Septentrion. Jaargang 13
(1984)– [tijdschrift] Septentrion– Auteursrechtelijk beschermd
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Néerlandais en FranceDix-huit mille quatre cent trente-huit Hollandais vivent en France (chiffre officiel du Bureau Central des statistiques néerlandaises fin 1982).Ga naar eind(1) Ils sont moins nombreux qu'en RFA (123.000), en Belgique (76.000), en Grande-Bretagne (25.000) et naturellement qu'au Canada (38.000) et aux Etats-Unis (33.000), en Australie (87.000) ou en Nouvelle-Zélande (35.000). Sur 55.000 Néerlandais habitant l'Afrique, 42.000 résident en Afrique du Sud. Il n'y en a que 5.000 en Indonésie.Ga naar eind(2) Près de 6.000 sont installés en Israël. En France, 6.321 habitent Paris et les départements limitrophes (Eure-et-Loir, Loiret, Oise, Seine-et-Marne, Yvelines, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d'Oise).Ga naar eind(3) Les départements les plus peuplés sont ensuite les Alpes-Maritimes (1.529), les Bouches-du-Rhône (545), la Dordogne (496), le Nord (443), le Bas-Rhin (387); le plus ignoré est la Haute-Loire (5). Les 1.529 résidents des Alpes-Maritimes sont en majorité des retraités qui ont acquis leur maison ou leur appartement dans une région dont ils aiment le climat et dans un pays dont le régime fiscal leur paraît de beaucoup préférable - quoi qu'en pensent les Français - à celui de leur pays d'origine. La plupart des Néerlandais travaillant dans les départements français sont des exploitants agricoles qui, souvent réunis en groupements, possèdent dans les environs de Paris, en Normandie, dans le Loiret ou dans la Marne, des domaines de 100 à 150 hectares ou ont constitué, dans le Sud Ouest, des sociétés, pour la multiplication végétale et la production de semences ou font de l'horticulture dans le Nord ou le Var. Beaucoup de ceux qui sont disséminés dans les départements français se livrent à l'élevage (certains pensent que l'élevage a été rénové en France par l'apport de la ‘Frisonne’, la vache hollandaise), ce qui leur posera des problèmes après les décisions européennes sur la production de lait. Les exploitants agricoles néerlandais en France sont arrivés en trois groupes. Le premier groupe est venu après la guerre de 1914-1918. Il s'agit d'une minorité ayant trouvé des terres dans un pays où tout était à refaire après les destructions de la Grande Guerre (Reims et sa région) et la disparition d'agriculteurs tués, disparus ou devenus inaptes au travail (plusieurs s'installèrent alors dans l'Eure et le Loiret). Encore aujourd'hui, ils possèdent de grandes exploitations. Beaucoup de ceux qui se sont installés à cette période parlent mal le français, mais les enfants et, a fortiori, les petits-enfants sont totalement intégrés; en fait, ils sont français. Après 1945, le remembrement décidé aux Pays-Bas - comme dans d'autres pays, dont la France, mais avec des conséquences plus rudes dans un pays étroit et très peuplé - a contraint de jeunes agriculteurs à émigrer en laissant le frère aîné prendre seul la succession du père. C'était l'époque des familles nombreuses de cinq à six enfants. La France, où tout était à refaire, offrait des possibilités. Ils vinrent donc s'installer dans la Meuse, l'Yonne, la Charente, la Haute-Vienne, la Corrèze, le Lot, le Lot-et-Garonne, presque partout comme éleveurs, sauf dans l'Yonne, pays de polyculture. L'assimilation là-aussi s'est faite sans problème. En 1976, on a vu arriver en France de jeunes agriculteurs menacés par l'urbanisme et attirés par les prix français; ils pouvaient acquérir 100 hectares (200 au Canada) pour le prix de 20 aux Pays-Bas. Ils devaient, cepen- | |
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dant, butter sur deux difficultés; ils méconnaissaient les us et coutumes de ce nouveau pays, le système des marchés intermédiaires, le fonctionnement du Crédit Foncier et du Crédit Agricole, la particularité des baux ruraux, le système des prêts bonifiés, les usages de l'Administration française. Comme ils savaient mal ou pas le français et qu'il n'existait pas dans les campagnes où ils atterrissaient d'organisme susceptible de le leur apprendre, l'installation s'est parfois faite dans la douleur. L'autre difficulté tenait aux pays lui-même. Les jeunes arrivants devaient constater que le climat est différent, les étés plus secs, le rendement infiniment plus faible. Pour un certain nombre de jeunes capables et travailleurs mal informés, la désillusion a été parfois rude... Cependant, une centaine de familles (avec deux ou trois enfants) se sont installées et demeurent notamment dans l'Indre, l'Allier, la Haute-Vienne, la Nièvre); on a vu pratiquer dans le Languedoc Roussillon par quelques Néerlandais qui n'étaient pas des spécialistes mais étaient attirés par les prix et le climat, une sorte d'agriculture écologiste qui n'a pas toujours donné les résultats que l'on croyait, peut-être innocemment, pouvoir en attendre. D'une façon plus générale, beaucoup de