Albert Ier.
L'ouvrage que nous présentons ici est la version revue et augmentée d'un livre précédemment publié en néerlandais par l'auteur. Cette étude solidement documentée peut contribuer considérablement à enrichir notre connaissance de la politique intérieure belge au cours de la première guerre mondiale et plus particulièrement de l'attitude que prirent le roi Albert et Charles de Broqueville, chef du gouvernement, face à la question linguistique. Au cours des années de guerre, nous pouvons distinguer trois phases dans l'attitude du gouvernement et du roi face à la question linguistique:
1. | du début de la guerre au mois d'août 1916: la question linguistique n'est pas une matière gouvernementale; |
2. | le gouvernement réagit à un certain nombre de mesures prises par les Allemands, en particulier à la création d'une Université flamande à Gand et à la fondation du Raad van Vlaanderen (Conseil de Flandre). Cette réaction est (naturellement) négative; on se contente d'exprimer une vague promesse de possibles concessions après la guerre; |
3. | 22 janvier - 22 novembre 1918: la question flamande devient l'un des principaux soucis du gouvernement mais celui-ci ne parvient pas à arrêter de mesures concrètes. |
L'explication fondamentale de l'incapacité du gouvernement à résoudre la question linguistique, l'auteur la voit dans l'ignorance où sont le roi et certains ministres des problèmes sociaux qui soustendaient le Mouvement flamand; la volonté d'élaborer une solution adéquate faisait défaut. La démocratie belge avait pris, en 1916, à l'initiative du roi, une nouvelle orientation, lorsqu'on forma pour la première fois un gouvernement tripartite. Le roi Albert s'opposait à une convocation du Parlement belge en exil, mais la coalition de trois partis au gouvernement conduisit fatalement à des compromis et à l'irrésolution. Le roi s'efforça bien de maintenir un certain équilibre entre les formations politiques mais l'‘Union sacrée’ ne fut préservée qu'en matière de politique étrangère. Les difficultés commencèrent toutefois quand le gouvernement dut délibérer sur les brûlants problèmes (entre autres la question linguistique); la division régnait aussi au sein de l'armée elle-même (naissance du mouvement du front). De Broqueville fit bien preuve d'une certaine compréhension mais le gouvernement finit par se laisser embobeliner par des politiciens à courte vue qui voyaient dans la question flamande une menace pour l'Etat unitaire: certains brandissaient la menace d'un séparatisme wallon. Les points de vue extrêmes, tant du côté flamand que wallon, aboutiraient pourtant après la guerre à une plus large prise de conscience de la masse.
Cette oeuvre suscite deux regrets: 1. le sous-titre qui donne l'impression que le Mouvement flamand trouve son origine dans la première guerre mondiale; il va de soi qu'il pousse des racines plus profondes; 2. les innombrables digressions qui viennent continuellement briser le cadre chronologique de l'ouvrage.
Michiel Nuyttens
(Tr. J. Fermaut)
l. schepens, Albert Ier et le gouvernement Broqueville, 1914-1918. Aux origines de la question communautaire, Paris-Gembloux, 1983, 272 p. (Document Duculot).