Septentrion. Jaargang 16
(1987)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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déroule à Anvers la ‘Boekenbeurs voor Vlaanderen’ (Foire au livre pour la Flandre). Des dizaines de milliers d'amateurs s'y pressent, car l'affluence fait boule de neige et attire la foule à venir contempler les auteurs et leurs oeuvres. Pour la circonstance, le Bouwcentrum (Centre d'architecture) se transforme pour dix jours ou davantage en une espèce de boutique où jeunes et vieux peuvent faire connaissance avec des milliers de titres nouveaux, disons même avec presque toutes les publications disponibles dans le commerce. Il va sans dire que cette bourse présente un intérêt commercial pour tous ceux qui vivent du livre. Mais l'événement comporte un arrière-plan plus important encore: un tel rush vers cette culture mondiale tant célébrée a en effet pour but de susciter l'intérêt pour le livre, car - à en croire le proverbe - loin des yeux, loin du coeur. L'information fournie sur place (à quelque onze ou douze mille visiteurs quotidiens!) ou répercutée (par exemple dans les médias), incite les gens à se rendre dans les bibliothèques et les librairies et contribue à la diffusion et à la promotion de la lecture, ce qui est d'un grand intérêt et d'une grande conséquence, car la lecture permet aux gens d'acquérir davantage de connaissances et une vue plus juste de bien des problèmes. Bien que la fête anversoise du livre soit une affaire flamande, c'est-à-dire mise en oeuvre par des éditeurs et des libraires flamands (elle est du reste la plus grande parade du livre de toute la néerlandophonie), elle puise ses racines les plus profondes dans les Congrès Linguistiques et Littéraires organisés depuis 1849, alternativement au Sud et au Nord et qui ont engagé le rétablissement de la solidarité linguistique entre la Flandre et les Pays-Bas au lendemain de la Révolution Belge. C'était là une entreprise bien hasardeuse et pourtant, en dépit de toutes les plaintes, différends et préjugés, elle a débouché, près d'un siècle et demi plus tard, sur la création en 1980 de la Taalunie (Union Linguistique) qui a rassemblé les deux royaumes souverains en une seule communauté linguistique. Ces réunions littéraires du XIXe siècle - baignées de romantisme, de rhétorique et de nationalisme culturel - ont du reste fourni l'humus d'une foule d'initiatives dans le domaine de la langue et de l'orthographe, du livre et de la littérature, de la bibliothèque et de l'édition, tant au-dessus qu'en dessous de ce fameux Moerdijk considéré par les Hollandais comme la limite méridionale de leur identité propre. Certes les éditeurs et libraires se sont regroupés bien plus tôt aux Pays-Bas qu'en Flandre en une fédération bien organisée: la Vereniging ter Bevordering van de Belangen des Boekhandels - la V.B.B.B., Association pour la Promotion des Intérêts du Commerce du livre - y vit en effet le jour dès 1815. En Flandre, une collaboration de ce genre était à peine imaginable dans le courant du XIXe siècle, essentiellement parce qu'on y comptait peu d'éditeurs indépendants avant la Première Guerre Mondiale. C'est seulement après la guerre, à mesure que l'enseignement se néerlandisait, que l'édition flamande vit se multiplier les initiatives viables. A l'exemple des Pays-Bas du Nord, deux écrivains flamands, August Vermeylen, président de l'Association des Gens de Lettres de l'époque (Vereeniging van Letterkundigen) et son futur successeur Maurice Roelants, fondèrent la V.B.V.B., l'Association pour la Promotion du Livre Flamand. Depuis lors, l'édition flamande dispose aussi, ce qui est fort heureux, d'une structure de documentation qui fournit des informations pour le demi-siècle écoulé sur tous les aspects de la production du livre en Flandre, à savoir les Annales Het boek in Vlaanderen (Le Livre en Flandre), dont les livraisons occupent d'ores et déjà plus d'un demi-mètre de rayon de bibliothèque et dont aucun historien (ils sont peu nombreux, citons E. de Bock, G. Schmook, L. Simons) de l'édition flamande ne saurait se passer. On peut considérer comme