familles ont découvert que les villages français étaient de vrais villages avec 50 ou 100 habitants alors que le plus petit village néerlandais compte 1.000 âmes et que la ville est toujours proche. Elles ont appris ce qu'était l'isolement: certains magasins sont loin et surtout l'école est parfois à 20 kilomètres. Les distances ne sont pas les mêmes. La vie est différente. Les rapports entre les êtres sont basés sur d'autres principes, même s'il existe à travers le monde une mentalité paysanne commune. Comment faire comprendre aux sept garçons de cette famille du nord des Pays-Bas installée au centre de la France qu'il n'existe pas de club sportif pour les disciplines pratiquées par chacun d'entre eux et que la Brenne, malgré le courage et la capacité, est une terre peut-être aimée de près par les chasseurs, de loin par les poètes, mais trop dure et trop ingrate pour qui veut la cultiver et en vivre? Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il y a relativement peu d'horticulteurs. Cependant, l'un fait des oignons de tulipes au sud de Berck dont la terre rappelle celle de certaines régions des Pays-Bas, deux ou trois cultivent les glaïeuls en Ile de France et il en existe plusieurs en Provence, notamment dans le Var. C'est au Plan du Pont, près de Hyères, que s'est installé M. Valentin dont le nom évoquerait naturellement la révocation de l'Edit de Nantes s'il n'était catholique. Maraîcher et horticulteur, il pensa s'expatrier en constatant qu'il avait dû plusieurs fois changer le mode de chauffage de ses installations pour l'adapter successivement aux prix du charbon, du fuel puis du gaz. C'était à chaque fois changer d'outil dans des conditions particulièrement onéreuses. M. Valentin - qui s'excuse dans un français excellent de mal parler le français - chercha à s'installer en Allemagne vers laquelle il envoyait déjà une partie de sa production (mais la température posait des problèmes) puis vers l'Italie (mais seul le Nord était possible) pour finir par faire une association dans le Var avec un représentant d'une firme finlandaise productrice de tourbe. Venus en vacances à Hyères voir leurs parents, les trois fils de M. Valentin ont trouvé que le soleil y était ‘beau’. Deux y ont créé leur propre exploitation pour faire, l'un des chrysanthèmes, l'autre des oeillets. Le troisième a repris l'affaire paternelle. Au Plan du Pont dans une vallée verte et belle, sur 13.000 m2 et sous des voûtes de verre (‘le plastique, ce n'est rien...’) dans une installation moderne où chauffage et arrosage sont automatiques poussent en rangs serrés les lys qui sont vendus au marché floral méditerranéen d'Ollioules selon le système néerlandais du ‘cadran’Ga naar eind(4) qui paraît à M. Valentin la seule façon intelligente d'harmoniser l'offre et la demande (‘Je ne suis pas marchand mais agriculteur’ dit-il). Le matériel assez sophistiqué dont on se sert est importé de Hollande jusqu'en France où il n'existe pas ou il est trop cher compte tenu d'une production limitée. Car pour ces Néerlandais parfaitement acceptés, bien accueillis et dont les femmes se plaisent où elles sont, la France horticole n'est pas assez modernisée. Eux ont un ordinateur pour la comptabilité et un autre depuis octobre qui surveille la température et commande le chauffage. | |
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Peu d'agriculteurs néerlandais en France regrettent leur choix. Certains ont quitté les Pays-Bas sans amertume, appréciant peu le côté de certaines mesures politiques ou sociales, le changement des moeurs, l'évolution rapide d'une société marquée par l'indispensable industrialisation du pays et l'urbanisation qui l'accompagne. Ils mènent, par exemple en Dordogne, une vie plus simple. En Dordogne comme en Ardèche, l'agriculteur néerlandais se sent paysan français et regarde d'un oeil soupçonneux le vacancier dont la voiture est immatriculée NL. Ce compatriote n'est pas, en général, très bien vu parce qu'il ne fait que du camping, apporte tout et ne dépense rien (l'eau est pourtant bonne dans ces régions!) parle peu ou pas le français, ne se mêle pas à la population et pendant deux mois se multiplie à l'excès. Pourtant, dans ces mêmes endroits, quelques Néerlandais achètent des maisons, les remettent en état dans le style du pays et font revivre, au moins partiellement, des bourgades endormies qui, sans eux, auraient été promises à l'oubli. Pourtant aussi le million de touristes hollandais découvrent que ces compatriotes, implantés en France, mettent à leur disposition des produits qu'ils apprécient et manifestent un goût certain pour les fromages et les vins des régions traversées et, à leur suite, importés aujourd'hui aux Pays-Bas. Les jeunes néerlandais nés en France restent français bien qu'ayant la possibilité de choisir la nationalité néerlandaise ou française à 18 ans. Ils épousent les enfants de la région, se marient rarement entre eux. |
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