Le quarantième anniversaire du Parti du travail néerlandais
Les Pays-Bas, pays agricole par excellence, ne se sont véritablement industrialisés qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale. En généralisant quelque peu, on pourrait dire que le socialisme - né à la fin du sièrcle dernier parmi les ouvriers agricoles de la Frise - n'y a jamais été marqué, à proprement parler, par la lutte des classes qui le caractérisait dans des pays dotés d'un prolétariat industriel.
Les socialistes néerlandais n'accédèrent au gouvernement qu'en 1939, notamment sous la menace de la deuxième guerre mondiale, qui commença en mai 1940 pour les Pays-Bas. En effet, les partis confessionnels disposaient toujours d'une majorité absolue. Les socialistes préféraient la préservation de leur idéal à la participation à un gouvernement ‘bourgeois’ qui nécessiterait des concessions attentatoires à ‘l'idéal sacré’.
Le
Sociaal-Democratische Arbeiderspartij (SDAP - Parti social-démocrate ouvrier), créé en 1894, s'inspirait du modèle allemand. Le grand leader en était le Frison Pieter Jelles Troelstra. D'emblée, le parti s'est efforcé de contrecarrer la constitution de partis politiques sur une base confessionnelle,
Pieter Jelles Troelstra (1860-1930).
tendance qui s'affirmait de plus en plus à ce momentlà. Par contre-coup, la menace socialiste, en réalité, a contribué à renforcer le compartimentage idéologique, de sorte que le socialisme, à son tour, devint une entité socio-idéologique au même titre que les autres composantes du système.
Pendant la seconde guerre mondiale, alors que l'occupant allemand avait réuni des dirigeants politiques de toutes tendances notamment dans des camps pour otages, l'idée d'un dépassement du compartimentage idéologique a été abordée sur le plan théorique. Après la guerre, elle fut immédiatement concrétisée dans la création, le 9 février 1946, d'un
Partij van de Arbeid (PvdA - Parti du travail), composé de l'ancien SDAP, d'une fraction importante de la
Vrijzinnig-Democratische Bond (VDB - Fédération démocratique de la librepensée) sociale-progressiste et de quelques membres - le plus souvent jeunes - issus de groupements catholiques et protestants. Principalement sous l'influence des chrétiens, l'accent fut mis sur un socialisme personnaliste. Le philosophe attitré du parti, en ces premières années de l'aprèsguerre, était le pasteur W. Banning. Le nouveau parti socialiste - qu'on se gardait, au début, de présenter explicitement comme tel - coupait ainsi formellement le lien avec le syndicat socialiste
Willem Drees (o1886).
Nederlands Verbond van Vakverenigingen (NVV - Fédération de syndicats néerlandais) et avec l'institut de radiodiffusion socialiste
Vereniging van Arbeiders Radio Amateurs (VARA - Société d'ouvriers radio-amateurs). Au lieu de chanter l'
Internationale, on chantait un nouvel hymne du parti sur un texte du poète et spécialiste de la littérature Garmt Stuiveling. Le 1
er mai ne pouvait plus être célébré officiellement, surtout pas s'il tombait un dimanche. Toutes ces préoccupations devaient donner le sentiment aux chrétiens encore hésitants et susceptibles que le PvdA affichait un caractère bel et bien multiconfessionnel. A l'intention des catholiques, des protestants et des humanistes, des groupes de travail furent créés qui devaient approfondir la relation - très importante aux yeux des Néerlandais - entre conception philosophique ou foi et prise de position politique.
Aux premières élections législatives d'après-guerre, il apparut toutefois que l'idée du décloisonnement n'intéressait guère une population néerlandaise aspirant plus au relèvement du pays qu'à un véritable renouveau. Le PvdA n'enregistra que 25,6 p.c. des voix contre 53,4 p.c. pour les partis confessionnels d'avantguerre. Il mit sur pied une coalition avec le Katholieke Volkspartij (KVP - Parti populaire catholique), qui représentait quelque 30 p.c. de l'électorat. Cette coalition