précurseur de cette publication annuelle le Jaarboek (Annales) publié par la Vereeniging van Letterkundigen (chez De Nederlandsche Boekhandel) et qui présentait - à côté d'un aperçu des prix littéraires, associations, bibliothèques etc. - une Liste des principaux Libraires et Editeurs de Flandre doublée d'une liste des Editeurs des Pays-Bas. Rien d'étonnant à cela, car que peuvent faire les écrivains sans éditeurs et les éditeurs sans écrivains? D'où vient que la première édition, en 1930, de Het boek in Vlaanderen servait d'annales conjointement à l'Association des Gens de Lettres et à l'Association pour la Promotion du Livre Flamand. Il en serait ainsi jusqu'en 1942: les deux associations, celle qui regroupait les écrivains et celle qui rassemblait l'industrie du livre, éditaient ensemble Het boek in Vlaanderen. Vers la fin de la guerre, le rythme de sa publication connut une pause. Le premier exemplaire de l'après-guerre, celui de 1946, n'était plus édité que par la seule V.B.V.B. (l'association des écrivains ne s'était pas aussi vite remise des séquelles de la guerre). Depuis, les panoramas annuels se sont succédé sans interruption: au début du mois de novembre 1986, à l'occasion de la Cinquantième Foire au Livre, paraissait la 55e livraison, forte de 388 pages. Celui qui l'a eue sous les yeux, celle-là ou une autre, sait qu'elle constitue une véritable mine d'informations, d'autant plus que chaque livraison des annales présente un ou plusieurs texte(s) d'auteur et s'achève sur un index détaillé et classé par sujets des titres présentés. (Parallèlement, le V.B.V.B. publie aussi tous les ans un Repertorium (Répertoire), qui mentionne, en deux listes séparées, l'une à partir des noms d'auteurs, l'autre à partir des titres, la quasitotalité des ouvrages édités en Flandre ou importés par des libraires indépendants; | |
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l'édition 1985 est parue début avril et compte 278 pages). Ces répertoires, joints aux bibliographiesGa naar eind(1) émanant, depuis 1951, de l'Algemene Conferentie der Nederlandse Letteren (Conférence Générale des Lettres Néerlandaises), constituent un baromètre de la conjoncture traversée par la communauté culturelle néerlandophone. La vitalité intellectuelle d'une culture ne s'exprime-t-elle pas le mieux dans ces manifestations de l'esprit que sont les écrits et les publications? La tradition de la Foire au Livre anversoise, lancée timidement mais résolument en 1932 dans le meilleur style ‘système-D’, a surtout pris son essor après la guerre, d'abord comme manifestation de tolérance destinée à panser les plaies récentes de la guerre, puis comme forum rassemblant la gauche et la droite, le Nord et le Sud autour du patrimoine culturel noble et impérissable par excellence: le livre écrit dans la langue propre. Actuellement la Semaine du Livre et la Foire au Livre jouent pour la Flandre le rôle - manifeste cette fois encore au cours de sa 50e édition - d'un happening de plusieurs jours où les éditeurs, les libraires, les écrivains et les lecteurs se plaisent à se rencontrer dans une ambiance d'amitié et d'affaires, encouragés par des attractions quotidiennes qui prennent la forme de conférences, d'interviews, de discussions, de films, etc. Enfin, pour commémorer le cinquantenaire des semaines du livre en Flandre, Jozef Deleu et Anne Marie Musschoot, mandatés par l'Association-au-nom-interminable, ont composé un Vlaams leesboek (littéralement livre de lecture flamand)Ga naar eind(2). Dans ce bel ouvrage bien en main, ils ont rassemblé des extraits de la production de livres présentée à un large public au cours des cinquante foires qui se sont déroulées de 1932 à 1986. Il s'agit donc d'une anthologie, d'allure subjective (cela va sans dire), mais sérieuse et embrassant bien son sujet (à côté de la poésie et de la prose, on y trouve une section - la plus intéressante - consacrée à ‘la prose essayistique et réflexive’) comme tout ce qui est sorti de l'esprit et de la plume de ces deux anthologistes renommés. Luc Decorte (Tr. J. Fermaut). |
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