Allocution de M. Age R. Tammenoms Bakker, ambassadeur des Pays-Bas
Permettez-moi, en premier lieu, Monsieur le Ministre, quelques mots de remerciements. Car si nous sommes réunis aujourd'hui, cent ans après la naissance, dix-sept ans après la mort d'un artiste néerlandais, devant ce qui fut se demeure, pour lui rendre un hommage d'une nature si particulière, c'est à votre généreux appui, et à celui de la municipalité de Paris, que nous le devons.
Bien que je sois présent ici en tant que représentant des Pays-Bas, je voudrais, avant de le faire à titre officiel, parler d'abord de Conrad Kickert comme ami et comme amateur de son art.
Cette célébration du centenaire du grand peintre ravive en moi des souvenirs de jeune homme. Il se trouve, en effet, que dans les années 30 mes parents étaient liés avec Conrad Kickert et j'ai ainsi gardé de lui un souvenir personnel que je me permets d'évoquer.
Conrad, c'est ainsi qu'il signait ses oeuvres et c'est ainsi que l'appelaient ses amis, était le fils d'un commandant de la Garde. Il se souvenait avoir passé quelques après-midi au Palais royal et d'y avoir été, avec les enfants d'autres dignitaires, le compagnon de jeux de celle qui devait devenir notre Reine Wilhelmine.
Après de bonnes études il se retrouva, à moins de 25 ans, critique d'art du journal De Telegraaf. Grande fut la désillusion de son père lorsque Conrad décida de renoncer à ce magistère de la critique et de consacrer sa vie à peindre lui-même. De surcroît, pour ce faire, il allait se fixer dans cette Babel, dans cette cité d'avant-garde qu'est Paris.
Je me souviens de sa carrure, de son port altier, de sa courtoisie raffinée. C'était vraiment un personnage impressionnant.
Mes parents avaient acquis plusieurs toiles de Conrad Kickert et, comme elles m'ont été transmises par eux, je puis dire que j'ai avec sa peinture une longue familiarité. Je me sens tout à fait incapable de jouer les critiques d'art, mais je me permets de faire quelques remarques personnelles sur le talent de Conrad Kickert, remarques qui me paraissent convenir à la présente circonstance.
Je dirai que la peinture de Conrad Kickert réalise une synthèse de qualités proprement françaises et proprement néerlandaises.
Le cadrage de ses sujets, leur mise en page pourrait-on dire, me paraissent l'héritage de notre grande lignée de portraitistes et de peintres de natures mortes, mais la fougue de la touche, l'éclat donné à tel ou tel détail qui personnalise le tableau, me paraissent spécifiquement français.
Néerlandaise, ou hollandaise, en revanche, la noblesse conférée à des objets usuels ou à des nourritures simples que le peintre représente avec une grande ferveur, comme s'il était reconnaissant au ciel de nous les avoir donnés.
Il y a, parmi les oeuvres figurant à l'exposition Conrad Kickert qui se tient en ce moment à l'Institut Néerlandais, des tableaux représentant des pains ou des poissons dont la vue ne peut manquer de vous faire comprendre profondément ce que je veux dire. C'est pour cette raison qu'au terme français de ‘nature morte’, je préfère de loin notre expression néerlandaise qui baptise ce genre de tableaux ‘stilleven’: ‘vie silencieuse’ ou ‘vie en arrêt’.
Mais française, très probablement, est la recherche, dans les portraits, de la personnalité intellectuelle plus que du caractère social du personnage représenté.
Il est temps d'en venir à ce qui réunit ici autorités publiques, personnalités des arts, disciples, amis et famille de Conrad Kickert. Je mentionnerai spécialement les membres de