Karel van Miert: dix ans de présidence
‘Cher André, cher ami, me voici devenu votre coprésident, votre coéquipier, moi, qui aurais pu être votre fils (...)’ C'est Karel van Miert qui parle, fin juin 1977. Agé de trente-cinq ans à peine, il succède à Willy Claes en tant que président du Belgische Socialistische Partij (BSP), l'aile flamande du Parti socialiste belge (PSB) encore unitaire à l'époque. Son collègue André Cools, président des socialistes francophones, a cinquante ans. Politiquement parlant, Van Miert est un bleu, un novice face à un Cools grand ténor de la politique belge. C'est pourquoi le président du PSB ne laisse planer aucun doute: c'est avec plaisir qu'il prendra sous sa protection son jeune ami flamand. Les socialistes francophones ne se font pas de soucis: le PSB-BSP demeurera leur parti à eux, comme ce fut toujours le cas!... Le réveil devait s'avérer d'autant plus pénible...
Aujourd'hui, Van Miert, à quarante-cinq ans, est toujours président de parti, non plus du BSP mais du Socialistische Partij (SP) tout court. André Cools approche de la fin de sa carrière politique, et son parti, le Parti socialiste, est toujours à la recherche d'un profil personnel. En effet, après l'arrivée de Van Miert, le bon vieux PSB aussi a très vite dû sacrifier à la tendance à la scission caractéristique de la Belgique. Pour les socialistes francophones, ce fut une pénible opération de survie, tandis que Van Miert a su conférer à leurs confrères flamands une image socialiste et flamande propre.
Van Miert est le fils d'une famille d'agriculteurs de la Campine anversoise. L'aîné de neuf enfants, il quitte l'école à l'âge de quatorze ans parce qu'il veut aider son père à la ferme. ‘Ce fut là une période charnière de ma vie’, ditil de ces années. Mais il reprendra
Karel van Miert (o1942).
les études. En même temps, il semble avoir traversé une crise qui lui fait abandonner la foi catholique profondément ancrée dans les traditions campinoises, décision et attitude peu commodes dans ces milieux-là, à l'époque. Aujourd'hui, il se qualifie de librepenseur serein.
A l'Université d'Etat de Gand, il se trouve dans le sillage d'un dynamique groupe d'étudiants socialistes. Après Gand, il va à Nancy, en France, pour aboutir finalement à la Commission européenne à Bruxelles. Il y travaille à l'ombre du socialiste néerlandais Sicco Mansholt, puis du Bruxellois Henri Simonet, encore socialiste à l'époque, passé au camp libéral depuis lors. Il y fait la connaissance de Hendrik Fayat et de ses ‘Lions rouges’, groupe de socialistes flamands qui s'était créé pour organiser une présence flamande socialiste consciente et militante dans la capitale belge. Ce groupe constituait le premier ferment de la scission entre Flamands et Wallons au sein du mouvement socialiste.
Toutefois, l'intégration de Van Miert au sein du parti ne se fait pas sans anicroches: ce n'est pas un ‘vrai’, sorti des rangs du mouvement. Willy Claes le choisit néanmoins comme secrétaire, et Van Miert devra lui succéder plus vite que prévu à la tête du parti. Dix ans après, Van Miert occupe toujours le fauteuil présidentiel. Récemment, il a même été réélu, sans concurrent, pour une cinquième présidence de deux ans.
Le parti socialiste que Van Miert dirige aujourd'hui est assez différent de celui dont il a hérité il y a dix ans. Actuellement, on peut bel et bien parler d'un socialisme flamand. Van Miert fut le premier président de parti flamand à poser en principe qu'il n'est plus question de discuter d'une modification des limites de Bruxelles au détriment du territoire flamand. Et qu'un parlementaire socialiste flamand fasse la leçon, sur le plan communautaire, à ses collègues francophones ne surprend même plus les habitués de la rue de la Loi. C'est un socialisme jeune et dynamique. Dans les coulisses, les autres partis se montrent un peu envieux parce que Van Miert a su attirer une solide équipe de parlementaires particulièrement capables sur le plan technique. De plus, c'est un socialisme clair, transparent. Sous la pression de Van Miert et de son équipe, la politique étrangère fait enfin l'objet de débats publics. La discussion sur l'installation de missiles nucléaires en Belgique se serait déroulée de manière toute différente sans le socialisme à la Van Miert. C'est aussi un socialisme plus ouvert, qui se propose d'accueillir des éléments venant d'autres horizons, par exemple des chrétiens progressistes. Jusqu'à présent, il s'agit là d'une opération plutôt académique, qui ne suscite guère d'écho au niveau du grand public.
Depuis son accession à la présidence du parti, Van Miert et son mouvement se sont trouvés pendant six ans sur les bancs de l'opposition. Force est de constater que cela ne semble pas le déranger outre mesure. De mauvaises langues prétendent même que Van Miert est heureux de ne pas devoir prendre une part active à l'opération de modération des salaires. Il n'empêche qu'en termes politiques belges, six ans passés sur les bancs de l'opposition,