Ivo Michiels (o1923).
et de réalisme; mais elles se distinguent aussi par le caractère naturel, authentique des dialogues et témoignent une fois encore du métier de ce maître.
Un autre écrivain également renommé, Ivo Michiels (o1923), publiait dans le courant de l'année 1985 Het boek der nauwe relaties (Le livre des relations étroites), lequel constitue le volume second d'une série qui en comptera dix et porte le titre français de Journal brut. Avec la composition d'une pareille oeuvre monumentale, Michiels n'en est pas à son coup d'essai. Le Journal brut fait suite à un cycle en quatre volumes qui a marqué une étape dans l'histoire littéraire flamande en introduisant l'écriture abstraite du nouveau roman (à commencer par Het boek alfa, 1963, traduit en français sous le titre Le livre alpha en 1967). Le critique Hugo Bousset, excellent exégète de cette écriture encore ressentie par beaucoup comme hermétique, a déjà publié dans le Jaarboek Vlaamse literatuur 1985 (annales de littérature flamande 1985), édité par Grammens à Bruxelles, un essai passionnant, éclairant ce nouveau livre et le replaçant dans l'ensemble plus vaste de l'oeuvre extrêmement riche et complexe mais difficile à définir d'Ivo Michiels. Pour les lecteurs français, il est peutêtre intéressant de noter que le poète René Char, originaire du Vaucluse, figure dans ce dernier livre de Michiels comme ‘berger, évêque, Moïse’ (Michiels habite actuellement cette même région).
On ne peut citer ici tous les romans récemment parus (entre autres ceux de Claude van den Berge, Hubert Lampo et Willy Spillebeen), car l'automne est toujours une période assez riche. Les éditeurs flamands ont en effet tendance à faire paraître en septembre de nombreux titres nouveaux, quitte à les retarder, afin de les lancer à la Foire du Livre qui a lieu à cette époque à Anvers. Cependant, le livre douloureux de Ward Ruyslinck,
De uilen van Minerva (Les chouettes de Minerve) mérite une mention particulière. Ruyslinck, qui reçut ainsi que Suzanne Lilar en 1980 le prix Europalia des mains de Simone Weil, s'est déchargé de ses frustrations de fonctionnaire brimé en écrivant ce pamphlet autobiographique d'une acuité déchirante.
Ward Ruyslinck (o1929).
Cet écrivain lu et fêté a visiblement dû souffrir tout au long de sa carrière d'employé de l'absence d'estime et de la méconnaissance de son identité d'artiste. On en viendrait presque à souhaiter qu'il n'ait pas eu à écrire ce livre sur son milieu professionnel.
De nouvelles perspectives s'ouvrent également pour la littérature en Flandre. Herman Portocarero (
o1952), un jeune diplomate cosmopolite, dont la première oeuvre en prose fut accueillie en 1984 par un concert de louanges (et par quelques billets moins élogieux), confirme son talent avec
Herman Portocarero (o1952).
Door de naamloze vlakte (Par la plaine sans nom), récit à la fois poétique et philosophique d'un voyage en Ethiopie sur les traces du poète Arthur Rimbaud. Avec le poète et artiste de variété Tom Lanoye (
o1958) se révèle un autre jeune talent de premier plan qui brille tout comme cet autre écrivain de sa génération, Herman Brusselmans (
o1957), par sa virtuosité satirique et ironique. Ce sont là des noms que l'on ne pourra manquer de retrouver.
En novembre 1985, l'Etat belge a décerné deux prix. Le prix triannuel d'Etat récompensant une oeuvre théâtrale revint à René Verheezen (o1942) pour De overtocht (La traversée); mais, pour cette attribution, le jury tint également compte des oeuvres précédentes. Le prix couronnant un essai fut remis à Marcel Janssens (o1932) pour De maat van drie (La mesure à trois temps). Ce professeur de Louvain, spécialiste des lettres néerlandaises et européennes, est connu pour ses essais et causeries sur la littérature. Avec ce nouveau recueil, il fait une fois de plus honneur à sa réputation.
Anne Marie Musschoot
(Tr. S. Macris)