1975, une capacité nucléaire avoisinant les 3 000 MW. La construction de la centrale de Borssele, unité de taille moyenne, s'inscrivait dans ce cadre-là.
Dans la suite, l'exécution de ces plans très ambitieux devait en rester là. D'abord et surtout à cause de la découverte, à Groningue, d'un gisement de gaz naturel. Lorsque, au milieu des années soixante, celui-ci s'avéra beaucoup plus important qu'on ne l'escomptait au départ, tous les plans et scénarios en matière d'approvisionnement énergétique se trouvaient du coup dépassés. Dorénavant, la politique énergétique des Pays-Bas allait s'appuyer - de facto - sur le gaz naturel (disponible à bon compte).
A l'occasion de ce qu'on a appelé la crise pétrolière (1973-1974), on a vu réapparaître, dans toute l'Europe occidentale et donc aussi aux Pays-Bas, des plaidoyers en faveur de l'énergie nucléaire. Celle-ci, prétendait-on, allait nous rendre moins dépendants de l'approvisionnement pétrolier en provenance du Moyen-Orient. Entre temps, cette même énergie nucléaire avait suscité une virulente polémique socio-politique. Le mouvement antinucléaire estimait cette technologie inacceptable à plus d'un titre. D'abord à cause des risques d'exploitation considérables auxquels vient s'ajouter l'épineux problème des déchets, resté sans solution jusqu'à ce jour. Ensuite, parce qu'elle constitue en quelque sorte le symbole d'une société gaspillant ses ressources énergétiques et trop peu soucieuse de sauvegarde du milieu. La contestation lancée par le mouvement antinucléaire se concrétisa aux Pays-Bas dans toute une série d'actions culminant dans la manifestation d'Amelo, contre l'usine d'enrichissement d'uranium (1978) et dans le blocus de la centrale de Dodewaard, théâtre de violents affrontements (1981).
La vive controverse soulevée par cette affaire contraignit le gouvernement de la Haye à adopter une procédure d'exception. En 1982 fut lancée la Brede Maatschappelijke Discussie (Concertation populaire générale). Dans le cadre d'une vaste campagne d'information et de concertation, tous les citoyens étaient invités à faire connaître leur opinion concernant la politique à suivre en matière énergétique et tout particulièrement en matière d'énergie nucléaire. Cette BMD (Brede Maatschappelijke Discussie), tout en désamorçant partiellement la contestation, n'en aboutit pas moins à un verdict sans appel (1984): 70% de la population se prononçait contre l'installation de nouvelles centrales nucléaires, pourcentage qui, selon de récents sondages, semble encore s'accroître ces derniers temps.
Tout porte donc à croire que les projets gouvernementaux se heurteront à de vives résistances. Celles-ci ne se sont d'ailleurs pas fait attendre. L'immersion en mer des déchets étant désormais frappée d'opprobre et d'interdit, le gouvernement néerlandais a nommé une commission spéciale chargée de rechercher des sites convenant au stockage des déchets radioactifs. Or, des réactions et des mouvements de protestation ont déjà eu lieu dans tous les endroits désignés. A n'en pas douter, les promoteurs de l'énergie nucléaire n'auront guère la tâche facile aux Pays-Bas.
Pieter Leroy
(Tr. U. Dewaele)