le remplaça. Après la guerre, en 1947, il devint photographe au Standaard. La photographie de presse en était alors vraiment, en Flandre du moins, au temps des pionniers.
Toutefois, un collègue lui apportait les célèbres publications