Religion
Le tricentenaire de la Statenbijbel.
Il y a trois cents ans, le 17 septembre 1637, le premier exemplaire de la Statenbijbel (Bible des Etats) était remis, en grande cérémonie, aux Etats Généraux réunis à La Haye. Au synode de Dordrecht de 1618, on avait décidé la mise en chantier d'une nouvelle traduction de la bible. Il y avait bien des traductions néerlandaises de la bible, mais elles ne donnaient pas satisfaction. Les réformés trouvaient d'un intérêt capital la réalisation d'une nouvelle traduction intégrale, à partir des textes originaux, de la Parole de Dieu. Au Synode de Dordrecht, on désigna six traducteurs, trois pour l'Ancien Testament et trois pour le Nouveau. Mais il était impossible de se mettre rapidement à l'oeuvre. On butait par exemple sur une forte opposition des libraires et éditeurs qui avaient encore en stock 80 000 bibles anciennes. Plusieurs villes se livrèrent aussi une lutte acharnée pour obtenir le droit d'imprimer la nouvelle bible. Ce privilège échut finalement à Leyde.
C'est seulement en 1626 qu'on commença la traduction de l'Ancien Testament et en 1628 celle du Nouveau. Finalement, ce travail prendrait presque dix ans, avant qu'un magnifique premier exemplaire puisse être remis aux Etats Généraux. Ce premier exemplaire, doré sur tranche, se trouve maintenant aux Archives (Algemeen Rijksarchief) de La Haye.
On ne saurait exagérer l'importance de cet ouvrage. Tous les jours, un bon demi million de Néerlandais lisent encore cette bible tricentenaire, à la maison, à l'école et à l'église. Il s'agit des membres des diverses églises réformées. Mais l'ouvrage a également exercé une grande influence sur le néerlandais. Les traducteurs étaient en grande partie des Néerlandais du sud qui avaient fui les guerres de religion du
xvie siècle. Aussi la langue originelle de la
La ‘Statenbijbel’, imprimée à Leyde en 1637.
Statenbijbel est-elle flamandobrabançonne. D'où la marge qui existe encore de nos jours entre la langue parlée et la langue écrite. C'est ainsi que ‘jeter’ se dit
gooien mais qu'on écrit
werpen; que ‘se marier’ se dit
trouwen mais qu'on écrit
huwen. La
Statenbijbel hâta également quelques évolutions linguistiques. Ainsi l'apparition des diphtongaisons. C'est ainsi que
huus devint
huis (maison), que
rike devint
rijk (riche), etc. Mais l'influence principale de la traduction des Etats sur le néerlandais réside dans l'apport d'expressions bibliques. ‘Le fils prodigue’, ‘la voix qui crie dans le désert’, ‘un livre fermé’, ‘ne pas être né de la dernière averse’, ‘avoir deux poids, deux mesures’ etc., autant d'expressions empruntées à la Statenbijbel et qu'on entend couramment dans la langue de tous les jours.
La Statenbijbel s'est acquis une grande considération, même chez les non-réformés. Elle fut également agréée et utilisée par les remontrants et les anabaptistes.
Les catholiques sont les seuls à n'avoir jamais utilisé cette traduction. La vénération générale apparaît d'ailleurs aussi dans la façon dont beaucoup de familles néerlandaises pratiquent cette Statenbijbel. Elle n'a certes rien d'une exception la famille néerlandaise qui possède encore un magnifique exemplaire du xviie ou du xviiie siècle, hérité de génération en génération et bien souvent enrichi d'annotations sur des événements familiaux exceptionnels.
Dirk van Assche
(Tr. J. Fermaut)