Karel Appel et Hugo Claus à l'époque du mouvement Cobra.
Faulkner, traduite par Elly Overzier et Jean Raine sous le titre de
La chasse aux canards (Paris, Fasquelle, 1953), on a considéré Claus comme un enfant prodige - réputation confirmée cinq ans plus tard par le profond renouvellement qu'apportaient à deux autres genres ses
De Oostakkerse gedichten (Poèmes d'Oostakker, qui ne sont pas intégralement traduits en français) et son drame
Een bruid in de morgen traduit par Maddy Buysse (
Andréa ou La Fiancée du Matin, Paris, Fasquelle, 1956). Auparavant, le second roman de Claus,
De hondsdagen, était lui aussi paru en français, également dans une traduction de Maddy Buysse, à qui revient l'honneur d'avoir fait connaître au public français une bonne partie de l'oeuvre de Claus.
En 1956, Andréa connut le succès à Paris dans une mise en scène de Sacha Pitoëff, qui interprétait également le rôle du père. L'oeuvre fit les gros titres dans la presse, bien que le caractère délicat du sujet et l'audace voire la brutalité de l'expression - les amours incestueuses d'un frère et de sa soeur en constituent le thème central - eussent choqué une partie du public parisien de l'époque. Quoi qu'il en soit: Andréa se vit décerner le prix Lugné-Poë. Claus avait alors 27 ans.
Il est remarquable que l'importance si évidente de l'oeuvre de Claus soit difficile à saisir en quelques mots ou en quelques phrases simples: l'enfant prodige s'est mué en magicien, l'autodidacte s'est mis à faire étalage d'une érudition, d'une lecture et d'une diversité impressionnantes. D'ailleurs, l'élément le plus caractéristique de cette oeuvre monumentale (qui compte déjà plus de 80 titres) est peut-être bien sa diversité. Claus pratique presque tous les genres avec une égale virtuosité: il est poète, romancier, dramaturge et scénariste, traducteur et adaptateur mais aussi réalisateur de films et de pièces de théâtre, critique (auteur en particulier d'essais sur Karel Appel et L.P. Boon) et... peintre: à Paris où il résida de 1950 à 1953, il faisait partie du groupe Cobra (avec K. Appel et P. Alechinsky). En outre il montre une prédilection manifeste pour l'éclectisme et le mélange des genres. Si l'on pouvait déceler un système dans tout ce foisonnement, en ce cas il s'agirait précisément d'un refus de tout système: hétérogénéité et mobilité, expérimentation et renouvellement sont les leitmotive qui ont continuellement jeté Claus sur de nouveaux chemins. Comme le disait le critique flamand Jan Walravens: au fil des années il est devenu de plus en plus évident que Claus ‘qui a tout lu, qui a roulé sa bosse partout, qui a exercé tous les métiers et pratiqué tous les arts (...) écrit toutes ses oeuvres avec un coeur vibrant, fébrile, avide d'un paradis’.
Toutefois, la critique est unanime à reconnaître que l'oeuvre la plus marquante de Claus se situe dans le domaine de la poésie. L'ampleur et la complexité de sa poésie et la stupéfiante virtuosité verbale qu'il y étale en font un des poètes les plus importants de son temps. Dans sa préface à Poèmes, une anthologie traduite par Maddy Buysse (Bruxelles, Editions des artistes; Paris, Mercure de France, 1965), Gaëtan Picon notait avec juste raison: ‘Si le plus doué des écrivains flamands d'aujourd'hui, Hugo Claus, a reçu tous les dons: ceux du narrateur, du dramaturge, et même du peintre, c'est dans la poésie - par sa poésie - qu'ils trouvent leur ordre, leur source, leurs clef’. Claus débuta par des épanchements lyriques assez traditionnels, mais ne tarda pas à rencontrer à Paris des surréalistes français et des poètes expérimentaux néerlandais et à se frotter de culture internationale, dans l'oeuvre d'auteurs comme T.S. Eliot, S. Beckett ou Ezra Pound. Ce dernier lui apprit à composer de longs poèmes et cycles, ainsi qu'à pratiquer l'art érudit des citations et des allusions.