talent d'écrivain s'est réveillé en elle, s'exprimer est une nécessité. Sa passion de connaître l'être humain, de se connaître elle-même, commence à la dominer.
Elle a alors déjà atteint et même dépassé l'âge auquel les filles de sa famille se marient. Mais ce n'est pas un mari qu'il faut à Belle, c'est un ami-confident, un interlocuteur sur lequel elle puisse compter. Pour se rendre le célibat supportable, elle entame à l'âge de 20 ans une correspondance secrète avec Constant d'Hermenches, un oncle de Benjamin Constant qui jouera beaucoup plus tard aussi un rôle important dans sa vie.
D'Hermenches était alors colonel d'un régiment suisse aux Provinces-Unies en vivait séparé de sa femme qui habitait la Suisse. La qualité littéraire des lettres à ce correspondant a déjà été louée à plusieurs reprises. Mais rappelons le rôle vital qu'elles ont joué pendant seize ans dans la vie d'une jeune fille qui voulait à tout prix garder son indépendance et qui confia sans scrupules ses sentiments les plus intimes à un homme qu'elle ne voyait presque jamais. Elle avait compris que ni un pasteur, ni un prêtre ne recevraient ces confidences. De part et d'autre, c'est un sentiment très proche de l'amour qui a rendu cette correspondance si vivante pendant tant d'années.
Un troisième personnage, le marquis de Bellegarde, un ami de d'Hermenches et épouseur éventuel de Belle de Zuylen, ne semble avoir été introduit dans cette correspondance que pour lui permettre de s'analyser toujours plus à fond et d'exprimer ce qu'il y avait de sombre et de trouble en elle. Le lien - à distance - entre elle et d'Hermenches en devient de plus en plus étroit et ses lettres sont comme un substitut à un amour non réalisé. Avant une des rares rencontres avec ce lointain correspondant, elle le prévient: ‘Je le répète, je ne sais pas vous parler comme je sais vous écrire [...], donc écrivons [...]’ Ils étaient devenus l'un pour l'autre comme des personnages d'un roman; pourtant, tout ce que Belle écrivait était vrai.
Pendant qu'elle correspond si intensément avec d'Hermenches, elle échange aussi des lettres avec d'autres amis, avec l'écrivain écossais
Constant d'Hermenches, à qui Isabelle de Charrière confia ses sentiments les plus intimes.
James Boswell par exemple, qui aurait bien voulu l'épouser mais à qui elle avait fait savoir qu'elle ne possédait pas les talents subalternes qu'il aimait tant aux femmes. Elle échange aussi quelques lettres avec le baron van Pallandt, considéré par ses parents comme un parti acceptable pour leur fille, mais qui déçut sa confiance. Offusquée, elle ne lui cache pas son dépit: ‘Ah, Monsieur’, lui écrit-elle, ‘nous ne sommes pas faits vous et moi pour la moindre liaison d'amitié, pour aucune sorte de commerce.’ Son besoin de s'exprimer est pourtant si impérieux que même dans ces quelques lettres au baron elle révèle plus d'un côté remarquable de son caractère.
Très significatives aussi sont les lettres de Charles-Emmanuel de Charrière qui deviendra son mari en 1771. Les lettres de Belle à ce correspondant n'ont malheureusement pas été retrouvées. Originaire de Colombier près de Neuchâtel où la famille de Charrière de Penthaz possédait un manoir, ‘Le Pontet’, Charles-Emmanuel avait été vers 1766 gouverneur des frères de Belle ou secrétaire de son