Europalia 1985: Espagne.
Europalia, dont le siège est établi au Palais des beaux-arts de Bruxelles, est un festival biennal interdisciplinaire présentant chaque fois un panorama complet du patrimoine culturel d'un pays européen. L'appellation réunit deux éléments, à savoir Europe et Opalia, ancienne fête romaine datant de l'époque des saturnales. Ce fut d'ailleurs l'Italie qui, il y a quinze ans, inaugura somptueusement la série, suivie par les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la France, la République fédérale d'Allemagne, la Belgique et la Grèce. Pour 1985, le choix s'est fixé sur l'Espagne qui, après sa difficile adhésion à la Communauté européenne, y trouvera peut-être l'occason d'effectuer une brillante entrée sur la scène européenne.
L'exposition
Splendeurs d'Espagne et les Villes belges 1500-1700, réunissant les oeuvres de peintres flamands et espagnols de la Renaissance et de l'art baroque, constituera sans doute la manifestation la plus prestigieuse du festival. Certes, il eût été possible de plonger encore plus en amont dans le temps et d'y incorporer le
xve siècle mais, dans ce cas-là, au prix de risques autrement considérables que ceux courus maintenant! Déjà rien que l'idée d'un prêt éventuel du
retablo mayor, peint par Juan de Flandes pour la cathédrale de Palencia, a fourni à R.H. Marijnissen, autorité incontestée en matière d'art, l'occasion de lancer la polémique. ‘Faudra-t-il, écrit-il d'une plume trempée dans le vitriol, que l'Espagne célèbre son adhésion à la C.E. en abîmant son patrimoine artistique?’ Et d'ironiser plus loin: ‘Est-ce en lui demandant de “sacrifier” certaines oeuvres - flamandes de surcroît! - que la Flandre s'apprête à réserver un accueil des plus chaleureux à l'Espagne?’ Populariser l'oeuvre d'un maître tout en laissant les peintures là où elles se trouvent, voilà un principe observé, entre autres, par le photographe A. Dierick qui l'a judicieusement appliqué à quelques tableaux de Jérôme Bosch, conservés au Prado. Fin 1984, on a pu voir à Bruxelles, à la chapelle de Nassau, des photos en couleurs, grandeur nature, du
Jardin des Délices, autrefois conservé au même endroit. A présent, ce document remarquable peut faire le tour des divers centres culturels, initiative intéressante dont on ne peut que se
féliciter. Appliquer impitoyablement la même règle à toutes les oeuvres d'art, même aux plus récentes, les confiner dans leur lieu de conservation habituel, proche ou lointain et y renvoyer chacun signifierait à plus ou moins brève échéance, la fin de toutes les rétrospectives, y compris des festivals Europalia. En
Jacques Jonghelinck (Anvers 1530-1606), ‘La lune’, bronze, 1563-1573, Madrid, Palacio real. Cette sculpture fait partie d'un ensemble de sept statues qui personnifient les planètes et d'une fontaine qui représente Bacchus. Ce groupe de sculptures se trouvait sur la Grand-Place d'Anvers avant d'être offert en 1585 au gouverneur-général d'Espagne, Alexander Farnese, qui venait de faire son entrée à Anvers. A l'occasion d'Europalia 85, ‘La lune’ et deux autres statues seront exposées au Palais des beaux-arts de Bruxelles.
revanche, examiner attentivement l'état de santé de chaque oeuvre avant de lui accorder un visa de sortie, avoir le courage de dire non quand il le faut, voilà des règles de conduite qu'aucun connaisseur ne saurait contester.
Pour ce qui est des Pays-Bas espagnols, la période retenue (1500-1700) est loin d'avoir été de tout repos. Dommage que Charles de Coster, redoutable cicérone, ou Louis Paul Boon, auteur du Geuzenboek (Livre des Gueux) ne soient plus là. Toutefois, que les nostalgiques de la