Découvrir le Westhoek avec un poète
Aux confins du ‘Plat pays’ si amoureusement chanté par Jacques Brel se tapit le Westhoek, contrée qui couvre la partie méridionale de la Flandre belge et l'extrême nord-ouest de la France. Gwij Mandelinck, poète flamand célèbre, qui habite le village frontalier de Watou, a consacré à ce morceau de Flandre à cheval sur la frontière franco-belge un guide très personnel édité par les éditions Artis-Historia dans la série Découvrir une région.
Il y distingue cinq sousrégions: la Côte occidentale avec le Veurne-Ambacht (Châtellenie de Furnes), le Pays du Houblon, l'Yprésis, le Pays des Monts de Flandre, et le Westhoek français. Son ouvrage fournit autant d'informations que les meilleurs guides touristiques mais constitue en même temps un récit passionnant et pénétrant qu'on ne saurait mieux définir que comme une sorte de journalisme poétique. Ses descriptions reposent sur des données objectives et des documents historiques mais elles sont farcies d'expériences personnelles et d'impressions intuitives relevées de badine ironie. Mandelinck a surtout tenté de mettre à nu l'âme de la région et de montrer comment la nature et l'histoire ont marqué l'habitant du Westhoek. Il y a magistralement réussi. Son style est particulier: sa prose glisse de métaphore en métaphore, abusant quelque peu, à mon sens, de cette figure de style, ce qui présente pourtant l'avantage d'exiger du lecteur une attention sans faille. Gwij Mandelinck connaît son terroir mais surtout il le vit. Et rien d'humain ne lui est étranger. Il jette un regard critique et courroucé sur la Babel immobilière qui envahit la Côte occidentale, évoque avec une connivence apitoyée le sentiment de supériorité de l'Yprésien, le mercantilisme du côtier, la fierté du fermier des polders, le défaitisme du Flamand de France. S'il esquisse une typologie et brosse des portraits, il tente aussi de capter l'ambiance de chaque sousrégion: avec le calme des campagnes autour de villes assoupies, c'est surtout l'isolement mental qui constitue la caractéristique dominante. Et ‘nostalgie’ est l'un des mots clés chez Mandelinck. Car l'ouvrage est surtout le
récit de la vie d'une région blessée, qui connut un âge d'or médiéval mais sortit exsangue du cataclysme de la Première Guerre mondiale pour devenir le coin oublié qu'elle est aujourd'hui, un coin qui aspire désespérément à revivre. C'est surtout dans les Monts de Flandre et dans le Westhoek français que la situation est dramatique selon l'auteur: chômage impressionnant, fuite des jeunes. Mandelinck déplore en outre pour le Westhoek français le recul de la langue régionale et l'abandon du patrimoine architectural. Il n'hésite pas à parler de ‘barbarie culturelle’. Cela ne l'empêche pas de conclure: ‘Celui qui regarde cette région avec des yeux impartiaux n'a aucun besoin de l'embellir pour l'aimer...’
Dirk Verbeke
(Tr. J. Fermaut)
gwij mandelinck, Le Westhoek, cinq fois, collection Découvrir une région, Editions Artis-Historia, Bruxelles, 1987, 120 p.