Septentrion. Jaargang 14

Musique

Le chant grégorien et la polyphonie à Utrecht.

La vie chorale en Flandre, titre d'une émission que diffusait BRT 3 (Radiodiffusion belge néerlandophone) le samedi après-midi, a révélé tout au long de son existence l'enthousiasme et la solidité des chorales d'amateurs, nombreuses dans la partie septentrionale de la Belgique et composées tantôt d'enfants et d'adolescents, tantôt d'adultes et de groupes aux âges divers. Nonobstant son succès, cette émission bien conçue, comme tant d'autres, a disparu, victime des restrictions budgétaires de la BRT. Espérons que cela n'étouffera pas dans l'oeuf l'enthousiasme de tant d'ensembles. En tout état de cause, chaque mélomane de Flandre sait maintenant que les jeunes ne se sentent pas seulement attirés par la musique de variété commercialisée, mais qu'une bonne partie d'entre eux se passionne aussi pour une musique chorale d'excellente qualité, qui du Moyen Age à nos jours offre un répertoire quasiment inépuisable.

Pour les chorales d'amateurs, les universités constituent entre autres un lieu de recrutement privilégié. La Universitair Koor (Chorale de l'Université) de Louvain jouit d'un crédit grandissant. Or l'activité chorale ne prospère pas seulement en Flandre mais également aux Pays-Bas, et làbas aussi, souvent dans les universités. Un centre particulièrement remarquable est l'Université d'Utrecht où depuis plus de 15 ans quelques groupes d'étudiants triés sur le volet, sous la houlette d'un chef fervent, le professeur Jan Boogaarts, déploient des efforts précieux et appréciés afin d'attirer l'attention d'un public, sans cesse croissant, sur un répertoire choral spécifique.

Jan Boogaarts (^o1934) a eu et a la direction de trois chorales composées d'étudiants de l'Université d'Utrecht. La Utrechts Studenten Gregoriaans Koor (Chorale grégorienne estudiantine d'Utrecht) mérite une mention à part; créée en 1968, elle se fixe pour objectif la sauvegarde de la musique grégorienne en tant que patrimoine culturel et musique d'église. Compte tenu de la lutte iconoclaste contre la musique après le II^e Concile du Vatican, il s'agit là d'une initiative tout à fait louable, répondant de surcroît à un besoin manifeste puisque la chorale existe maintenant depuis 17 ans. L'accent est mis tant sur la participation aux services liturgiques, au sein desquels le chant grégorien prend une place primordiale, que sur les

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Jan Boogaarts (^o1934).

concerts où domine l'expérience esthétique purement musicale. L'animation, chaque année, des cérémonies du Triduum Sacrum et de Pâques à Saint-Germain-l'Auxerrois de Paris est un événement digne de mention. Jan Boogaarts, en qualité de collaborateur scientifique à l'Institut de musicologie d'Utrecht, enseigne le plainchant et est ainsi le garant du sérieux des exécutions grégoriennes, domaine où il met à profit les résultats scientifiques obtenus par Dom Mocquereau de l'abbaye de Solesmes dont il fait grand cas, tout en prenant en considération les nouvelles tendances de la sémiotique grégorienne, à laquelle Dom Cardine apporta une contribution novatrice.

Outre le grégorien, Jan Boogaarts défend corps et âme le répertoire qui en Europe occidentale constitue le sommet de la musique chorale, c'est-à-dire la polyphonie de la Renaissance, en mettant bien sûr l'accent sur la polyphonie néerlandaise. Grâce à deux excellentes chorales, elles aussi formées d'étudiants d'Utrecht, il assure la diffusion de ce répertoire, qui ne cesse de gagner en faveur auprès du grand public. De 1967 à 1982, il dirigea la Utrechts Studenten Kamerkoor (Chorale de chambre estudiantine d'Utrecht), aujourd'hui dissoute, et depuis 1971 il est à la tête de la Capella Traiectina. De temps à autre on quitte la musique de la Renaissance pour exécuter des oeuvres d'époques différentes, telles que les messes de Guillaume de Machaut, Poulenc et Stravinsky et la musique religieuse baroque (Monteverdi, Schütz, Cererols). Il a assuré des quantités d'enregistrements pour la radio et la télévision (en particulier pour l'ORTF). Sur commande de la KRO (la radiodiffusion catholique néerlandaise) et à l'initiative du producteur Frans van Rossum, Jan Boogaarts enregistre sur disque la liturgie complète de la semaine sainte, projet grandiose qui, à l'heure actuelle est pratiquement réalisé et qui fait alterner de façon judicieuse le grégorien avec la musique pour orgue et la polyphonie de la Renaissance (notamment des compositions pour plusieurs voix de Lassus, Palestrina, Isaac, Josquin Desprez, et autres).

Cette collection de cinq coffrets d'une grande richesse constitue un document unique, à la fois comme reconstruction des fêtes liturgiques telles qu'elles étaient vécues auparavant dans les conditions les plus favorables, et comme contribution à l'élaboration d'un répertoire musical sans égal en Europe. Une quatrième chorale dirigée par Jan Boogaarts, participa aussi aux enregistrements, il s'agit du Vocaal Ensemble van het Brabants Conservatorium - Tilburg (Ensemble vocal du Conservatoire brabançon de Tilburg), fondé en 1973, qui outre sa contribution au répertoire polyphonique, assura des premières d'oeuvres telles que le Requiem de Jan Wisse, Die Umkehrung Amerikas de Maurizio Kagel, production radiophonique qui en 1977, obtint le prix d'Italie. Boogaarts dirige cet ensemble depuis 1983 en qualité de chef de choeur invité. En marge du projet précité, il convient de signaler la réalisation d'autres enregistrements sur disque: des motets de la Renaissance et beaucoup d'autres pièces grégoriennes.

Ignace Bossuyt

(Tr. J. Deleye)